XIV. SO FAR AWAY

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Avec un marteau piqueur dans la tête, l'officier Pilguez se leva de mauvaise humeur.

Il n'avait que très peu de souvenirs de la veille mais il sentait qu'il devait prendre des nouvelles d'une certaine jeune fille à problèmes.
Il se fit couler un café en attendant que son téléphone se rallume.

Quand il vit le nombre impressionnant d'appels en absence de sa protégée, il se senti soudain très coupable. Cette enfant avait eu besoin de lui, de son soutien et il était allé se vider la tête dans un bar plutôt que de lui venir en aide.

En buvant son café, il composa le numéro de l'adolescente. Répondeur.

Il recommença une fois, deux fois, dix fois.

De nos jours, était-il possible qu'un ado puisse laisser son téléphone éteint ou déchargé ? Il en doutait fortement.

Miguel Pilguez se dit qu'il pourrait bien se passer d'une douche, pour une fois, et enfila les premiers vêtements qui lui tombaient sous la main pour se mettre en route.
Il entra l'adresse de la famille Sweet dans le GPS et démarra au quart de tour.

***

Un faible rayon de lumière caressait le visage endormi d'une jeune fille dans une immense baraque délabrée.

Quelques brins de poussières lui chatouillèrent le nez.

Le corps totalement endolori par la position fœtale qu'elle avait prise toute la nuit, Kylliane se leva difficilement du plancher sur lequel elle se trouvait.
Elle mit quelques instant à recouvrer ses esprits.

En scrutant les alentours à la recherche de ce qui l'avait effrayée dans sa nuit mouvementée, elle se rappela de son téléphone tombé un étage en dessous et entreprit d'aller le récupérer avant de fuir cet endroit qui la terrorisait.

***

Le policier arriva assez rapidement au domicile de la famille Sweet.
La culpabilité qu'il ressentait s'accru lorsqu'il questionna ses collègues sur la raison de leur présence ici.

En effet, le matin même, en se levant, les parents avaient remarqué l'absence de leur fille. La chambre vide, le lit non défait.

La fugue était bien évidemment privilégiée mais, au vu du passif de cette famille, rien n'était laissé au hasard.

Cela faisait deux bonnes heures maintenant qu'une patrouille était à la recherche de l'adolescente et qu'un groupe de policiers attendait au domicile familial un éventuel retour.

Le policier tenta à nouveau de joindre sa protégée mais tomba encore sur le répondeur. Son inquiétude n'était pas feinte. Il savait à quel point cette adolescente était perturbée. Il savait à quel point elle souffrait. Et il n'avait même pas su lui venir en aide !

Le cri perçant de Mme Sweet le sorti de ses pensée.

Kylliane venait de passer le pas de la porte, accompagnée d'un agent de police. Elle semblait exténuée. Terrifiée et frigorifiée.

Elle avait été retrouvée errant sur la route, non loin de là.
Malgré les demande des agents, elle n'avait pas prononcé un seul mot dans la voiture. Ils espéraient avoir plus de succès dans cet endroit familier.

Lorsque ses collègue furent partis, après avoir questionné la jeune fille sur ce qui lui était arrivé cette nuit, l'officier Pilguez demanda à discuter avec la jeune adolescente.
Son père voulu s'y opposer "pas sans un avocat !" mais Kylliane dirigea son mentor vers le jardin afin de pouvoir lui raconter ce qu'elle avait vécu lors de cette nuit de terreur.

***

- Je ne suis pas folle !

- Est-ce que j'ai dis ça ? Non, mais au vu de tout ce que tu as vécu tu as très bien pu imaginer tout ce qu'il s'est passé dans cet endroit. D'ailleurs tu n'avais pas le droit d'y entrer ma petite.

Kylliane bouillonnait de colère.

Elle en voulait tellement à son mentor de ne pas la croire, de ne même pas chercher à essayer d'admettre que ce qu'elle lui racontait puisse s'être réellement produit.

Ses parents, qui étaient restés à l'écart pour entendre la conversation, écoutaient anxieusement les mots qui étaient prononcés par leur fille et se mirent à penser au pire. 
Ils étaient sincèrement inquiets pour Kylliane. Ils craignaient qu'elle ne perde la raison. Que toutes les émotions qu'elle avait vécu ces derniers mois ne soient trop durs pour elle à gérer.

***

Après une petite heure de repos, Kylliane sorti de son lit encore bouleversée.

Des voix lui provenaient d'en bas.
Silencieusement, elle descendit quelques marches de l'escalier et s'y assis, l'oreille attentive.

- Vous ne la connaissez même pas ! Elle est venue vous voir et quoi ? Vous vous être pris d'affection pour elle ? Vous êtes quel genre de flic ?

- Monsieur, je comprends que cela vous dépasse mais oui, je me suis pris d'affection pour votre fille. Elle m'a fait beaucoup de peine et m'a énormément intrigué lors de notre première rencontre. Laissez moi lui venir en aide, je suis sûr que ça lui sera bénéfique.

Alors que ces adultes continuaient à parler d'elle comme si elle était incapable de savoir ce qui était bon ou non pour elle, Kylliane réfléchissait à ce qu'avait voulu dire l'officier Pilguez quand il avait dit qu'elle lui avait fait de la peine.
La perspective d'être prise en pitié lui faisait beaucoup de mal. Cela la mettait même en fureur.

Elle ne voulait pas inspirer la pitié, ou rien d'autre d'ailleurs. Elle ne voulait inspirer aucun sentiment à personne. Elle voulait juste être elle.

Remontée, Kylliane descendit toutes les marches deux par deux et se figea devant ses parents et son mentor.

Dans un élan d'orgueil, elle leur exprima son non-besoin d'être protégée ou quoi que ce soit d'autre.
Elle leur expliqua qu'elle pouvait très bien s'en sortir seule. Sans aide de personne.
Elle les défia de trouver quelque chose à redire et, sans attendre plus longtemps, sorti en fureur dans la rue.

Alors qu'elle avait déjà parcouru quelques mètres, elle fut rattrapée par la voix de son mentor qui l'interpellait.

- Viens, on y va dans ton fameux manoir.

D'abord méfiante face à la proposition qui lui était faite, Kylliane accepta de monter en voiture avec le policier pour visiter le lugubre endroit qui hantait son esprit depuis plusieurs mois.

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