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On ne peut pas toujours expliquer ce qu'on ressent parce que bien souvent, ce qui est dans nos cœurs est plus fort que nos mots.

— Je suis son amie et elle c'est ma cousine.

— Monsieur STEWART n'a pas de famille ?

Je m'arrête un instant et regarde Shasha, je constate tout de suite qu'elle aussi me regarde. C'est tout de même logique vu que je connais Hunter depuis plus longtemps qu'elle. Mais que puis-je réellement répondre à cette question ? Enfin de compte, qu'est-ce que je sais d'Hunter ? Qu'est-ce que je peux dire de lui avec ferme conviction ?

— Il a de la famille mais ils ne sont pas dans la ville, vous pouvez nous donner votre diagnostic et on se chargera de les renseigner sur la situation.

— Bien, suivez-moi.

On se regarde encore toutes les deux inquiètes et nous le suivons, je pense qu'on appréhende ce que le médecin va nous dire et je me pose tellement de questions. Est-ce que l'opération s'est bien passée ? Est-ce que Hunter s'est réveillé ? Est-ce que je peux aller le voir ? Est-ce qu'il va garder des séquelles de cet accident ? Je ne saurai contenir mon angoisse.

Après avoir un peu marchés, il ouvre une porte et nous invite à entrer. Une fois à l'intérieur, il prend place sur son siège en face de nous, moi à gauche et Shasha à droite. La peur s'installe, l'inquiétude prend place et la dure réalité de la situation me frappe en plein visage : Hunter est inconscient, Hunter ne sera peut-être plus là. Je me décide à verbaliser mes pensées et demande d'une voix brisée :

— Comment il va Docteur ?

— Je n'ai pas de bonnes nouvelles pour vous.

Exactement la phrase que je priais ne pas entendre.

— Faites attention à ce que vous allez dire docteur s'il vous plaît parce que mon cœur ne pourrait pas supporter ce à quoi je pense.

— Ne vous inquiétez pas il est toujours en vie mais il est arrivé à l'hôpital dans un état critique, des fragments de verres dans le ventre.

Je grimace en imaginant la scène. Hunter a dû tellement souffrir et je n'étais pas à ses côtés, je m'en veux de l'avoir laissé ces derniers jours, je m'en veux de ne pas m'être excusée. Comme la plupart des gens disent, on reconnaît la valeur des personnes qui nous entourent seulement quant-elles ne sont plus auprès de nous, et c'est maintenant que je comprends le sens de cette phrase. S'il n'y avait pas eu cet accident jamais je n'aurais pris conscience de la toxicité de ma personnalité.

— Et ces verres venaient du pare-brise de la voiture du coupable ? demande Leisha.

— Je n'en suis pas sûr, je dirais des tessons de bouteilles. Peut-être en étant propulsé au sol il y'avait des morceaux de verres par terre. À son arrivée, nous l'avons tout de suite amenés au bloc pour arrêter les saignements et retirer les morceaux de verres. Certes l'opération a été un succès mais malheureusement Monsieur STEWART a fait un arrêt cardiaque dans sa chambre, il est en vie mais son état est très critique. L'arrêt cardiorespiratoire est un problème d'origine électrique qui se manifeste par un rythme cardiaque extrêmement rapide et irrégulier. De ce fait, le cœur ne remplit plus sa fonction et l'oxygène n'est plus acheminé dans le corps. Forte heureusement on a réussi à le stabiliser mais nous avons dû le mettre sous coma artificiel.

Pour moi « coma artificiel » fait référence à légume en décomposition. Parce que enfin de compte on sait qu'il est dans un coma, mais on ne sait pas ce qu'il fait. On ne sait pas où il est durant ce coma, on ne sait pas quant-il va se réveiller, on ne sait rien du tout. Et ne rien savoir c'est pire que tout parce que la peur laisse place à l'attente et l'attente laisse place à l'impatience. J'aurais préféré entendre qu'il sera sur pied dans deux jours ou j'aurais juste préféré le voir passer cette porte et me dire :« Elia petite chieuse, qu'est-ce que tu fous là ? »

— Et ce coma ? Qu'est-ce qu'on doit comprendre ? redemande Shasha.

Une chance qu'elle soit avec moi dans cette épreuve parce que sans elle j'aurais déjà craqué depuis longtemps. Je pense tellement mais je n'arrive pas à matérialiser ces pensées. Je pense à toi, Hunter, plus que jamais auparavant. Je pense à nous, à notre amitié, à nos moments ensemble et j'espère juste qu'on en aura d'autres.

— Le coma est un trouble de l'état de vigilance dans lequel la personne n'émet plus aucune réponse aux stimuli extérieurs, votre ami ne peut donc pas être réveillé car ses deux hémisphères cérébraux sont atteints et ne réagissent plus. Dans cet état il pourra plus facilement guérir physiquement, et même psychologiquement.

— Est-ce qu'il va s'en sortir ? j'arrive à demander.

— Vous savez, il est très difficile de répondre avec exactitude à cette question. Tous les patients sont différents et ne répondent pas aux traitements de la même façon. Les médecins font leur part de travail, et le reste devra être fait par Monsieur STEWART, tout dépendra de sa volonté à vivre.

Si tout dépend de lui alors je n'ai pas à me faire du soucis, Hunter a toujours su se battre et parvenir au bout de toutes les difficultés, ce n'est pas un petit coma qui peut dépasser mon ami. Il va gagner cette bataille comme il a toujours fait. Il ne peut pas me faire ça, il ne peut pas me laisser seule.

— À quel stade il est ?

— Pour l'instant, nous avons commencés avec des doses de sédatifs faibles parce que son organisme n'est pas encore prêt à suivre un traitement brusque. Mais au fur et à mesure, nous allons augmenter la dose et diminuer la température de son corps afin qu'il puisse mieux guérir. Au stade où nous sommes, il n'aurait jamais survécu s'il prenait le traitement en étant conscient car il a énormément de lésions au corps et même cérébrales. Je compte d'ailleurs envoyer ses examens chez un de mes collègues neurologues pour qu'il vous fasse son bilan neurologique donc il faudra justement régler à la caisse afin que ses médicaments puissent lui être administrés. Et également les frais d'opération, sinon on ne pourra pas le garder dans sa chambre.

— D'accord je vais aller payer, Elia je te rejoins tout de suite après.

Je me contente d'hôcher la tête alors qu'elle prend la porte, je me concentre donc sur le médecin et les nombreuses questions que je dois lui poser.

— Docteur, est-ce que dans ce cas on peut savoir quand le coma sera arrêté ?

— Oui, en fonction de l'évolution de l'état du malade. Comme je l'ai dit tout dépendra de votre ami. S'il se bat pour vivre et lutte de toutes ses forces, croyez-moi vous le reverrez bientôt. Par contre s'il guérit lentement le coma sera maintenu. Dans les deux cas, je tiens à vous dire qu'il aura des séquelles qui peuvent durer une heure, un jour, comme toute une vie. Il est impossible d'établir un diagnostic précis, mais dès qu'on aura les résultats de ses autres analyses vous serez au courant.

— Est-ce que je peux aller le voir ?

— Le patient n'a pas le droit de recevoir des visites pour le moment compte tenu de son état.

— S'il vous plaît faites une exception, j'en ai vraiment besoin.

— D'accord, mais vous ne pouvez pas rester longtemps. Il faudra vous rapprocher d'une infirmière pour qu'elle vous donne un uniforme, des gants, et bien sûr un cache nez.

— Il est dans quelle chambre ?

— Chambre F2 porte 7.

Ma secrétaire, cette détraquéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant