~20~

197 47 20
                                    

(Gaëtan )

Du fauteuil où je suis installé, il m'est impossible de ne pas repérer les différents signaux. Sophie sort petit à petit du sommeil.
Va-t-elle recommencer à pleurer ? Et si je n’arrivais pas à la stopper ?

Elle ouvre les yeux mais reste pour le moment tournée vers le mur, jouant silencieusement avec son lapin. Dois-je entamer la conversation ou la laisser, elle, décider de ce qu’elle veut faire ? La maison n’est pas vaste, elle saura me retrouver si elle le veut. Je me lève du fauteuil et sort de la pièce. L’heure du repas approche, la cuisine m’appelle. Avant de partir chercher Sophie, je me suis fait livrer tout ce qui est indispensable. Garde-manger et frigidaire sont pleins.

Dès son plus jeune âge, son père s'est attaché à lui faire découvrir des saveurs différentes. Je vais devoir m'y mettre. Sans être un adepte de la malbouffe, j’avoue trouver cette option bien pratique quand le temps me manque. Je vais devoir m’organiser pour intégrer cette tâche supplémentaire dans mon emploi du temps. Après avoir débité en tranches fines des courgettes et des carottes, je les fais revenir dans une sauteuse. Le feu baissé, je coupe des champignons qui rejoindront la poêle un peu plus tard. J’aperçois une tête curieuse sur le seuil.

— Je prépare le repas. Tu as faim ?

Pendant qu’elle dormait, j’ai décidé non pas d'oublier la crise de larmes mais d’en discuter que si cela devenait nécessaire. Quoi que discuter va être compliqué. J’éteins le feu sous la poêle.

—Tu as fait le tour très vite tout à l’heure. Viens, nous allons visiter ensemble, dis-je en lui tendant la main.

Elle ne la prend pas mais dès que je commence à avancer, elle me suit.

—Alors derrière cette porte, commenté-je, c’est la salle de bain. Tu veux la voir ?

Je sais qu’elle ne répondra pas mais le but est juste de l’intégrer à la conversation. Ne pas la laisser s'isoler dans son silence. Elle sourit et jette un coup d'œil dans la pièce.

— Je pense que la pièce qui suit va plus t'intéresser, dis-je en continuant dans le couloir. C’est là où tu vas dormir.

Je réalise en n’entendant plus de bruit à mes côtés qu’elle n’est plus derrière moi.

—Tu ne veux pas voir ta chambre ?

Elle me fixe sans réagir alors que j’espérais qu’elle montre sa joie. Et je comprends…

—Je ne suis vraiment pas doué. Je ne t’ai visiblement pas nettement dit les choses. Ou pas suffisamment, je pense, expliqué-je, en m’accroupissant devant elle. As-tu compris que tu ne retournais pas au centre ? Nous allons vivre ici, dans cette maison. Lundi, je vais te montrer un lieu qui devrait te plaire. Il y aura d’autres enfants qui cette fois seront avec toi.Vous pourrez jouer aussi. Et le soir, tu rentreras avec moi, ici.

Ai-je besoin de paroles réconfortantes quand elle me prend dans ses bras ? Non. Je me satisfait amplement de ses deux bras autour de mon cou.

( Nils )

— Je m’attendais à te découvrir épuisé, dis-je en détaillant scrupuleusement Hugo.

—N’exagérons pas. Les premières journées ont été difficiles. Rien de comparable avec une journée hospitalière où on enchaîne la même tâche toute la journée. Je ne saurais te dire si la façon de faire est particulière à la personne qui la dirige. Si c’est le cas, je souhaite rester avec François.

—Tu penses que l’on pourrait te mettre ailleurs ?

—Le poste correspond à mes demandes et aucun candidat ne souhaitait l’accepter.

—Il est où le loup ?

—Aucune idée, je ne suis même pas certain qu'il y en a un. C’est peut-être moins facile de s’impliquer au quotidien avec des enfants ou des adolescents. C'est ce qui m’a toujours manqué justement, moi. Discuter pendant une toilette ou  lors d'un transfert d’un service à un autre ne m’éclate pas. François prend le temps de juger de nos capacités. Quand il sent qu'un contact peut être profitable, il tente. Les patients dont nous avons la charge ne guérissent pas en quelques jours. Le terme de symbiose est peut-être un peu excessif pourtant c’est celui qui se rapproche le plus de ce que j’aimerai créer entre moi et mes jeunes patients.

— Je suis d’accord avec toi. Cette relation pour qu’elle fonctionne nécessite un terreau compatible.

—Et à part ma vie professionnelle, tu n’as pas oublié de me parler d'un truc, à tout hasard  ?

Je me sens rougir. Ce n’est pas de la honte, je n’ai rien fait de mal.

— Pas la peine de rougir, je ne suis pas en colère, Nils. Avant qu'il te vienne à l’idée de râler après Simon, il s’est lui-même plonger dans une situation où c’était trop facile de lui faire tout avouer !

— Comment cela ? Le rendez-vous s’est mal passé ? 

— Et c’est exactement à cet instant précis que je me pose la question. Vais- je moi aussi te faire des cachotteries ?

—Mais c’est injuste. Yael était en plein partiel et n’était pas trop tenté de travailler avec l’homophobe comme il le nomme. Je n’aurais jamais proposé Simon sans savoir qu'il en est tout à fait capable. Si je t’avais dérangé, ils me seraient tombés dessus. Mélanger boulot et vie privée est une très mauvaise idée…

—Très bon argumentaire. Simon attend confirmation mais cela s'est bien passé. Ton patron lui a fait une bonne impression. Quant à ta remarque sur le mélange professionnel/ vie privée, je confirme. Sans que cela soit officiel, la petite fille que je vais gérer très prochainement à l’hôpital de jour est la petite dont parle ton patron et que mon frère va probablement garder en tant que baby- sitter. François lui a peut-être donné mon nom, je ne sais pas. Mais il est certain qu'il a celui de Simon.

—Et tu as peur que cela pose des problèmes ? Parce que vous êtes proches de moi ?

—Ai-je dit une telle chose ? Il a accepté les références de Simon qu'il a reçu à son domicile. Je pense que s'il avait quelque chose contre toi, il n’agirait pas ainsi. Qu’en penses-tu ?

—Je ne sais pas. Il est plus aimable avec moi c’est certain mais il était dans le besoin.

—Tu ne sais pas donc ?

— Quoi ? Tes yeux pétillent tant tu es impatient ! Lâche l’info .

—La petite Sophie est inscrite à l’IME.

 





Percuté par le soleil Où les histoires vivent. Découvrez maintenant