(Fabien )
L’après midi a filé sans que je ne m’en rende compte. J’ai laissé Nils en autonomie et il a parfaitement géré la situation. La douceur dans ses gestes, sa présence qu'il sait doser selon le besoin des enfants sont des qualités nécessaires pour ce travail.
—As-tu besoin d’aide ? me demande-t-il.
— Non, non. Tout est en place pour demain. Lorsque tous les enfants ont quitté les lieux et avant l’arrivée du personnel qui fait le ménage, j’en profite pour vérifier certains dossiers. Il ne m’est pas possible de les prendre à mon domicile par souci de confidentialité mais aussi parce qu'ils pourraient vous manquer à toi ou à Lise. De plus, je suis largement plus concentré ici que chez moi.
— Je ne me suis même pas posé la question ou osé la poser d’ailleurs. Es-tu marié ?
— Pas encore, non. Mais ma compagne est maman d'une petite fille de quatre ans. Elle vit avec nous une semaine sur deux. J’essaye de ne pas rentrer tard pour ces semaines là afin de profiter de sa présence au maximum.
— Oh des parents intelligents qui ne sacrifient pas leurs enfants parce qu'ils ne s’entendent plus ! C’est plutôt rare. Alors, je te laisse tranquille pour ne pas te faire perdre ce temps précieux. A jeudi. Bonne soirée, Fabien.
Je finis de rassembler mes affaires, de mailer des infos utiles à Lise pour les deux jours à venir. Puis je rejoins tranquillement le bureau du directeur.
— Entrez, Fabien. Même si Miriam connaît une partie de l’information, elle n’a pas certains détails. Il est largement temps que je m’explique sur mon très long arrêt.
Nous nous installons, Miriam et moi, face au bureau.
—J’ai connaissance des rumeurs qui ont circulé lorsque mon arrêt s’est prolongé dans la durée et que Monsieur Train a dû me remplacer. Aucun cancer, aucune dépression nerveuse ne me sont tombés dessus. Celui que je considérais comme mon frère est décédé dans un accident de voiture. A la mort de sa femme, quelques mois après la naissance de Sophie, il m’avait nommé tuteur de sa fille, s'il lui arrivait malheur. Je n’ai pas une très grande expérience des enfants mais ces deux-là, Arnaud et sa fille avaient une relation très forte, à la limite du fusionnel. La seule image parentale qu’elle à est celle de son père. Celui-ci avait complètement réorganisé sa vie professionnelle autour de sa fille afin de la laisser le moins souvent possible. Lorsque j’ai reçu l’appel m’annonçant sa mort, j’ai cru mourir à mon tour. En l’espace de quelques jours, j’ai dû assimiler sa mort et assumer la prise en charge de Sophie. Je redoutais ses larmes, j’avais peur qu’elle me rejette. À même pas sept ans, cela m’aurait semblé normal.
Je le vois déglutir, les yeux humides. Un enfant de cet âge peut développer des troubles graves avec parfois de lourdes conséquences sur son développement.
— Sophie n’a pas dit un mot depuis. Je reconnais ne pas avoir été à la hauteur, niant le fait que ce blocage de la parole puisse durer longtemps.
— Vous rejette-t-elle ?
— Non. Les premiers jours, elle restait à l’écart, fixant la porte comme si elle s’attendait à voir son père entrer. Elle ne communiquait pas, même pas en gestes, refusant tout contact à part le mien.
— Elle était dans une structure spécialisée ?
— Elle y est toujours. J’ai dû batailler ferme pour que des psychiatres spécialisés dans les troubles des enfants assurent que Sophie n’est pas folle. Elle s’isole dans l’univers qu’elle se crée, parfois certains sons sont audibles mais incompréhensibles. Grâce à l’appui d'un psychiatre, j’ai pu obtenir la possibilité d’inscrire Sophie dans un hôpital de jour. Le contact avec d’autres enfants et des rendez-vous réguliers pour gérer les troubles comportementaux et cognitifs devraient l’aider.
— Et je suppose que votre demande concernant un mode de garde supplémentaire la concerne ?
— L’hôpital de jour ne peut me proposer que deux journées pour l’instant. Elle n’a jamais fait preuve d’agressivité. Elle se referme seulement sur elle-même.
— Elle vous tolère à ses côtés ?
— Oui. Les premières minutes sont compliquées depuis que je suis revenu ici. La distance ne me laisse pas beaucoup de temps. J’ai des rendez vous avec des assistantes maternelles cette semaine. Je ne sais pas s'il est préférable qu’elle reste à la maison ou qu’elle soit en contact avec d’autres enfants ?
—Vu ce que vous dites, le contact s'il est modéré devrait l’aider. Elle n’est visiblement pas prostrée. La volonté de parler reviendra. Mon carnet d’adresse personnel ne va pas vous aider mais je vais faire tourner l’information où cela peut être efficace. Nils, monsieur Favre, va peut-être vous aider avec des gardes occasionnelles. Ce genre d’option n’est pas négligeable si cela reste la même personne. Ce n’est peut-être pas encore d'actualité mais avez vous songé à inscrire cette petite demoiselle ici ? Le nombre réduit d’enfants permet une prise en charge plus adaptée et l’utilisation des outils pour motiver tout ce qui est cognitif on connaît et on pratique, vous le savez ! Je sais que les places sont rares mais cela vaut le coup de poser la question.
— En fait, j'ai pris les devants sur le sujet. Dans la mesure où cela se passe bien à l'hôpital de jour, elle pourrait bénéficier d'un accueil de une voire deux journées par semaine. Les nourrices, d'après ce que l'on m'en a dit, préfèrent des temps pleins. Des personnes à mon domicile pourraient fonctionner si elles ne changent pas tous les quatre matins.
— Je pense la même chose. La régularité facilitera la relation et l'aidera à être plus à l’aise
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Percuté par le soleil
RomanceAprès un long arrêt maladie, Gaetan revient au travail. Son poste de directeur adjoint à l'IME l'attend. Costume sombre, chemise blanche, cravate, rien dans son apparence n'inspire la joie de vivre. Suite à un entretien avec la direction, Nils a dé...