– VARMANTEUIL –
Thélia prêta l'oreille quand elle regagna sa colocation après son service au Lucent. Des respirations paisibles emplissaient le salon. Le ronronnement lointain du trafic s'introduisait par les fenêtres ouvertes. Elle se déchaussa sans allumer et se dirigea d'un pas furtif dans le couloir. Au passage, elle remarqua que Kaya s'était installée avec ses frères pour la nuit. La thaumaturge eut une grimace contrite, se promettant de lui présenter ses excuses au matin pour lui avoir imposé la présence du protégé de Nori.
Épuisée, elle s'endormit à la faveur d'un souffle d'air frais, dans ses draps agréablement refroidis. Une soif aride la réveilla quelques heures plus tard. La bouche pâteuse, elle s'extirpa de son lit et enfila son short et débardeur de coton dans la lumière grise de l'aurore. Le quartier résonnait déjà de trilles mélodieux.
Elle se glissa hors de sa chambre mais se figea avant d'atteindre la cuisine. Une silhouette masculine se dressait dans la salle de bain, appuyée au lavabo. Thélia eut le réflexe de reculer silencieusement d'un pas, afin de ne pas se tenir dans l'encadrement de la porte. Inconscient de sa présence, le squatteur d'Alphecas leva sa main libre devant lui, paume vers le haut. De minces langues de flammes bleues enrobèrent sa peau, ondulèrent autour de ses doigts, puis s'évanouirent, essoufflées. Fahrenheit claqua de la langue avec frustration.
Prudente, Thélia préféra se retirer en tapinois dans sa chambre, fondue dans la pénombre. Elle attendit que la porte d'entrée eût claqué avant d'aller se chercher un verre d'eau.
La matinée était bien avancée quand elle émergea à nouveau du sommeil. À travers les volets entrouverts, des rayons ardents s'infiltraient en oblique. Son épaisse natte échevelée par l'oreiller, Thélia se traîna en direction des discrets bruits d'activité qui lui parvenaient du séjour. Sur le canapé encore déplié, les frères de sa colocataire lisaient un manga en s'échangeant des commentaires au fil des pages. Attablée près de la fenêtre, Kaya découpait une banane dans son bol de flocons d'avoine.
— Ça va ? Bien dormi ? l'accueillit-elle.
La mine embarrassée, Thélia prit place devant elle.
— Kaya, je suis désolée pour hier soir ! Comme Nori a recommandé de le déposer ici et que je l'avais déjà vu avec les garçons, je pensais que c'était ok... Mais elle m'a dit après que tu l'avais pas super bien pris, au téléphone.
— Pas super bien pris, c'est le moins qu'on puisse dire, grinça sa coloc.
Thélia se couvrit la bouche d'une main, les cheveux rose de gêne. Avisant son malaise, Kaya reposa son épluchure et jeta un coup d'œil vers ses frères.
— T'en fais pas, la rassura-t-elle. C'est vrai qu'on le fréquente pas mal mais on est pas vraiment sur des termes où je l'inviterai chez moi. Enfin bon, il est déjà parti, ça a plus d'importance. Tu veux du café ?
Peu adepte de la boisson amère, Thélia refusa et se servit un jus d'orange à la place, qu'elle accompagna de deux tranches de brioche. Entre deux gorgées de café, sa colocataire somma les garçons de commencer à replier le canapé. D'humeur friponne, ils préférèrent abandonner leur lecture pour se courser à travers l'appartement, Gale se faufilant dans tous les recoins sous sa forme de loutre, poursuivis par son frère hilare. Thélia ne put s'empêcher de glousser de bonheur quand le petit animal dodu et soyeux vint se lover contre son mollet. Alors qu'ils partaient se réfugier dans la salle de bain pour éviter les foudres de leur aînée, la thaumaturge songea soudain qu'elle ignorait l'Arété de cette dernière.
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𝐀𝐒𝐓𝐄𝐑𝐒 | Tome 1 | LES DAMNÉS DE BRYVAS
FantasíaÀ Bryvas, les miracles sont trempés de sang. Ils sont appelés Asters : ceux capables de puiser dans l'Éther du monde. Dont le pouvoir irradie les ténèbres. Rassemblés en Constellations, ils se divisent la métropole en quatre territoires. Kaya est...