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(Nils )

L’arrivée des premiers parents donne le signal. Seulement deux nouveaux ce matin. Fabien m’a expliqué ce qu'ils essayent de mettre en place à chaque rentrée. En modulant les arrivées des nouveaux sur la semaine, notre plus grande disponibilité permet de gérer plus facilement. Ce matin, il restera à mes côtés pour me seconder en cas de besoin. 

Le couple qui entre semble largement plus stressé que leur fils, Martin. Celui-ci, n’a pas de troubles psychotiques. Après deux années d’hospitalisations  lourdes loin du domicile parental, la seule option possible restait une prise en charge en IME. 

— Bonjour. Je suis Nils Favre, l’éducateur spécialisé. Si vous voulez, nous pouvons visiter l’espace où Martin passera une grande partie de ses journées. 

La visite se passe bien, Fabien prend le relais au niveau de son secteur après m’avoir félicité d'un signe de tête pour mon initiative. Les parents, plus sereins, partent en laissant leur fils qui s’installe dans le coin jeux.

—Je peux m'asseoir à côté de toi ? 

Il hoche la tête, mais sans lâcher les autres enfants du regard. Je me penche et chuchote.

— Avec le sweat rouge, c’est Éric. Il a des difficultés pour marcher mais il aime bien les jeux de construction, lui aussi. La demoiselle en jaune s’appelle Meryl. Il lui faudra un peu de temps avant qu’elle se joigne à toi mais cela viendra. 

— Ce n’est pas très grave. J’aime bien aussi lire ou dessiner tout seul. 

—Tu découvriras la cour tout à l’heure. Tu sais faire du vélo ?

Je connais la réponse. Sur son carnet, il est précisé que se retrouver au milieu des autres dans un espace clos ne dérange pas le jeune garçon. En extérieur, cela pose problème. 

— Non. J’aime pas trop les récréations. Est-ce que je pourrais rester ici ?

— C’est toujours envisageable, bien entendu. Je dois quand même te préciser quelque chose. L’extérieur est séparé en plusieurs espaces. Certains enfants ont des frayeurs, ou risquent d’être angoissés si les vélos, trottinettes et ballons risquent de les percuter. Les horaires de récré sont souvent différents pour éviter cela et permettre à tous d’être au mieux. Peut-être que cette fois tu aimeras ? 

Il ne répond pas mais son visage semble moins inquiet. Je me redresse et part un peu plus loin le laissant jouer tranquillement. 

(Gaëtan )

L’idée de Miriam est géniale, la mettre en pratique est beaucoup moins évidente. Soit, je me suis excusé de ma réflexion auprès du jeune éducateur, mais aura-t-il pour autant le désir de m’aider ? Rien n’est moins sûr surtout que rien ne me dit que lui ou les autres connaissent des nourrices ou baby- sitter. Et brusquement, l’idée a germé dans un coin de mon cerveau. La première journée est toujours un peu particulière, avec les parents inquiets, les enfants un peu troublés. Une personne supplémentaire pouvait aider, non ?

Fabien a immédiatement repéré ma présence dans l’entrée de leur espace. Lui et Lise sont des professionnels plus que compétents, leur travail au quotidien ici et dans des services hospitaliers extérieurs aident des enfants et des parents à aller mieux. Installé à une table à côté d'un enfant, monsieur Favre discute tranquillement avec lui. De ma place, impossible d’entendre ce qu'il lui dit. Le jeune garçon doit avoir à peu près l’âge de Sophie. Rien dans sa posture ne montre une quelconque angoisse. Je résiste difficilement à l’envie de me rapprocher alors que je le vois se lever  pour discuter avec deux adultes, des parents sûrement.

Fabien, comme s'il n’attendait que cela se dirige vers moi.

— Bonjour, monsieur le directeur. Il est plutôt inhabituel de vous trouver ici. Encore plus dans les premières journées des parents, y a-t-il un problème ?

— Bonjour Fabien. Aucun souci. Enfin rien en relation avec le travail. Il s’agit d'une question tout à fait personnelle, en fait. Miriam m’a conseillé de m’adresser à vous.

— Ma curiosité est donc particulièrement attisée, précise-t-il un peu moqueur.

— Miriam pense que vous pourriez connaître dans vos relations des nourrices ou des jeunes qui fassent du baby-sitting de façon régulière. 

— Comment notre chère Miriam en est- elle venue à cette conclusion ? Est-ce à cause de notre âge ? 

— Si l’on réfléchit de façon plus rationnelle, votre travail vous permet de croiser un certain nombre d’adultes, non ? Que certains d’entre eux soient amenés à garder des enfants durant leurs études me semble plutôt réaliste. 

— C’est peut-être le cas de Lise. Me concernant, mon carnet d’adresse ne comporte aucune entrée à ce sujet. Celui de ma compagne est peut- être plus adapté, je lui poserai la question ce soir.  Nils ? Peux- tu nous rejoindre quelques instants s'il te plait ? 

Est-ce que ce n’était pas exactement cette situation que je craignais ? Me retrouver face à celui que j’ai traité lamentablement dès le premier jour ? Est-ce que Fabien provoque cette nouvelle confrontation de façon tout à fait volontaire ? Aucune idée. Je me contente de remarquer que la chemise d'un beau bleu roi tombe parfaitement sur la taille du jeune homme. Et que, contrairement à moi, aucun petit bourrelet n’est visible. 

—Monsieur Vernet, me salue-t-il poliment. 

—Monsieur le directeur est à la recherche d'une nourrice ou d'une personne sérieuse pour du babysitting. As-tu cela dans ton carnet d’adresse ?  

—Il se trouve que justement, c’est le cas. Il s’agit de deux jeunes hommes. Le plus âgé est en troisième année d’université, ce travail  lui permet de récupérer un peu de ce qu'il appelle de “l’argent de poche”. A la pause de midi, je peux leur laisser un message pour savoir s'ils ont des disponibilités.

Aucun doute n’est possible, il est désarmant de sincérité. La situation est inédite. Dois-je entrer dans les détails dans l'immédiat ou attendre le résultat de l’appel ? 

— Passons l’étape de la disponibilité pour commencer. Si celles- ci correspondent à mes besoins, nous nous mettrons en contact. Tenez-moi au courant dès que vous aurez des informations, s'il vous plaît. Bonne fin de matinée messieurs.  







Percuté par le soleil Où les histoires vivent. Découvrez maintenant