Chapitre 30

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GABRIEL

— Tu viens ?

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— Tu viens ?

Concentré sur le clavier, aux touches blanches et noires, qui se dresse devant moi, je laisse les notes articulées par mes doigts, couvrir la voix de ma sœur.

— Je vais passer à table Gabe, insiste-t-elle pourtant.

Yeux rivés sur les partitions dépoussiérées que j'ai déterrées de la cave en début de semaine, je m'applique à faire résonner le vieil mastodonte à cordes qui égayait mes journées quand j'étais gamin ; et auquel je n'ai pas touché en cinq ans. Pour une raison que je peine encore à m'expliquer, ma visite au cimetière a été étonnement...libératrice. Beaucoup plus que toutes mes séances de psy cumulées. C'en est presqu'effrayant. Qui aurait cru que ce dont j'avais besoin était de passer près de deux heures devant une pierre tombale à parler à voix haute à une personne qui n'existe plus que dans mes pensées.

— Gabe...

Loupant ma note, mes doigts s'immobilisent sur les touches et tente de trouver une réponse suffisamment claire pour que ma sœur ne revienne pas à la charge. J'ai besoin de jouer du piano. Et j'ai besoin d'y jouer aussi parfaitement que je savais le faire quand j'étais gosse. Et pour l'instant, je n'y suis pas du tout. Mes doigts restent fébriles et je gère très mal mes pages noircies de notes lumineuses et ténébreuses.

— Je n'ai pas faim, ce contenté-je d'articuler en tournant les pages du livre de partition afin de reprendre mon morceau fétiche depuis le début...pour la quatrième fois. J'espère que Monsieur Liszt ne m'en voudra pas d'avoir tant écorché son « Liebestraum n°3» [*].

— Comme tu veux, soupire-t-elle en tournant les talons. Pourtant, pour une raison que j'ignore, elle change d'avis presqu'aussitôt et revient sur ses pas. Léa s'introduit alors dans la chambre qu'elle nomme « la pièce des souvenirs » et s'assoit à côté de moi, sur la banquette matelassée.

— Joue au moins quelque chose de plus gai, fait-elle en posant sa tête sur mon épaule.

— J'ai besoin d'être seul Léa, soufflé-je.

— Moi aussi...mais j'ai besoin d'être seule avec toi.

Léa et moi avons une relation assez...particulière à juste titre parce que nous avons des personnalités diamétralement opposées. Comme notre père, elle est introvertie. Et comme il est difficile de savoir à quoi elle pense ou de connaitre ses émotions, j'ai été habitué à les deviner. Et j'ai le sentiment que je me gourre au moins six fois sur dix. On ne se montre pas de signes d'affection...enfin...sauf quand j'ai besoin de la manipuler ou d'acheter ses services. Alors, la voir dans cet état, et l'entendre dire qu'elle veut être avec moi me déstabilise complètement.

— Qu'y a-t-il Léa ? m'inquiété-je alors en tentant de l'étudier du regard.

— Pourquoi tu re joues du piano ? questionne-t-elle à son tour d'une faible voix.

Pull MauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant