Chapitre 24 : Demande

192 48 283
                                    




– MONTHECLIVES –



Grâce aux cartes offertes par Mystès et l'un des clients, Thélia avait pu s'acheter quelques ensembles à porter au Lucent. Ce soir-là, la tulle de ses manches flottantes ondulait autour de ses bras au moindre de ses mouvements, tandis que les pivoines brodées qui emperlaient son haut couvraient ses courbes de scintillements. Nori s'arrêta pour la considérer avec appréciation quand elle vint la trouver à l'étage des consommateurs standards, puis s'enquit :

— Il y avait bien la LSF dans la liste de tes compétences, sur ton CV, non ?

— Oui, j'ai pris des cours en option au lycée et j'ai continué à la pratiquer en autodidacte. Mais je la maîtrise pas parfaitement.

— Ça vaut mieux que rien. J'ai un client pour toi, annonça son employeuse. Viens avec moi.

La jeune femme la suivit à l'étage supérieur, divisé en larges salles plus intimes. La décoration se composait d'un somptueux arrangement de boiseries sombres et de murs de feuillages composés, rehaussé par la lustrerie de cristal et le marbre lumineux. La pièce dans laquelle fut introduite Thélia aurait pu accueillir une douzaine de personnes et se déclinait en tons clairs. L'ornementation figurait des coulées d'argent et des gouttelettes de verre. Au sol, les tapis de fourrure blanche étaient assortis aux pelisses disposées sur les banquettes.

— Tu l'accueilles, puis tu fais venir les hôtes et hôtesses qu'il demande et tu restes jusqu'à son départ pour traduire, l'enjoignit Nori avant de la laisser avec le client.

Thélia positionna sa main selon la configuration bec de canard en langage gestuel, et l'ouvrit devant sa bouche avant de ramener ses deux mains contre son abdomen d'un mouvement rond.

Bienvenue, signa-t-elle à l'adresse du sexagénaire installé dans la salle. Le visage de celui-ci s'éclaira devant son geste. La mâchoire forte, la peau abîmée par l'alcool et le tabac, il portait l'un de ces polos brodés avec une fausse discrétion d'un logo de prestige. Elle se présenta et lui expliqua qu'elle lui servirait d'interprète, mais qu'il pouvait demander n'importe quel hôte ou hôtesse disponible. Il lui indiqua qu'il était déjà en train de parcourir le catalogue.

La jeune femme prit donc place tout en lui demandant s'il souhaitait commander à boire en attendant de faire son choix. Il signa distraitement le nom d'un champagne coûteux, et elle alla prélever une bouteille dans le mini-bar. Tandis qu'elle le servait, il lui demanda non sans manifester une hésitation polie, si cela ne posait pas de problème qu'il fasse venir trois hôtes. Elle lui répondit qu'il n'y avait pas d'autre limite que son budget au nombre d'Asters dont il désirait la compagnie, ce qui lui tira un rire déformé.

Bientôt, Mystès les rejoignit, accompagné par deux autres hôtes qu'elle n'avait fait que croiser. L'Aster habillé de sa coutumière tenue indigo lui adressa un bref regard de complicité doublée d'encouragements. Thélia entreprit alors de faire les présentations. Elle apprit aux autres qu'afin d'éviter d'épeler systématiquement leur prénom en LSF, il était courant de se choisir un surnom transposable en un signe court. À titre d'exemple, elle donna celui que lui avait révélé leur client : un signe composé du W de William et du geste de la voile, qu'ils traduisirent oralement par Woilly.

Les distributions de surnoms s'effectuèrent au milieu des rires et des toasts. Mystès devint le mystère bleu ; Nahi, adonis à la peau café au lait et aux cheveux tissés de lumière, les yeux étincelants, fut appelé soleil de minuit ; et Raul, dont la complexion de roux ne trahissait aucun indice de son Arété, récolta le surnom de mains douces, en sa qualité de masseur virtuose.

𝐀𝐒𝐓𝐄𝐑𝐒 | Tome 1 | LES DAMNÉS DE BRYVASOù les histoires vivent. Découvrez maintenant