Chapitre 29 : Intervalle

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VARMANTEUIL –

Après plusieurs regains de conscience aussi brefs que partiels, Cineád finit par s'extirper des tréfonds de la fièvre. La nuque reposant sur le rebord d'une baignoire, immergé dans une eau qui s'attiédissait, il demeura un instant désorienté.

La première chose qu'il nota fut l'amélioration de son état, ainsi que le soulagement physique qui l'accompagnait. Sa tête lui paraissait encore lestée de plomb, l'asthénie écrasait ses membres, mais sa température était retombée à un degré bien plus supportable et la douleur ne battait plus son cerveau à lui en donner la nausée.

Restait donc à démêler la réalité des hallucinations, afin de comprendre ce qu'il foutait à poils dans la baignoire d'inconnus.

Ah, non. Pas à poils. En boxer.

Les bribes de voix qui lui parvenaient des pièces voisines, et dont il identifia immédiatement le timbre, lui permirent de retracer le fil des derniers événements.

Les monozygotes...

L'esthésive lui apposant sur le front une main d'une fraîcheur salutaire n'était donc manifestement pas un produit de son délire. Nori l'avait bel et bien refourgué à la famille de Sadar. Il émit un son à mi-chemin entre le grognement harassé et le ricanement. Ses méninges demeuraient bien trop cotonneuses pour qu'il puisse déterminer s'il était plus ennuyé d'avoir à traiter avec la fratrie dans cet état, ou amusé par la contrariété que cela devait causer à l'aînée.

La part la plus désinvolte et sans-gêne de son esprit fit valoir l'opportunité de profiter du luxe d'un bain froid. Cineád s'octroya donc la grâce de savourer l'effet lénitif de l'eau contre la fournaise de son corps.

La langueur dans laquelle il s'enfonça fut de courte durée. La porte de la salle-de-bain ne tarda pas à s'ouvrir sur deux silhouettes juvéniles. En pyjama d'été, les jumeaux envahirent la pièce. Se sentant moins que jamais l'énergie de supporter leur compagnie turbulente, il se borna à les jauger de son regard torve. La mine de son petit admirateur s'anima en le découvrant conscient.

— Tu vas mieux ?!

Cinead trouva cet éclat de préoccupation authentique profondément désagréable. La sollicitude gratuite ne lui inspirait que de l'inconfort, le piquait comme une démangeaison.

— À ton avis ?

Articuler ces quelques syllabes lui fit réaliser l'ampleur de sa soif. Il avait la bouche si sèche que sa langue reposait comme un morceau de cuir dans sa bouche.

— Qu'est-ce qui t'est arrivé ? s'enquit le second, dardant sur lui des yeux noirs et inquisiteurs.

"Tu viens juste d'immoler quelqu'un", lui revint brusquement l'accusation de l'esthésive.

— Pas tes affaires.

Déglutir lui agressa les muqueuses tant il manquait de salive. La gorge irritée, il résolut de ne plus prononcer un mot tant qu'il ne se serait pas hydraté.

— T'as une voix affreuse, se moqua cette teigne de Macaque tandis que son frère lui passait le dentifrice.

Occupé de se brosser les dents, ce dernier insista :

— Tu t'es battu ?

Ni l'un, ni l'autre n'obtint de réponse. Ils le fixèrent un instant avant de comprendre qu'il ne leur en consentirait pas, puis retournèrent à leur toilette. Celle-ci ne tarda pas à évoluer en éclats de rire et chamailleries, et Cineád jaugea à plusieurs reprises l'état de ses forces, prêt à se tirer dès qu'il serait capable de tenir sur ses jambes.

𝐀𝐒𝐓𝐄𝐑𝐒 | Tome 1 | LES DAMNÉS DE BRYVASOù les histoires vivent. Découvrez maintenant