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(Gaëtan )

Mon après-midi a été plutôt constructive. Deux des assistantes maternelles contactées ont préféré ne pas accepter la garde de Sophie. Trop contraignante d’après elles. Sur le moment, j’étais un peu démoralisé mais je me suis boosté et repris de nouveaux appels. Deux d’entre eux débouchent sur des rendez-vous demain après-midi. 

Un œil à l’horloge, monsieur Favre ne devrait pas trop tarder. Au vu des difficultés pour recruter une nourrice, l’option d'une babysitter pour pallier à des absences devient une quasi obligation. Deux petits coups à peine audibles à ma porte, c’’est sûrement lui.

— Entrez ! 

— Bonsoir. Je n’ai pas pu me libérer plus tôt, désolé. 

— Ce n’est pas très grave. Vous voulez vous asseoir ?

— Si cela ne vous dérange pas, je préfère rester debout. Mes jambes ont besoin de se dégourdir un peu. 

Je ne peux m’empêcher de sourire en l’imaginant, trottinant sur place.  

—Je comprends, il m’est plus facile de faire les cent pas au téléphone, cela ne gêne personne. Je ne pense pas vous retenir longtemps. Miriam m’a donné les références des deux personnes. Je vous remercie d’avoir été si rapide. Mon problème est le suivant. Le temps presse et afin de gagner du temps, il m’est nécessaire, indispensable même,  de faire un tri afin de ne recevoir ou rencontrer que les personnes en réelle capacité de garder la petite fille.  

— Et donc vous aimeriez avoir des précisions sur ces deux- là. Il s’agit de deux frères. Yael a 21 ans et poursuit un cursus universitaire. Simon a 19 ans et travaille à temps partiel pour le moment. Je ne peux être que partial les connaissant depuis très longtemps. Tous les deux comme leur frère aîné font du babysitting. Yael est en plein partiel et ne sera guère disponible mais Simon l’est. J’ai bien compris que cette enfant est importante pour vous ou votre ami. Vous ne perdrez pas votre temps en le rencontrant, j’en suis persuadé.

— Vous ne faites pas les choses à moitié quand vous soutenez quelqu'un ! 

— Non, je le reconnais. 

( Simon )

J’accroche l’antivol de mon vélo pas loin de la maison où j’ai rendez-vous. Je sors ma pochette cartonnée où j’ai posé les recommandations des parents des petits que j’ai gardés. Elles vont compenser, j'espère, l’effet que provoque mon jeune âge. Tourner en rond chez les parents ne me convient pas mais en ce moment, le boulot se fait attendre. 

Un léger coup d'œil dans le reflet d'une vitre me rassure. J’ai beau râler, Hugo a encore eu raison. J’ai beau être plus ou moins pistonné grâce aux recommandations de Nils, rien ne tombe tout seul. Surtout face au mec qui l’a traité d’énergumène ! 

Il devait attendre derrière la porte car à peine ais-je sonné que celle-ci s’est ouverte. Nils ne nous l’a pas décrit et dans ma tête, vu ses agissements, je lui avais offert une tête de vrai con pas aimable. Et ce n'est clairement pas le cas. Nils est un petit cachottier car malgré que je ne sois pas attiré par les mecs, il faut avouer qu'il est plutôt canon. Encore une fois, bêtement je pensais qu'il devait être proche de la cinquantaine. Il est me semble-t-il plus proche de l’âge d’Hugo.  Certes, il y a un léger embonpoint mais l’allure générale, plutôt svelte, est agréable à regarder. 

— Monsieur Prant ? 

— Oui. Comme mon père et mes frères, Simon me convient parfaitement.  

—Je n’aurais pas osé, dit-il avec un grand sourire. Entrez, je vous prie. 

La pièce dans laquelle je pénètre est grande et ...vide de vie. Aucun bruit, aucun jouet qui traîne. Je doute qu'il y ait un enfant ici. Il me montre une chaise collée à une table, et il s’installe à son tour. 

—Je recherche une personne pouvant gérer des gardes régulières si l’assistante maternelle n’est pas disponible. Sophie va avoir sept ans. Elle est déscolarisée depuis presque six mois, dit-il presque sans respirer comme s'il souhaitait se débarrasser de ces mots. 

—Puis-je en connaître la raison ? 

— Son père a eu un grave accident de voiture dans lequel il est décédé. Je n’étais pas avec Sophie lorsque la nouvelle lui a été annoncée, sûrement de manière peu adaptée.  Elle a crié longuement m'a- t-on expliqué puis elle n’a plus dit un seul mot. C’était il y a un peu plus de 6 mois. Son père était mon meilleur ami. Sa femme, la mère de Sophie est morte d'un cancer foudroyant alors que la petite était encore un nourrisson. 

—Pauvre petite puce. Puis-je poser une autre question ? 

— Ce n’est pas la peine, j’ai compris…dit-il d'un ton désespéré. Je vous raccompagne. 

— Vous m’avez mal compris, monsieur. Je voulais seulement vous demander où elle se trouvait en ce moment.

— Le décès de son père a eu lieu en Suisse. Sophie se trouvait dans la garderie de l’hôtel où ils étaient descendus. Le fait qu’elle était seule, sa réaction violente lorsqu’elle a appris sans aucun ménagement le décès d’Arnaud. Le médecin de l’hôtel, peu compétent, y a vu un comportement anormal et l’a fait interner dans un établissement de santé. 

— Certains vont vite en besogne. Elle y est encore ? 

— Non. Elle a rejoint un établissement provisoire le temps que des examens psychologiques soient passés.

—Veuillez me pardonner pour toutes ces questions. Expliquez-moi en quoi consisterait le poste. 

—Je suis impressionné par votre maturité. Vous êtes étudiant ? 

—Non. Je n’ai pas encore complètement cerné dans quel secteur j’aimerai travailler. Alors je teste, j'expérimente cumulant des compétences dans un certain nombre de secteurs. Mon frère aîné m’a fait connaître une agence il y a un an. Nous faisons partie d'une très grande famille. Il nous arrive régulièrement d'être appeler pour garder des cousins ou des cousines. 

—Sophie ne parle pas mais elle est très éveillée. Elle va vivre avec moi ici, son père avait fait le necessaire peu de temps après le dècès de sa femme. Après les vacances de Toussaint, elle ira deux jours par semaine dans un hôpital de jour.

Je ne peux m’empêcher de sourire mais ne commente rien. Nils lui a-t-il parlé d’Hugo ? 

—Monsieur Favre vous a-t-il précisé que j'étais le directeur de l’IME où il travaille ? continue-t-il.

— Oui. Et je sais même comment tu l’as traité des le premier jour, pensé- je très fort.

Percuté par le soleil Où les histoires vivent. Découvrez maintenant