Chapitre 36

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GABRIEL

Installé à la table, dans la cuisine de Délia, je la regarde noyer sa larme de café dans une astronomique quantité de lait d'amande

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Installé à la table, dans la cuisine de Délia, je la regarde noyer sa larme de café dans une astronomique quantité de lait d'amande. Elle rajoute à la mixture, une cuillerée de miel avant de la touiller délicatement. Satisfaite du rendu, dont elle avale quelques gorgées, elle fredonne gaiment une chanson tandis qu'elle attrape une pomme ainsi qu'un couteau. Entre deux tranches, elle esquisse une petite danse des épaules. Ses cheveux encore humides de son shampooing, forment ici et là des gouttes irrégulières qui lui dégoulinent lascivement dans le cou. Je pourrais rester là, indéfiniment, pour la regarder réaliser les tâches les plus banales. Délia est un spectacle à elle seule.

— Hmmm ! Délicieux ! s'émerveille-t-elle en croquant dans le fruit. Tu veux un bout de pomme ?

— Non merci.

— Tu as tort, elle est très bonne.

— Je n'en doute pas. Je ne prends juste pas de fruit avec mon café.

— Tu fais du piano donc je vais laisser passer cette remarque qui pour moi est un poignard dans le cœur, raille-t-elle en me tirant la langue.

Je ris. Elle aussi. Puis reprenant une gorgée de sa tasse, elle tamponne légèrement ses lèvres avec sa serviette. Elle hisse ensuite ses coudes dénudés sur la table, et pose son menton fin contre ses mains jointes. Chaque fois que Délia me détaille comme elle le fait en ce moment, j'ai l'impression qu'elle dissèque chaque once de mon âme.

— Alors ? Qu'en as-tu pensé ? demande-t-elle.

Son expression bien que sérieuse ne parait pas grave. De quoi peut-elle bien parler ? De mon comportement de la veille ? De la nuit torride que nous avons passée ? De la douche sensuelle que nous venons de prendre ? Je suis paumé.

— De ? dis-je plutôt en sirotant mon expresso suffisamment noir pour substituer à ma dose de nicotine matinale.

— De mon carnet de vie.

Comme mes pensées, mon remontant amer fait aussitôt fausse route. S'ensuit une toux que je peine à contrôler. Comment l'a-t-elle su putain ? Impassible, Délia détache plusieurs feuilles de Sopalin qu'elle me tend. Elle dénoue ses mains et pioche à nouveau un morceau de pomme qu'elle déguste pendant que je tente de recouvrir ma respiration.

— P...pardon ? parviens-je à formuler d'une voix cassée.

— Ce n'est pas un journal intime. C'est pourquoi il n'y a pas réellement de chronologie. Ce sont des pensées, des réflexions que j'émet à un instant t, sur lesquelles je reviens pour apporter des précisions. C'est un mode d'emploi : le manuel de la parfaite Délia si tu veux. Tu l'as trouvé dans le canapé parce que je traversais une période compliquée. Je n'avais plus toute ma tête et surtout, je n'avais pas prévu que tu rentrerais avec moi à l'appartement ce soir-là, et encore moins que tu y aurais passé la nuit.

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