XVI. SOMEDAY

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L'officier Pilguez n'avait pas perdu une miette du récit de sa protégée.

Il se sentait réellement peiné pour cette enfant qui, déjà, avait vécu tant de périodes difficiles.

Pour lui montrer son soutien, il lui proposa de consigner tout ce qu'elle venait de lui raconter dans le dossier consacré à l'enquête sur l'accident de sa sœur.

Enfin, ils allaient peut-être avancer.
Enfin, elle allait savoir pourquoi, et qui avait osé commettre un tel acte envers sa jumelle.

Plus tard dans la soirée, lorsque l'officier eut déposé Kylliane au domicile de ses parents, une discussion houleuse s'engagea entre l'adolescente et ses parents.

En effet, les récents événements confortaient M et Mme Sweet dans l'idée que leur fille allait de mal en pis. Et tout portait à croire que ça ne s'améliorerait pas.

Ils avaient donc prit la décision de l'emmener, dès le lendemain, consulter à la cellule de crise afin d'avoir l'avis d'un spécialiste.
Toute cette mise en scène autour de sa sœur n'avait que trop duré. Ils ne pouvaient pas la laisser manquer les cours plus longtemps et s'éloigner de sa vie d'adolescente.
Elle devait comprendre qu'elle se mettait là en danger. Comme à l'époque où elle se faisait du mal.

Kylliane répliqua qu'elle retournerait en cours, qu'elle rendrait à nouveau visite à sa jumelle, qu'elle reprendrait même ses rendez-vous avec sa psy si ça pouvait les rassurer.
Mais elle les supplia de ne pas l'envoyer en centre de crise. Elle était si proche de découvrir ce qu'il était réellement arrivé à Nolwenn. Elle ne pouvait pas s'arrêter en si bon chemin !

Ne voulant pas capituler, ses parents refusèrent chacune de ses demandes.

Tout dépendrait du rendez-vous auquel elle assisterai le lendemain matin.

***

Pendant que sa famille s'entre déchirait, Nolwenn se battait comme une guerrière pour ne pas sombrer dans l'oubli.

Immobile dans sa chambre d'hôpital, se maintenant en vie grâce à des machines encombrantes, elle luttait de toutes ses forces afin que son esprit ne disparaisse pas. Elle ne pouvait pas abandonner. Pas maintenant. Elle était bien trop jeune pour passer de l'autre côté.

Elle avait encore toute une vie à vivre, tout un monde à découvrir !

Tandis qu'elle puisait encore dans ses forces, son cœur lâcha soudainement et les machines autour d'elles se mirent à hurler à l'unisson.
Dans les secondes qui suivirent, un flot de soignants se précipita auprès de la jeune adolescente. S'affairant autour d'elle, ils prenaient des décisions aussi rapides que cruciales à la survie de leur patiente.

Alors que la vie quittait son corps, une énorme décharge électrique relança son cœur.

Les machines autour d'elle se firent à nouveau silencieuses.

***

Désemparée, furieuse et totalement dépassée par les événements qui s'enchaînaient dans sa vie, Kylliane se sentait de plus en plus envahie par d'horribles pensées. D'horribles images qui la hantaient.

Elle repensa à ce qu'elle avait vécu lors de cette nuit dans ce vieux manoir effrayant.
Elle repensa à ce monstre atroce qui ressemblait à une version maléfique d'elle-même.

Elle en vint à se demander ce que tout ceci signifiait. Et si c'était cette chose qui s'en été prise à sa jumelle ? Et si, depuis le début, elle livrait un combat contre des forces qui la dépassaient ? Et si il y avait un moyen de réveiller sa tendre sœur ?

Après avoir eut cette révélation, elle s'empressa d'appeler son mentor afin de lui faire part de ses nouvelles suspicions.

Mais le policier ne croyait pas à la cause surnaturelle.
Il conseilla alors à Kylliane d'aller se coucher et de rencontrer, le lendemain, ce psychiatre à la cellule de crise où ses parents voulaient la conduire.

Il en était persuadé, cela ne pourrait que l'aider.

***

Le lendemain matin, Kylliane se rendit, la mort dans l'âme, au rendez-vous forcé que ses parents lui avaient organisé.
Elle était de toute façon au courant des méthodes employées dans ce genre de centre. Il lui suffisait de ne pas parler et personne ne pourrait la contraindre à quoi que ce soit.
Ou alors elle pourrait très bien feindre que tout va mieux, ruser ici et là, et on la laisserait en paix.

Elle avait bien plus important à faire et à penser. Elle n'avait pas le temps pour ces futilités.

Comme elle s'y attendait, elle fut reçue sans ses parents par le médecin de garde de ce centre.

Au début de l'entretien, elle se voulait désinvolte et répondait d'un ton détaché à chacune des questions du psychiatre qui lui faisait face.
Mais quand les questions se firent plus personnelles, plus compliquées, Kylliane senti qu'elle risquait de perdre ses moyens.

Elle chercha alors une porte de sortie afin de conclure rapidement et pouvoir retourner à ses préoccupations.

Elle commençait à se sentir submergée lorsque le psychiatre la sorti de ses pensée.

- Pourquoi avoir adopté la même apparence que celle de ta défunte sœur ?

- Pardon ?!

Toutes ses émotions se stagnèrent d'un coup, d'un seul.
Kylliane ne ressentait à présent qu'une rage grandissante envers ce soi-disant médecin.

- Ma sœur n'est PAS morte ! C'est bien compris ?!

***

Pour la première fois depuis sa rencontre avec la jeune adolescente, l'officier Pilguez rendit visite à Nolwenn.

Il ne l'avait jamais réellement vue, mis à part sur les photos présentes dans les dossiers au commissariat.

Elle était réellement belle. D'une beauté vraiment innocente. Contrairement à sa jumelle, elle semblait tellement paisible, tellement conciliante.
Peut-être était-ce le fait qu'elle était maintenue dans ce coma mais, à l'instant présent, le policier lui trouva des airs angéliques. Comme si elle n'appartenait pas réellement à notre monde.

Il s'installa dans le siège à côté du lit de la jeune fille. Assis près d'elle il pouvait distinguer les différences et similitudes qu'elle partageait avec Kylliane.

Mais ce qui le frappa le plus, c'était qu'elle avait cet air si triste. Il avait l'impression de voir des larmes perler au coin des paupières closes de l'adolescente. 
Après s'être raclé la gorge, il lui conta une histoire, son histoire. Du moins, ce qu'il en savait grâce au dossier que ses collègues avaient établi sur le jour et les causes probables de son accident. Et il lui parla de Kylliane. Beaucoup. Longtemps.

- Tu sais ma petite, je pense qu'il faudrait vraiment que tu te réveilles. Je crois que ta sœur part en vrille sans toi. Elle est persuadée qu'elle peut résoudre ton affaire seule, sans aide extérieure. Elle pense même qu'un événement paranormal t'as amenée là où tu es. Et, que de la même manière que tu es entrée dans ce coma, il y a un moyen de t'en sortir. Je ne sais pas d'où elle peut tenir une si grande imagination... Mais si tu pouvais te réveiller, raconter à tout le monde ton histoire, je pense que ça aiderait beaucoup. Bon... Rétablis-toi vite, et ramène ta sœur à la réalité.

En tapotant la main de l'adolescente, il senti quelque chose au creux de sa paume. Un petit mot plié minutieusement. 
Délicatement, il le récupéra, l'ouvrit et lu avec attention.

"Reviens nous vite. Je t'attendrais. Je t'aime."

Attendri, il replia soigneusement le petit mot et le replaça au même endroit où il l'avait découvert.

COMATOSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant