Sans Aucun Doute

44 : DÉFAITES AMÈRES

44

Ne pas considérer un échec comme un mur encombrant mais comme un rondin dans un fleuve menant à tes perspectives

• Mercredi 31 Juillet

~ Nassreen ~

— Maman... C'est toi ?

— Luke ?

Je portai une main à ma bouche lorsque je perçus sa voix. Cependant ce ne fut que de courte durée. Les ravisseurs reprirent le téléphone et j'entendis de nouveau leur voix autotunée qui me mit mal à l'aise.
Je questionnai Sarah du regard pour qu'elle me confirme d'abord que c'était bel et bien la voix de Luke. Elle acquiesça tremblante.

— Maintenant que vous avez papoté, reprit la voix, poursuivons notre discussion.

Il nous demanda comme précédemment de déposer les affaires au bas de la fontaine. Durant ce laps de temps, je ne pouvais m'empêcher de repenser aux deux trois phrases de Luke et de me poser une panoplie de questions dont une en particulier. Ça faisait mal de l'admettre, mais à ce moment-là, quand Luke prononçait "Maman", ce n'était pas à moi que ce message était adressé, mais bel et bien à Sarah.

Les sacs déposés, nous devions désormais nous diriger vers la sortie du parc. À chaque pas, chaque foulée, je me sentais observée. Le fait que les ravisseurs ne soient qu'à quelques mètres, planqués là à observer le moindre de nos faits et gestes, étaient d'autant moins rassurant. Nous avions une marche de manœuvre beaucoup plus restreinte donc.

Attendre au premier poteau à notre droite.

Il était situé à cinq mètres à peine de notre position. Un monospace bleu marine devait passer sous peu pour nous passer Luke. Nous attendîmes alors.
Debout près du poteau vert d'eau, les secondes s'allongèrent, la minute se fit sentir et s'étira dans le temps. Nous observions chaque geste, chaque passant, chaque pigeon voyageur qui voltigeait au-dessus de nous.

Le moindre bout de voiture qui apparaissait au croisement de la route, croyant à chaque instant que c'était la bonne. Un moindre pas, bruissement de feuillage, le léger bruit du vent, nous étions devenus plus sensibles aux stimulus extérieurs. De l'odeur épicée des hot-dogs à l'autre bout du parc ou du parfum de la femme du trottoir d'en face, mais surtout, de ce goût amer de notre salive dans la bouche.

Sarah triturait ses doigts comme à chaque événement stressant. Je lui en voulais, c'était certain. J'aurais voulu ne pas être là avec elle, c'était évident, mais j'attendais d'abord de mettre un terme à cette histoire avant de lui en foutre une convenablement bien qu'en ce moment je bouillonais autant que le Vésuve à Pompei.
Un monospace bleu fit enfin son apparition au croisement. Elle roula doucement. Jouant avec notre patience.
Cruellement.
Elle se rapprochait. Je restai muette et immobile. Encore un peu plus. La voilà enfin devant nous.

Enfin...

Enfin ! ai-je dit...

Vous ne m'entendez pas ? Pourquoi vous ne ralentissez pas ?!
Vous ne nous avez pas vues !? Nous sommes juste là !

Le monospace bleu ne s'était pas arrêté devant nous, n'avait pas ralentit en voyant le poteau vert d'eau et avait poursuivit sa route comme si de rien était. Il continua. Il bifurqua ensuite, prit le virage et disparu de notre champ de vision derrière le pâté de maison.
Qu'est-ce qui se passe ?

Ce n'était peut-être qu'un monospace bleu parmi tant d'autres. Il passait là par pur hasard...

Non.