Chapitre 2 : Maraudeurs

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 – VARMANTEUIL –



Basile se lassa plus vite qu'escompté de dribbler et passer le ballon à son jumeau. Le soleil s'élevait toujours plus haut vers son zénith, et l'ardeur de ses rayons réverbérés par le ciment sapait l'énergie du garçon. Il immobilisa sous son pied la balle que lui renvoyait son frère, puis se tourna vers leur aînée. À l'ombre d'un bloc d'accès, elle effectuait ses étirements depuis un quart d'heure.

Gale et lui l'avaient tanné avec acharnement pour la convaincre de les emmener au squat avec elle. Kaya n'y avait jamais consenti auparavant. Elle n'aurait d'ailleurs jamais cédé à leur insistance sans les conditions exceptionnelles de cette fin de journée.

Après avoir passé des heures enfermée à trimer sur le post-traitement de ses photographies, la jeune femme avait autant besoin qu'eux d'échapper à l'atmosphère confinée et étouffante de son studio. Quelques brefs échanges de vocaux, et ils avaient enfilé des sandales avant de sortir pour aller la rejoindre dans la fournaise des rues.

Kaya habitait à moins de cinq minutes de marche du squat. Eux en avaient une douzaine à compter depuis l'appartement de leur mère. Le coin des bâtiments visible à travers leurs fenêtres faisait depuis toujours partie du paysage.

C'était cependant la première fois que les jumeaux approchaient du monument réputé chez tous les jeunes des environs. Ils découvrirent avec une sorte d'intimidation admirative ses façades que des années d'intempéries avaient tâché de longues traînées d'eau de pluie et ses verrières allumées de lueurs ardentes par le soleil. Les plantes vivaces qui les prenaient d'assaut étaient encore toutes luxuriantes des averses reçues la semaine précédente

Ils accédèrent au toit par un escalier de service en colimaçon, dont les marches protestaient en grinçant sous leurs pieds. La rampe paraissait prête à se disloquer sous leurs mains.

Les non-résidents du squat utilisaient le plus souvent les voies extérieures comme celle-ci pour se rendre sur l'immense terrasse improvisée. Ce vaste espace à ciel ouvert, où ne s'exerçait aucun type de législation, attirait de nombreuses bandes d'adolescents et d'étudiants.

Kaya y retrouvait souvent des groupes de danseurs qui, comme elle, n'avaient pas les moyens de prendre un abonnement pour pratiquer en salle. Contrairement à la jeune femme, aucun d'eux ne s'attardait cependant une fois la nuit tombée. Car après le crépuscule, le territoire redevenait tout entier aux Régulus, et la Constellation n'avait aucune tolérance envers ceux qui transgressaient les lois implicitement instaurées.

Passée l'excitation première de parcourir le toit de long en large, et le vague soulagement des souffles d'air mous qui attiédissaient son corps en sueur, Basile perdit bientôt toute envie de s'attarder là-haut. Ramassant la balle pour la porter contre sa hanche, il héla son aînée :

— Kaya ! J'ai soif !

Gale renchérit immédiatement :

— On peut aller s'acheter un truc frais à boire ?

Leur sœur se redressa. Deux fines mèches auburn glissèrent de la courte queue de cheval attachée sur sa nuque. L'ensoleillement accentuait le grain des taches de rousseur qui poudraient ses pommettes anguleuses.

— Vous avez de la monnaie ?

— Nan, mais on peut passer en chercher.

— C'est bon, je vous en file, répliqua-t-elle en fouillant dans les poches de son short.

𝐀𝐒𝐓𝐄𝐑𝐒 | Tome 1 | LES DAMNÉS DE BRYVASOù les histoires vivent. Découvrez maintenant