~41~

191 45 28
                                    

(Nils )

Discuter avec Hugo m’a fait beaucoup de bien. Enfin le verbe discuter ne représente pas la réalité des faits. Le trop plein d’émotions était tel que je me suis effondré. Gaëtan m’a appelé, moi. Pour m’annoncer ce pur moment de bonheur. Et au lieu de me réjouir avec lui, j’ai disjoncté purement et simplement. Mon esprit ne se souvient même pas de mes mots. Hugo a patiemment attendu que je me calme puis m’a conseillé de filer discuter avec Gaëtan. Facile à dire mais, depuis le temps, je sais que les conseils d’Hugo sont rarement mauvais.  Ce qui explique pourquoi je me trouve à deux enjambées de son bureau.

—Ah. Voilà peut-être la personne qui pourra m’expliquer ! Bonjour Nils.

—Bonjour Miriam. Si je peux être utile, pourquoi pas mais j’aimerai discuter avec Gaëtan tout d’abord.

—Moi aussi, c’est une des choses que je souhaiterai faire. Mais il n’est pas là.  J’ai eu un bref message qui me signalait son absence ce matin. Avez-vous des informations à ce sujet ?

— Il a, en effet, Miriam, nous interrompt Gaëtan qui vient de surgir derrière moi. Je vous expliquerai ce qu'il en est mais, pour le moment, moi aussi, je souhaite discuter avec monsieur Favre.

Son ton, sec, me glace. D'un mouvement brusque, il passe devant le bureau de Miriam et entre dans le sien.  Je le suis.

(Gaëtan)

Trouver Nils devant mon bureau, désirant me parler, a confirmé les propos de Simon. Celui-ci m’a fait un bref résumé de l’appel d’Hugo.

—Nils, vous le savez, est fragile émotionnellement.

—Et ma façon de lui annoncer la nouvelle l’a bouleversé. Quel idiot, je suis !

—Je ne dirais pas cela, non ! La façon de faire n'avait rien de malsain. Mais il ne s'y attendait pas. Que vous l'appeliez, lui.

—Sophie pratique ce rituel à chaque lavage des mains. Entendre à nouveau les paroles est sûrement le déclencheur ! Mon geste était bienveillant, je te l'assure.

—Je n’ai aucun doute à ce sujet. Vous êtes tous les deux à fleur de peau. Je vais m’occuper des deux petits comme prévu. Si Sophie parle à nouveau, je vous tiens immédiatement au courant. Filez discuter avec Nils.

Nous y sommes, et il me suit en silence dans mon bureau.

—Je tiens à m’excuser, Nils. Tu as eu l’exemple en direct de mon souci avec les interactions.

—T’excuser ? Mais c’est plutôt à moi de le faire. Le fait que tu m’appelles...m’a paniqué. Tu as découvert des facettes de moi où la trouille peut me rendre méchant, agressif.

—Comme ta remarque du premier jour, dis-je en m’approchant de lui un peu plus. Nils, quoi que tu en dises ou penses, chanter avec Sophie cette comptine semble avoir déclenché quelque chose. Il m’était tout simplement impossible de garder cela pour moi. J'ai juste omis de  prendre en compte ton émotivité.

—Tu comprends à quel point c'est handicapant !

— Oui. Mais ne compte pas que cela me fasse fuir. Nils… C'est la première fois que cela m'arrive… Cette envie de passer du temps avec quelqu'un, d'apprendre à nous connaître.

— Est-ce que cela ne va pas sacrifier Sophie ?

— La sacrifier en quoi ? En passant du temps avec nous deux ? Tu m'aides à m'ouvrir aux autres. Et j’ai aussi très envie de cela, dis-je en approchant mes lèvres de sa bouche. Libre à toi de me stopper.

Le sourire sur son visage ne ressemble en rien à un rejet et ses lèvres rejoignent les miennes accompagné d'un petit gémissement de plaisir.

—Je croyais que cet instant n'arriverait jamais, chuchoté-je en le serrant un peu plus contre moi.

— Il me trotte dans la tête depuis quelques jours. Tes gestes tendres pour me consoler m’ont donné un avant goût que je souhaitais renouveler.

—Je vais presque regretter de ne pas avoir été un peu plus patient.

—Tant pis. Reprenons notre conversation, dit-il en happant mes lèvres.

Nous avons, l’un comme l'autre, des difficultés à nous séparer. La sonnerie de la fin de la récréation est hélas le signal de la séparation.

—Viens à la maison ce soir, s'il te plait.

—Sous quel prétexte ?

— Je pense que nous avons passé l’âge pour cela. Sophie te connaît.

—Oui. Devrons-nous nous cacher ?

—Je n’en vois pas la raison. As-tu peur que cela aille trop vite ?

—Tu le crois, toi ? Peut-être devrions nous être discret ici. Pour éviter que cela puisse gêner des parents.

J’éclate de rire, ce qui a pour effet de le stopper net.

—Pardonne-moi pour cet éclat de rire. Nous nous sommes embrassés pour la première fois, il y a vingt minutes, dis-je en montrant l’heure et tu t'inquiètes déjà de l’effet sur les parents.

—Je suis ridicule.

—Pas du tout. J’ai, moi aussi, envie de me projeter. N’en doute pas un seul instant. Concernant ta remarque à propos des parents ou des collègues, je ne compte pas me cacher.

—N’as-tu pas peur des remarques ?

—Je n’en sais rien, Nils. Mes quelques relations ne l’étaient que dans des lieux safe. Contrairement à toi, je n’ai jamais été confronté à des remarques homophobes. Je ne déciderais de rien seul. Se montrer ou pas nous concerne tous les deux comme tout un tas d’autres situations. C’est pour moi la signification d’apprendre à se connaître.

Deux bras m'entourent la taille, et je sens Nils se coller contre mon torse. Un léger souffle dans mon cou, un doux effleurement tout léger, à peine perceptible de ses lèvres, je ne bouge pas. Millimètre par millimètre, en un délicat et délicieux trajet sur ma peau frémissante, il arrive à mon oreille et chuchote : ce programme me convient.

Percuté par le soleil Où les histoires vivent. Découvrez maintenant