COMATOSE

XVII. MY IMMORTAL

[Nolwenn]

Après plus de six mois de coma, l'état de Nolwenn Sweet n'avait pas beaucoup évolué. Du moins, son état physique, car du côté psychique elle ne chômait pas.

En effet, malgré tous les traitements qui étaient envoyés dans son corps par sa perfusion, malgré les machines qui respiraient à sa place et, surtout, malgré le fait qu'elle ne pouvait même pas bouger une paupière, elle savait qu'elle était encore en vie et elle se battait pour le rester.

Elle sentait quand les infirmières lui faisaient ses soins quotidiens, elle entendait quand ses proches venaient prier pour elle et pour son rétablissement, elle voyait la douleur qui les habitait et elle souffrait de ne pas pouvoir leur répondre.

Les jours où son moral n'était pas au beau fixe, elle sentait ses larmes qui tentaient de se frayer un chemin hors de ses paupières et que personne ne voyait. 

Chaque samedi, elle entendait la voix de sa jumelle qui lui parlait, qui l'apaisait et l'accompagnait dans ses songes.
Elle sentait sa respiration qui se calait magnifiquement à la sienne, les battements de leurs deux cœurs qui ne faisaient plus qu'un.

Elle avait vu, si souvent, les soignants qui se pressaient à ses côtés lorsque son corps et son esprit se dissociaient.
Si souvent, l'acharnement merveilleux qu'ils pratiquaient pour lui permettre de ne pas mourir. Elle leur en était tellement reconnaissante.

Elle voulait vivre. Elle n'avait pas encore seize ans, elle avait encore toute la vie devant elle ! Elle rêvait de se marier, de fonder une famille, d'avoir un emploi qui la comblerait, de se construire une vie magnifique et simple. Elle voulait voyager, rencontrer des gens, apprendre. Elle portait cette rage de vivre avec tant de témérité.

Nolwenn avait vécu la visite de ses amis d'une manière très douloureuse.
Les voir si proches mais tellement inaccessibles avait été pour elle une torture telle que ses larmes avaient coulé sans qu'ils ne s'en rendent compte. Tellement absorbés par la souffrance qu'ils ressentaient à la voir inerte, et de ne pouvoir rien faire pour l'aider.

Elle avait compris, depuis longtemps, le combat que menait sa sœur contre le temps, contre elle-même. 
Et maintenant que ses visites se faisaient plus rares, elle comprit que son double avait mit son plan à exécution.

Bien sûr qu'elle était au courant de ce que Kylliane préparait. Bien sûr que cela la dérangeait atrocement.
Nolwenn aurait tellement préféré que cet accident soit bénéfique à sa sœur, à leur relation. Qu'elle apprenne enfin à vivre pour elle seule, à vivre par elle seule.

Malheureusement, la vie est ainsi faite. On joue avec les cartes que l'on tient entre les mains, et on fait du mieux qu'on peut pour ne pas en sortir perdant.

Au fil du temps qu'elle avait passé enfermée dans son corps, Nolwenn avait apprit qu'elle pouvait se maintenir en vie en ménageant ses forces.
Très vite, elle avait comprit que plus elle tentait de s'éveiller, plus son corps s'épuisait et plus ses organes risquaient de la lâcher.

Mais parfois, sans même qu'elle n'ait à tenter quoi que ce soit, son corps s'épuisait à tenter de lui remémorer les souvenirs glaçants de son accident.

Parfois, des bribes de ce qui lui était arrivé se frayaient un chemin dans le flou de sa mémoire.

Elle savait que ce n'était pour le moment qu'un puzzle désorganisé mais elle essayait parfois de comprendre ce que ces messages pouvaient vouloir dire.
Pour le moment, elle n'avait aucun souvenir précis de ce soir de septembre où sa vie et celle de ses proches avaient basculé mais elle ne perdait pas espoir d'un jour comprendre ce qu'il s'était réellement passé.

Elle avait vu si souvent sa mère pleurer à son chevet, si souvent son père s'énerver pour la garder en vie, si souvent sa sœur désespérer; tout ce qu'elle souhaitait, c'était retrouver sa vie d'avant.

Puis, il y eut ce jour où tout lui revint en mémoire. Ou presque.
Ce jour où, enfin, on lui parla de l'incident dont elle fut la victime malheureuse.

Depuis qu'elle était plongée dans ce coma sans fin, personne n'avait évoqué devant elle la véritable raison de sa présence ici. De ce qui avait enfermé son esprit dans son corps. De la souffrance à laquelle ses proches devaient faire face chaque jour, à chaque instant.

Lorsque l'officier Miguel Pilguez, qu'elle ne connaissait pas, lui rendit visite, elle prit d'abord peur.
Pour quelle raison un policier viendrait-il voir une personne dans le coma ? Elle avait tellement essayé de s'éveiller lorsqu'elle avait senti sa présence, lorsqu'elle avait entendu les mots qu'il prononçait pour elle.

Puis elle s'était finalement apaisée. Comprenant la raison de sa présence auprès d'elle.

En réalité, il ne venait pas pour elle. Pas vraiment.
Il était là afin de trouver une solution pour aider Kylliane. Sa moitié, son double.

Nolwenn savait déjà que sa jumelle n'allait pas bien du tout. Elle l'avait senti.
Même à des milliers de kilomètres, même dans des univers parallèles, les jumeaux ont ce lien indéfectible que rien ne peut expliquer.

Alors, lorsque l'officier se mit à parler du dossier la concernant et des investigations menées avec sa sœur, des flashs lui revinrent doucement en mémoire.

[Flashbacks]

~
Les feuilles n'avaient pas encore prit leurs couleurs d'automne mais, déjà, il régnait dans l'air les effluves du changement de saison.

***

Alors que sa vision se brouillait de plus en plus, aveuglée par ses larmes, l'immense masse qui lui faisait face la brutalisait avec une telle hargne, une telle rage. Jamais elle n'aurait pensé un jour être victime de ce genre de violence.

***

Lors de sa chute, elle entendit un cri d'horreur. Un cri de douleur.

Ce n'était pas elle qui hurlait de la sorte. Mais, alors qui ?
~

Nolwenn sentait bien que quelque chose ne collait pas dans ses souvenirs entrecoupés.
Elle avait le sentiment de passer à côté de d'un point très important mais ses bribes de réminiscences, bien trop compliquées à assembler, ne l'aidaient en rien.

Avant de la quitter, l'officier Pilguez lui fit part de cette supposition étonnante que sa sœur avait fait. 
Et si, effectivement, tout ce qui lui arrivait était lié à une activité paranormale ?

Cela expliquerai énormément de choses et elle était confiante quant à la capacité de sa jumelle pour trouver la solution qui la libérerait de son fardeau.