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Pdv Blue :

Je n'ai pas compris tout de suite les mots d'Isalys à l'autre bout du fil, quand elle m'a appelé, il y a quelques minutes. Elle était paniquée, les sanglots l'empêchaient d'articuler. Il faut que... C'est Aaron... Tu dois... Blue j'ai peur. J'ai du lui répéter plusieurs fois de se calmer, de respirer. Et puis elle a fini par réussir à m'expliquer. Aaron, il a eu un accident de voiture. Cette bande de connards, ils sont tous partis sans penser à lui. Je reste quelques secondes figée, le doigt suspendu au-dessus du bouton contact. Je secoue la tête, je ne peux pas faire autrement. Je ne peux pas laisser Aaron à l'hôpital avec sa petite sœur qui doit être probablement encore plus paniqué que moi. Enfin, si c'est possible. Alors j'appuie sur le bouton, le moteur démarre, et me voila en route vers le Kaiser Hospital. Je passe les vitesses une à une, sans réfléchir. Le sang bat dans mes tempes, j'ai chaud, mon cœur tambourine dans ma poitrine. J'angoisse.

Tout résonne autour de moi quand je passe les portes de l'hôpital. C'est comme si j'étais la seule à courir au milieu d'un monde qui tourne au ralentis. Le bruit métallique des roulettes d'un chariot attire mon attention. C'est Aaron, il est là, allongé sur ce brancard, les médecins le poussent en courant.

- Aaron !

- MIKE !

Le souffle court, je m'appuie contre le mur. J'ai tellement couru, je peine à respirer. J'ai essayé de paraître calme au téléphone avec Isalys, mais la panique s'est emparée de moi à l'instant où je l'ai entendu pleurer et elle s'est amplifiée quand j'ai entendu ses mots. Accident de voiture. Ça m'a renversé le cœur. Isalys a dit qu'il fallait l'opérer. J'imagine qu'ils étaient en train de l'emmener au bloc. La boule au ventre, j'arpente les couloirs à la recherche d'Isalys. Je fini par la trouver, assise, près des distributeurs de café.

- Isalys ?

Elle sursaute en m'entendant, et contre toute attente, elle se jette dans mes bras.

- C'est de ma faute. Dit-elle, la voix tremblante. Cet accident, c'est à cause de moi.

- Ne dis pas ça.

- Tu ne sais pas de quoi tu parles Blue. Dit-elle en s'éloignant de moi.

Ses joues sont rougies par les larmes, autant que ses yeux qu'elle essuie du revers de la main.

- Aaron participe à des courses clandestines depuis deux ans, parce que c'est le seul moyen qu'on a trouvé pour gagner l'argent que je dois aux mecs pour qui je vendais de la drogue. Je sais qu'il t'as parlé des mes problèmes. Je sais aussi qu'il prévoyait de tout te raconter après cette course. Elle valait mille dollars. C'était la somme qu'il devait gagner s'il remportait la course. Ça devait nous permettre d'en finir avec tous ces problèmes.

J'encaisse, silencieusement, tout ce que j'entends. Je n'interromps pas Isalys. Je repense au moment où je lui ai dit que j'avais peur de monter dans une voiture, au moment où je lui ai expliqué pourquoi, à toutes les fois ou il préféré rouler à cinquante kilomètres heures, ignorer les klaxons et doubler le temps des trajets plutôt que de me faire peur. Puis je repense à tout à l'heure, quand nous étions dans le bus j'ai promis à Isy de l'aider pour un truc. Et enfin, je repense à son dernier message. Je ne peux pas ce soir, demain si tu veux, après les cours ? Est-ce qu'il avait conscience au moment où il m'a écrit, que peut être, demain il ne pourrait pas se rendre au lycée ? Quand on participe à ce genre de choses, j'imagine qu'on sait pertinemment à quel point c'est dangereux. J'écoute attentivement Isalys qui poursuit :

- Tu sais ce que c'est, le pire ? Il a gagné. Simplement, la ligne d'arrivée était située juste avant un virage très serré, et pour la passer le premier, il a du accélérer. Il voulait qu'on soit tranquille, que je n'ai plus jamais à avoir peur en me baladant dans la rue ou dans le métro, que je ne finisse plus jamais amochée comme la dernière fois quand il est venu me chercher et qu'on t'as déposé au retour. Alors il a mis le pieds au planché, je ne sais pas à quelle vitesse il allait, mais il avait dépassé les cent cinquante kilomètres heures sans le moindre doute. Il n'a pas réussi à ralentir suffisamment la voiture après ça, il a raté le virage, il s'est retourné. Et on en est là. Les flics ont rappliqués, et tous ces chiens ont prit leurs jambes à leur cou sans s'occuper de lui. Ils ont tous préféré éviter une amende plutôt que de sauver mon frère. Alors j'ai couru. Jusqu'à la piste. Je m'étais discrètement intégrée à la foule comme je le faisais de temps en temps jusqu'ici, sans qu'il ne soit vraiment au courant. T'imagines, si j'étais restée tranquillement chez moi à l'attendre comme la plupart du temps ? Quand je suis arrivée près de la voiture, il était surpris de me voir, mais il m'a quand même sourit. Il m'a répété une dizaine de fois qu'il fallait que je t'appelle.

Mon cœur continue de battre la chamade. Je suis bouleversée par les révélations d'Isalys, et inquiète pour Aaron. Je ne veux pas revivre ça, pas encore une fois. Si j'en venais à le perdre lui aussi, je ne m'en remettrai pas, plus jamais. Je pose les mains sur les épaules d'Isalys, pour planter mes yeux dans les siens.

- Tu ne dois pas t'en vouloir, d'accord ? N'oublies pas que, si tu n'avais pas été la pour voir l'accident, pour appeler les pompiers, la situation aurait été bien plus compliquée.

- Comment tu fais, pour être aussi calme.

Je pince les lèvres. Si elle savait.

- Je ne le suis pas. J'ai la boule au ventre. J'ai perdu l'homme que j'aimais dans un accident de voiture il y a deux ans, j'ai l'impression d'être en train de revivre exactement la même chose. Je lutte pour ne pas me laisser envahir par mes émotions.

Je suis surprise de réussir à lui avouer ça si facilement. Parler de Mike a voix haute me fait bizarre. pourtant, j'ai l'impression que c'est plus simple qu'avant. Comme si en parler a Aaron avait débloqué quelque chose.

- C'est pour ça, que t'es si bizarre avec mon frère ? A cause de...

- Mike. C'est comme ça qu'il s'appelle.

- Je suis désolée.

- Il ne faut pas.

- De t'avoir jugée. Je t'ai pris pour une princesse indécise, incapable de savoir ce qu'elle veut alors que mon frère est juste exceptionnel. Je crois qu'il t'aime.

Moi aussi, je l'aime. Avec chaque éclat de mon cœur brisé.

- Comment tu as fais ? Demande-t-elle. Pour passer au-dessus. Je veux dire, quand je m'imagine perdre Tommy je... ça me parait tellement impossible, insurmontable.

Sa question me prend de court. Je ne m'y attendais pas. Pendant un instant j'hésite, je suis tentée de fuir le sujet, mais je n'en fais rien, les mots sortent d'eux-mêmes.

- J'ai cru que mon cœur ne rebattrai jamais correctement. J'ai eu l'impression que le sol se dérobait sous mes pieds. J'ai fuis ton frère pendant un long moment parce que je m'en voulais d'aimer quelqu'un d'autre. J'avais l'impression de trahir Mike. Mon Mike. Je ne voulais pas être amoureuse de quelqu'un d'autre, parce que ça ne faisait que me rappeler que lui, il n'était plus là. Mais il faut croire que le charme de ton frère est solide à toute épreuve.

Un léger sourire à pris place sur mes lèvres quand j'ai prononcé ces derniers mots. Le silence retombe entre nous, nous attendons patiemment, assises sur ces fauteuils inconfortable, des nouvelles d'Aaron. Les minutes semblent durer une éternité. J'ai du mal à calmer les battements de mon cœur et la douleur au creux de mon ventre. Je soupire en voyant l'heure sur mon portable. Deux heures du matin. La tête d'Isalys tombe sur mon épaule, je comprends au rythme régulier de sa respiration qu'elle s'est endormie. Petit à petit, les bruits autour de moi s'estompent. Je sens mon corps s'alourdir, je lutte peut être dix, vingt ou trente minutes, mais le sommeil fini par avoir raison de moi. 

BlueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant