Chapitre 17 : Incursion

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VARMANTEUIL –



Une pluie torrentielle rinçait l'abri, dégoulinant à grandes eaux sur les parois. La buée avait couvert le vitrage du panneau publicitaire contre lequel Cineád s'appuyait, attestant de la chaleur qu'il dégageait en permanence. Les non-Asters autour de lui, trop habitués aux miracles de la métropole cosmopolite, ne lui prêtaient aucune attention. Les bandes ébènes sur sa peau auraient pu lui valoir quelques coups d'œil, mais les manches en jean noir de sa veste les couvraient.

La galopade de courtes pattes griffues sur le bitume mouillé lui fit décrocher les yeux du défilé de voitures. Un éclair de fourrure rousse et trempée passa en trombe devant ses jambes, dépassa l'abribus, puis stoppa brusquement sa course dans un dérapage accompagné d'éclaboussures. Trottinant sous la pluie, un Shiba à la robe rouge vint s'abriter sous l'aubette. Ses halètements canins laissaient pendre sa langue rose entre ses babines, tandis que ses flans palpitaient. Il se posa tout contre Cineád, et s'ébroua vigoureusement de la tête à la queue.

Irrité contre les maîtres incapables de tenir leurs clébards, l'Aster le repoussa sans ménagement de sa jambe. Le chien riposta en claquant des maxillaires à quelques millimètres de son pantalon. Surpris par la hargne de la bestiole, Cineád découvrit les dents sur un sifflement d'intimidation, et se vit répondre par le grondement ténu qui fit frémir le museau blanc et doux. S'il s'était trouvé seul, il n'aurait pas hésiter à le chasser d'une salve de flammes.

L'arrivée du bus interrompit sa piteuse escarmouche avec un chien perdu. Il s'en crut débarrassé quand il se fut frayé un passage parmi l'encombrement de passagers, or le spitz se faufila jusqu'à lui après la fermeture des portes, et se coucha à ses pieds, tête levée vers lui. La lueur un peu trop intelligence qui animait ses yeux sombres fit tilter Cineád. Tu te fous de moi ? siffla-t-il mentalement.

Il ne s'était même pas écoulé une semaine depuis que la détectrice de mensonge était venue récupérer ses frangins, et il avait de nouveau l'un de ses symbiotes dans les pattes. Au moment le plus inopportun. Car quelques stations plus loin l'attendaient deux membres de Rigel.

Peu enclin à s'adresser publiquement à un chien, il se déplaça d'un pas, de sorte à écraser sous sa semelle l'épaisse queue enroulée. Le Shiba glapit, puis planta les crocs dans le cuir de ses boots. Cineád secoua le pied pour le faire lâcher prise.

— Macaque, l'identifia-t-il à voix basse.

Celui-là était trop teigneux pour être le jumeau qui l'idolâtrait. Il ignorait quelle lubie l'avait poussé à le suivre, mais il comptait bien le faire déguerpir sitôt qu'ils seraient descendus du bus, quitte à devoir lui filer un coup de botte dans l'arrière train.

L'intempérie s'estompa le temps qu'ils parviennent à Hamalex, l'arrondissement voisin de Montheclives. Des éclaircies trouaient la chape nuageuse. Cineád s'éloigna de quelques pas de la station, le gamin toujours sur les talons. Il claqua alors des doigts à son adresse.

— Toi, fous le camp.

Le Shiba se borna à se gratter vigoureusement l'oreille de sa patte postérieure. Avant que Cineád ne puisse songer à un moyen plus dissuasif de le chasser, deux silhouettes s'avancèrent à sa rencontre.

— Je ne savais pas que tu avais un chien, s'amusa Oswald, parapluie suspendu au bras.

L'incendiaire s'apprêtait à nier, quand il avisa la façon dont la femme à ses côtés observait l'animal. Il jura mentalement. Sous sa forme canine, l'Essence du garçon était à peine décelable. Seul se distinguait son lien à l'Éther, qui pouvait aisément le faire passer pour une forme de Thērion : ces bêtes et ces créatures issus d'élevages astériens. Or Sahira Razès était une esthésive hors norme. Soit la classe d'Aster possédant les perceptions les plus fines en matière d'Éther. Il doutait qu'elle s'y trompe.

𝐀𝐒𝐓𝐄𝐑𝐒 | Tome 1 | LES DAMNÉS DE BRYVASOù les histoires vivent. Découvrez maintenant