Chapitre 13 : Dette

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VARMANTEUIL –



Cineád commençait à avoir des envies de nicotine, signe que sa patience s'épuisait. Aussi fut-il presque heureux de voir la porte s'ouvrir sur la dirigeante du Lucent.

— C'est bondé, ici, observa Nori en guise de salutation, avant de s'adresser au squatteur. Comment je dois t'appeler ?

Bien que posée avec le plus parfait détachement, la question revêtait une importance capitale pour Cineád. La femme aux dreadlocks rouge connaissait aussi bien son nom de naissance que celui sous lequel il agissait désormais.

— Ici c'est Fahrenheit, l'informa-t-il.

— Noté. Thélia, désolée de te faire te déplacer en dehors de tes heures de planning.

— C'est pas un problème, assura l'hôtesse.

Nori plia son échine reptile, courbant sa haute taille, pour se pencher sur son patient, dont elle examina délicatement les mains. Bouche bée, le blessé détaillait ses écailles d'ambre et de jais.

— Tu peux t'en occuper ? demanda la soigneuse à son employée.

Les tresses en bataille et les yeux de celle-ci virèrent au jaune-orangé alors qu'elle se fendait d'un sourire ravi.

— Oui bien sûr !

Cineád haussa imperceptiblement un sourcil. Nori lui avait manifestement amené une altruiste pur souche. Il s'étonnait qu'elle en ait trouvé à embaucher dans un repaire de narcissiques tel que le Lucent.

La jeune Aster s'empressa de dégoter une cuvette en inox, qu'elle remplit d'eau au robinet.

— Mets tes mains dans l'eau, enjoignit-elle au gamin en déposant le récipient sur une sous paillasse.

— J'ai déjà fait ça, indiqua-t-il d'un air dubitatif.

— C'est pour te soigner, expliqua l'hôtesse avec douceur. Pas pour te soulager.

Il obtempéra finalement et plongea ses mains cloquées de brûlures dans la cuvette. Elle avança les paumes au-dessus de la surface. Les yeux noirs du gamin s'écarquillèrent d'émerveillement lorsque le liquide changea d'état. De translucide, il passa à l'ocre, limpide et miroitant, puis tournoya, devenant plus onctueux à chaque courbe. Les plaies du garçon furent enveloppées par ce baume de miel et de lumière, et se résorbèrent progressivement. En l'espace de quelques instants, la peau fut entièrement régénérée.

— Et voilà ! s'exclama l'hôtesse, cherchant du regard l'approbation de Nori.

Elle obtint un acquiescement silencieux qui parut la combler de fierté. Son patient contemplait ses mains d'un air incrédule, les tournant et les retournant, agitant les doigts comme s'il s'attendait à ce que la douleur revienne à tout instant.

— Ça gratte, s'étonna-t-il.

— Oui, ça va te démanger pendant quelques heures. Essaie de ne pas y toucher.

Cineád n'était pas près de l'admettre à haute voix, mais les soins de la jeune Aster dépassaient ses attentes. S'il n'y avait plus de blessure, la situation décanterait plus vite, et plus aisément.

Macaque s'approcha de son frère, qui lui brandit ses mains toutes lisses devant les yeux. Tous deux se mirent à pousser des piaillements extasiés, interpellant l'hôtesse sans même attendre de réponse. Nori mit fin au tapage en annonçant :

𝐀𝐒𝐓𝐄𝐑𝐒 | Tome 1 | LES DAMNÉS DE BRYVASOù les histoires vivent. Découvrez maintenant