Chapitre 42 : Étincelle

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– VARMANTEUIL –


Dès l'instant où les yeux de Cineád se posèrent sur la Terebros, ils ne la lâchèrent plus. Plutôt que de l'observer de loin avant de passer son chemin ainsi qu'il l'avait fait la dernière fois, il sortit les mains de ses poches et s'approcha d'une démarche indolente. La proposition de l'agent s'évanouit de son esprit alors que son attention se retrouvait happée par le spectacle jaillit devant lui. Pour un instant, tout s'éclipsa face à l'embrasement qu'il voyait surgir pour la seconde fois.

Absorbée dans sa musique, l'esthésive se coulait dans des virevoltes et des arabesques fulgurantes. L'ignescence du couchant ruisselait sur sa silhouette ondoyante, soulignant les gracieuses sinuosités de ses lignes et de ses courbes. Tout son être flamboyait. Au rythme de ses pas, les reflets cuivrés de sa chevelure miroitaient, les lueurs courraient sur sa peau transpirante. Une pulsion de vie animait ses traits, irradiait de chacun de ses mouvements.

Elle palpitait comme une flamme claire, dorée, dansante. Comme une fleur de feu au paroxysme de son éclosion.

Et Cineád s'abreuvait de cette vision. D'ordinaire peu réceptif à tout ce qui touchait au domaine artistique, il étudiait l'expression corporelle vivide de la Terebros, appréciait la souplesse et la précision de ses enchaînements.

Par ses seuls déplacements, elle établissait un territoire impénétrable autour d'elle, pareil à un déploiement extérieur d'une portion de son âme. Cineád s'avança au seuil de cette aire dans laquelle nul n'était autorisé. Il se tint à la lisière de l'univers éphémère au sein duquel elle évoluait, si bien qu'elle ne pouvait que finir par le remarquer.

Le regard de l'esthésive se heurta à sa présence, et elle se figea en pleine volte. Ce fut presque comme si le monde se figea avec elle.

Cineád la scruta attentivement, profitant de l'avoir surpris pour scruter ses réactions les plus authentiques. Quoique la Terebros s'était toujours montrée d'une spontanéité peu commune avec lui.

Il guetta la différence. Le changement inexorable. Celui qui démentirait une fois de plus ce qu'il lui avait affirmé dans sa cage d'escalier, peu après Polarós. Elle devait partager ses interrogations, puisqu'elle l'examina comme si elle cherchait à statuer leurs positions respectives. Car l'hostilité ne perdurait jamais entre eux, s'étouffant sans cesse, et la neutralité n'était plus une option depuis longtemps. Or tout ce qui ne comprenait ni l'un ni l'autre était inconcevable.

— Alors, rompit-il le silence. T'as fini de dérailler ?


✧ ✧ ✧


Après un entretien d'urgence avec sa psychiatre, après que les effets du au cas où se furent estompés, Kaya n'avait plus qu'une chose en tête : danser. Le besoin la taraudait avec impétuosité. Elle s'était éclipsée sur le toit d'Alphecas sans s'arrêter au sixième pour vérifier si Isaac était présent. Imprégnée par la chaleur de la journée que relâchait le revêtement de la terrasse, elle s'était oubliée dans la musique et les figures, pour se retrouver en prenant viscéralement contact avec son propre corps.

Bien sûr, il avait fallu que Cineád choisisse ce moment pour abandonner ses habitudes misanthropes et se pointe avec la manifeste intention de revenir sur le sujet. La respiration ample, elle alla ramasser son smartphone et arrêta la playlist diffusée par son enceinte.

𝐀𝐒𝐓𝐄𝐑𝐒 | Tome 1 | LES DAMNÉS DE BRYVASOù les histoires vivent. Découvrez maintenant