Chapitre 28 : Faveur

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MORTRAZE –


La carcasse calcinée craquait, figée au milieu des cendres. Croûte à peine humanoïde dont les fissures bluettaient encore. La suie couvrait les murs du box aménagé en laboratoire particulier. Cineád glissa l'une de ses mains fumantes dans sa poche et pressa son bras contre son nez. Le type avait eu le temps de libérer une substance volatile avant qu'il ne lui règle son compte, et il en avait malencontreusement inhalé. Étant-donné qu'il était celui des deux qui vivait encore, les effets du gaz ne devaient pas être instantanés mais il s'inquiétait de leur nocivité.

Il déserta le clos au fond duquel s'alignaient les box de stockage et envoya un message à Oswald pour l'avertir qu'il s'était chargé du Cebalraï dont leur potentielle recrue avait demandé l'élimination. Le pyrocien eut le temps de gagner les transports avant que ne se manifestent les premiers symptômes. Son souffle se fit lourd, son corps se couvrit de sueur sous le denim ignifugé de sa combinaison fraîchement acquise. Des frissons courraient sur sa peau transpirante. Il siffla d'irritation entre ses dents. Quoiqu'il eut respiré, cela lui provoquait une fièvre carabinée. À moins d'une semaine de l'opération de libération de la Marcdargent, c'était bien le pire timing pour être pris de faiblesse.

Quand il atteignit son arrêt, il était nauséeux, la migraine lui pressait le crâne et ses muscles étaient perclus de courbatures. Son corps ne parvenait déjà plus à réguler sa température, laquelle n'en finissait pas de grimper. À mi-chemin de sa destination, la bile lui emplit la bouche, le forçant à s'arrêter, une main en appui contre un mur. Il se se pencha alors que survenait le premier spasme pour ne pas dégobiller sur ses rangers.

Le reste du trajet fut un véritable calvaire. Fébrile, prit d'étourdissements, l'encéphale sous pression, Cineád luttait contre la perte de connaissance. Quand il parvint finalement à l'arrière du Lucent, la violence des vertiges qui l'assaillaient le faisait tituber. Sa chair semblait cuire à l'étuvée sur ses os. L'étau qui écrasait sa boîte crânienne était si puissant qu'il pantelait de douleur. Conserver son équilibre tandis qu'il patientait près d'une sortie de secours lui demanda un effort surhumain. La porte s'ouvrit sur une silhouette rendue floue par sa vision brouillée, mais dont il identifia les dreads rouges. Nori, qu'il était parvenu à avertir de son arrivée avant que les symptômes n'atteignent leur pic, l'interpella d'un ton sidéré.

Son cerveau déconnecta si brutalement que ce fut à peine s'il eut conscience de s'écrouler.


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Il était dix-neuf heure passée lorsque Kaya, sacoche à bandoulière sur l'épaule, cheveux noués en catogan, regagna son immeuble, au terme d'une journée passée à photographier le quotidien d'une bande de Maraudeurs volontaires. Elle s'était levée aux aurores afin de les retrouver dans le taudis qui leur servait d'abris, puis les avait accompagnés dans les cages d'escalier et halls d'immeubles où ils s'établissaient selon les heures. Ces clichés des adolescents stationnés à longueur de temps dans l'espace public représentaient parfaitement le quotidien des Maraudeurs. Pour gagner en visibilité dans leur quartier, ils avaient tout intérêt à se montrer autant que possible à ces points de rencontre stratégique avec les employeurs.

Aucun n'était venu les trouver ce jour-là, mais Kaya avait pu capturer dans son objectif les regards désapprobateurs que les riverains posaient sur eux, les brefs moments de tension lorsqu'une autre bande rivale avait fait son apparition et ceux plus conviviaux lors d'un passage chez un petit commerçant qui les avait pris en affection.

𝐀𝐒𝐓𝐄𝐑𝐒 | Tome 1 | LES DAMNÉS DE BRYVASOù les histoires vivent. Découvrez maintenant