Chapitre 40 : Recours

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MONTHECLIVES –


Une pluie orageuse noyait le parc Combrond. La végétation, fatiguée en cette saison, trémulait sous l'intempérie. Réfugiée sous un kiosque, Thélia observait l'étang criblé de gouttes. Les feuilles de nénuphars tanguaient sur l'onde agitée. Une vivifiante odeur de bois trempé et de verdure mouillée l'environnait. Des filets d'eau ruisselaient en continu du toit pentu de son abri.

Seule dans ce sanctuaire naturel, elle s'imprégnait du fracas du déluge et du frémissement des frondaisons. Les frissons qui lui couraient sur les bras n'étaient en rien imputables à la fraîcheur ambiante : ce qui tapissait sa peau de chair de poule n'était qu'une houle de bien-être.

La mélodie pluviale emplissait son esprit de bruit blanc d'une pureté absolue. Il s'agissait d'un des rares sons qui ne lui apparaissait pas en éclats de couleurs. Elle ne connaissait rien de plus apaisant.

Un fond sonore lisse, une atmosphère chargée de météores liquides : sous la pluie, Thélia était dans son élément.

L'arrivée d'Adamer fut annoncée par un grésillement d'Éther. Il se matérialisa sur l'allée pavée menant au kiosque dans une nuée argentée et la rejoignit sans empressement. Ses mèches blondes, détrempées, étaient plus hirsutes que d'accoutumé.

Pris par ses fonctions, l'agent de l'URIAA avait prévenu Thélia qu'il ne pourrait pas la retrouver au Lucent sur ses horaires de travail. Il leur avait donc fallu convenir d'un autre point de rendez-vous. Un parc en plein déluge leur garantissait la discrétion nécessaire.

— Désolé de t'avoir fait sortir par ce temps, s'excusa-t-il avec une esquisse de sourire navré.

Thélia fit un geste vers le parapluie reposant contre un pilier.

— Pas de problème, ça me convient aussi.

Tandis qu'il gravissait les marches du kiosque, elle l'étudia d'un coup d'œil. Pas de boisson ou d'en-cas à emporter, pas de sourire radieux ni d'allure désinvolte. Il ne se donnait pas la peine de l'amadouer, aujourd'hui. La concentration affûtait son regard, déjà fixé sur l'objet de leur rencontre. Thélia croisa les mains derrière ses reins et s'adossa à la balustrade.

— Tu as autre chose à me demander, pas vrai ?

— Eh, renifla-t-il, tu me prends de vitesse, maintenant ?

Elle ne se souvenait pas lui avoir déjà entendu des inflexions aussi amères. L'agent poussa un soupir, remettant d'une main un semblant d'ordre dans sa chevelure désordonnée. Sa veste beige, en toile déperlante, gouttait rythmiquement sur les dalles du pavillon. Il se laissait tomber sur le banc en arc de cercle, posa les coudes sur ses cuisses, et joignit les doigts entre ses genoux.

La façon dont il la fixait du regard par-dessous ses cils était plus pénétrante que d'ordinaire. Ses yeux ambrés la couvraient d'estime, l'enrobaient d'une sympathie étrangement peinée.

— Qu'est-ce que c'est, comme couleur ?

Thélia abaissa la tête. Ses mèches coulèrent sur ses épaules en une cascade de taffetas cyan.

— L'apaisement, entre autres.

— Tu dois pas souvent être sereine avec moi, ironisa-t-il.

C'était moins une critique qu'un constat, et il souffla un rire désabusé. Thélia nuança son propos avec une légère moue :

— C'est pas aussi simple.

— Dommage, en tout cas, parce que ça va sûrement changer avec ce que j'ai à te dire.

𝐀𝐒𝐓𝐄𝐑𝐒 | Tome 1 | LES DAMNÉS DE BRYVASOù les histoires vivent. Découvrez maintenant