Après une année de terminale riche en émotions, Délia décide de changer de continent pour poursuivre ses études universitaires. Un peu trop sûre d'elle et un poil hautaine, elle compte mener cette nouvelle vie comme elle l'entend, dans les règles de...
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— Pourquoi le vieux monsieur est assis par terre ?
— C'est un mendiant Dédé.
— Un mendiant ?
— Il est démuni et implore les piétons de lui faire un don. Les pièces qu'il reçoit lui permettent de vivre...enfin de survivre.
Je revois cette scène de Miss Summers et moi, à l'arrière de sa Land Cruiser, coincées dans les artères de la capitale togolaise, dans les embouteillages notoires du Boulevard de la Paix. Nez collé contre la vitre de ma portière, mes petits yeux fascinés de huit ans, détaillent à quelque mètre, le vieillard aux vêtements lacérés et poussiéreux. Assis en tailleur au bord de la chaussée, ses mains ridées et fébriles sont jointes pour former un réceptacle tremblotant brandit à l'égard de passants qui l'ignorent la majorité du temps. Chaque clignement de ses yeux au cristallin décoloré, semble intensifier la multitude de plis qui lui incisent le visage.
— On peut lui donner des pièces aussi ?
— Nous sommes en voiture et déjà en retard pour ta répétition Dédé. Alors non, on ne pas en sortir pour aller lui donner des pièces.
— Il a l'air malade. Tu penses qu'il a de la famille ?
— Je ne sais pas. Je ne le connais pas.
— Il a besoin de nous !
— Non.
— Pitié Mamie !
— Non Délia.
Ma tête empreinte d'une subite douleur, sombre dans une spirale de scénarios aussi tragiques les uns que les autres. Alors que ma gorge se resserre et que mon ventre s'enflamme, mes membres eux deviennent léthargiques. Comme à chaque fois que mon corps peine à gérer l'angoisse grandissante dans ma tête, il craque...pour ne pas changer. Je me vois fondre sur mon siège. Et plus je regarde cet homme d'apparence aussi immortel que les baobabs et dont chaque ride semble conter une aventure.
— Nous pourrons toujours y revenir demain, propose Miss Summers lorsqu'elle remarque mes doigts tremblants.
— Il s'appelle peut-être comme papi ? Regarde ses yeux. Peut-être qu'il ne peut plus retrouver sa famille parce qu'il ne voit pas très bien. Nous serons sa nouvelle famille dans la tête mamie..., articulé-je dans un souffle, à mesure que ma voix s'étiole.
— Comment ?
— Ben oui. Si on passe un peu de temps avec lui, ben... il va voir dans sa tête que nous l'aimons comme sa famille. Alors il n'aura plus mal à la tête comme moi. Et puis, il sera heureux.
Je revois Miss Summers soupirer de lassitude avant d'abdiquer.
— On pourra essayer d'aller à sa rencontre si tu promets de ne pas lui poser de questions sur sa vie.