XIX. HOME

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Kylliane était toujours aussi en colère contre ses parents, et plus particulièrement contre son père qui avait eut des mots très durs envers elle.
Après leur dispute dans la chambre d'hôpital de Nolwenn, son père lui avait confisqué son téléphone portable. Une réaction qu'elle jugeait disproportionnée et, pour elle, la punition n'était pas méritée.

En se réveillant le lendemain matin, elle décida qu'aujourd'hui, elle ne sortirait ni de son lit, ni de sa chambre.

Vers midi, sa mère tenta une approche douce et timide. Intimant sa fille d'au moins manger un morceau, quelque chose qui lui apporterait la force dont elle avait besoin pour rester en bonne santé.
Elle n'eut pour seule réponse que le verrou de la porte qui s'enclanchait. Enfermant Kylliane dans son univers et exprimant son envie irrépressible de se couper du monde.

L'adolescente passa le temps en jonglant entre des blogs et des musiques qui n'arrangeaient pas son état général. Elle s'enfonçait dans un cercle vicieux. Ruminant et écoutant des chansons qui finissaient d'achever son moral déjà au plus bas.
Allongée à même le sol, scrutant l'écran de son ordinateur, elle finit par s'endormir épuisée par toutes ses émotions négatives qui la consumaient.

En début de soirée, excédé par le comportement puéril de sa fille, M Sweet décida de dégonder la porte de sa chambre et de la forcer à avoir une discussion.

- Tu ne peux pas réagir comme ça quand ça te chante Kylliane ! Tu n'es plus une enfant, il va falloir apprendre à gérer tes émotions ! Tu devrais reprendre tes rendez-vous avec Mme Chang. Tu en as encore plus besoin aujourd'hui qu'avant...

- Avant quoi ?! Avant que Winnie tombe dans le coma ? Avant que tout le monde m'abandonne et que tu me traites de folle ?!

- Kylliane, tu t'es toi même isolée de tout et de tout le monde ! Depuis l'accident de ta sœur tu n'as plus voulu rien faire. Tu es en train de vriller et c'est très mauvais tu le sais ! Ta mère et moi ne supporterions pas qu'il t'arrive quelque chose à toi aussi ! Reprends toi !

- Mais p'pa ! Winnie c'est la moitié de moi ! Winnie elle est tout, TOUT pour moi ! Papa ! J'aurais préféré qu'on ne rencontre jamais personne et qu'on reste juste toutes les deux. Pour toujours ! Si on était restées que nous deux, il lui serait jamais rien arrivé !

M Sweet resta silencieux un moment. Cherchant ses mots. Se demandant comment faire comprendre à sa naïve fille que ce n'aurait pas été sain. Ni pour elles, ni pour personne.

Il tenta, par tous les moyens, de lui exprimer à quel point elle était tout aussi importante, de façon totalement indépendante de sa sœur. A quel point elle devait exister, individuellement, afin de se sentir réellement elle-même. Qu'elle ne pouvait plus vivre dans cette dépendance envers sa jumelle. Qu'un jour, elle ou sa sœur rencontreront quelqu'un, une personne spéciale pour elles. Que ce jour, elles devront apprendre à se détacher l'une de l'autre. Qu'un jour, elles fonderont un foyer, indépendamment l'une de l'autre. Qu'elles auront des vies différentes, et c'est bien. Qu'elles auront un métier, une carrière qui les épanouira, ou pas, mais qu'elles ne pourraient pas toujours être collées l'une à l'autre. 

- On pensait, ta mère et moi, qu'en vous mettant dans des classes séparées pour le lycée vous trouveriez votre voie, chacune. Que vous apprendriez à évoluer...

- Attends ! C'est toi et maman qui avez manigancé tout ça ?! C'est VOUS qui nous avez séparées ?!

- Kylliane, tu dois apprendre à vivre sans ta sœur ! Je sais que vous êtes jumelles et votre lien est totalement incompréhensible pour moi, mais tu ne dois pas t'imaginer que vous passerez le reste de vos jours ensemble ! C'est malsain ! Tu dois grandir ! Nolwenn s'en est très bien accommodée, elle. Pourquoi tu n'y arrives pas ? Les séances avec Mme Chang ne t'aidaient pas ?

Alors qu'il tentait encore d'argumenter en sa faveur, Kylliane se sentait de plus en plus désemparée. Exclue. Inutile. 

Sa vie ne se résumait qu'à une seule chose : être la jumelle de Nolwenn.

Si elle n'avait plus ça, elle n'avait plus rien. Elle n'était plus rien.

Elle avait besoin de ce lien indescriptible pour exister. Pour avancer. 

Personne ne pouvait la comprendre. Et elle voulait que personne ne la comprenne. C'était ainsi et pas autrement. Rien de ce qui serait dit ou fait ne pourrait rien y changer.

***

Après deux longues et épuisantes heures de discussion, aucun accord ne fut trouvé entre le père et sa fille. Mais Kylliane promit de faire des efforts. D'aller de l'avant. Ou du moins, d'essayer.
Elle ne renoncerait pas pour autant à son enquête, rien ne l'empêchait de continuer à chercher des réponses puis, quand elle les aurait trouvées, de vivre sa vie. Une fois que sa jumelle serait sauvée.

Peu après le départ de son père de sa chambre, alors qu'elle avait relancé ses recherches sur son ordinateur, elle senti une douleur lancinante lui monter à la tête. Kylliane était encore plus épuisée. Elle se sentait nauséeuse, faible et en proie à une intense angoisse inexpliquée.
Elle se sentait étrangement déconnectée. Comme si son esprit se dissociait de son corps. Une grande fatigue l'envahit sans crier gare, accompagnée d'une vive douleur qui semblait lui déchirer le cerveau.

Recroquevillée à même le sol, emprisonnée dans sa souffrance, elle luttait de toutes ses forces pour ne pas se laisser succomber. Elle avait le sentiment que si elle laissait ses émotions prendre le dessus, elle n'y survivrait pas.

Affaiblie, essoufflée, elle prit appui contre son lit afin de se relever. Son mal de tête se faisait plus présent mais elle tenta tout pour l'ignorer.

Sa vue se brouilla et des images apparurent à ses yeux.

Dans des flashs incomplets et entrecoupés, elle vit Nolwenn, sa chute, et entendit sa voix se briser dans un hurlement déchirant. 

- WINNIE !!!!!

Puis, elle tomba à terre.

***

Inquiète, après qu'ils aient dîné, sa mère voulu apporter un petit plateau repas à Kylliane. Ce que son mari approuva et entreprit de lui amener lui même.

- Kylliane ? Tu veux pas manger quelque chose ?

Le plateau tomba immédiatement de ses mains.

En passant la tête par l'embrasure de la porte dégondée, il vit sa fille allongée à terre, inconsciente. 

Immédiatement, il la prit dans ses bras pour tenter de la réveiller et hurla à sa femme d'appeler les urgences.

Il ne fallait pas perdre leur autre fille. Ils n'y survivraient pas.

COMATOSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant