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( Simon )

Je ne pense pas oublier de sitôt cette image ! Gaëtan était tranquillement assis à table, sirotant son café comme moi tout en discutant avec Sophie et Martin quand subitement il s’est levé d'un bond. 

—Zut ! Je n’ai pas fait attention à l’heure ! Je dois y aller. S’il y a le moindre souci, Simon, je compte sur toi pour me contacter ! Mon poste de directeur devrait m’aider à partir en catimini. 

—Et bien, en voici un bel exemple ! Et devant les enfants en plus, m’exclamé-je ! Je devrais m’en sortir. Martin et Sophie ne sont pas des diablotins. Filez, Gaëtan ! Sophie, montre à Martin où se laver les mains, s'il te plait ! Je vous rejoins dans deux secondes. 

En deux temps trois mouvements, les voilà descendus de leurs chaises, Sophie ouvrant la route. Direction la salle de bain, à trois enjambées de la cuisine où j’assistais au lavage consciencieux. Habitué à des lavages très approximatifs dans certaines familles, j'ai été surpris la première fois. Gaëtan m’avait expliqué une habitude à la limite obsessionnelle du papa de Sophie qu’elle retraçait de façon systématique. Celui-ci avait inventé une sorte de comptine mimée pour que Sophie mémorise les gestes. Gaëtan à son grand regret ne s’en rappelle pas. Martin, attentif aux gestes de Sophie, ne met pas longtemps pour les reproduire. 

—Tu connais ces gestes, toi aussi ?

—Non mais c’est drôle de voir faire Sophie. On dirait qu’elle chante. 

—C’est tout à fait cela. Un jour, on entendra sa voix, tu verras.

—Vous voulez faire des jeux ou lire un peu ? Martin ?

—Je suis un peu fatigué. Regarder des livres me plait bien.

—Nous allons nous installer dans la chambre de Sophie. Il y a des poufs où tu pourras t’installer tranquillement. Et si tu t'endors, ce n’est pas grave. 

(Nils )

Les élèves sont dehors sous la surveillance de Fabien. Celui-ci va s’en charger pendant que j'irai voir Gaëtan. Bien évidemment qu'il a souri lorsque je lui ai demandé ce service.

—Prends tout le temps nécessaire, Nils ! Je ne les quitterais pas plus des yeux que les trois miens. 

Son sourire agrandit le mien. Grâce à ses paroles, je me sens plus à l’aise, moins coincé face à Gaëtan. L’absence de Miriam à son bureau me freine un petit instant. Puis-je entrer dans le bureau de Gaëtan sans qu'elle le prévienne avant ?  Je considère que oui. Après tout c’est lui qui m’a demandé de passer. Deux légers coups sur la porte et sa voix m’autorise à entrer. Dès qu'il lève la tête et me reconnaît, il sourit.

—Entrez, Nils. Je suis heureux que vous ayez réussi à venir. Asseyez-vous. 

—Je ne vais hélas pas pouvoir rester très longtemps. Fabien me garde les élèves mais il a plusieurs massages à faire. Martin n’a pas été trop angoissé ? 

—Je crois que nous l’avons été plus que lui. L’aventure l’a fait rire. 

—L’aventure ? 

—Quelques minutes après l’arrivée de Simon chez ses parents, une grosse averse a rendu l’option marche à pied impossible. La course est encore à bannir pour Martin en dehors d'une surveillance médicale. Simon a immédiatement contacté Hugo. En quinze minutes, celui-ci embarquait Simon et Martin pour les déposer à la maison. Il s’est proposé de le faire tous les matins tant que la voiture des parents de Martin n’est pas réparée. 

—Cela ne me surprend aucunement de sa part. Du Hugo tout craché ! Et aucun des deux petits ne semblait inquiet à l’idée de se retrouver ensemble ?

—Non. Sophie bien qu’elle ne parle pas sait se faire comprendre. Martin, du fait de son cursus médical, a appris à se débrouiller seul. Il est plutôt calme. La cohabitation va fonctionner. Simon est inventif, et saura les occuper tout en tenant compte de leurs situations. Au moindre souci, je lui ai dit de me contacter. Il serait peut-être utile de lui fournir quelques petits jeux ou exercices faciles à gérer. 

—J’y ai pensé aussi. J’y travaille à l’heure du repas et si cela ne vous dérange pas, je vous les pose ici. 

—Simon s’est proposé de rester jusqu’à 18 heures ce soir. Le père de Martin semblait légèrement inquiet. Voir les lieux où son fils va passer ses journées m’a semblé être une bonne idée. Voulez-vous en profiter pour passer vous aussi et montrer ces exercices à Simon ? 

—Même si celui-ci est en pleine forme et très volontaire, ne tirez pas trop sur la corde. Sophie comme Martin nécessitent une vigilance de tous les instants. Rien n’est anodin les concernant, Simon ne se remettrait pas s'il leur arrivait quelque chose par sa faute. 

—J’ai conscience de tout ceci, croyez-moi ! J’ai parfois l’impression de marcher sur des œufs avec Sophie. Je sais pertinemment qu'un jour la parole reviendra. Qu’elle aura des questions auxquelles je ne saurais pas forcément répondre.  

—En être conscient est déjà une étape. Il faudra vous faire aider. Si j’ai bien compris, vous ne vivez pas dans leur ancienne maison…

—Même si la maison est légalement celle de Sophie - Arnaud était très prévoyant- m’y installer m’était tout simplement impossible. J’ai conscience, une fois encore, que ce sera un chemin à franchir. Je ne pense pas que ce soit de la lâcheté, je me suis contenté de prendre quelques affaires qui lui étaient chères et d’autres qui sont plus représentatives d’Arnaud. 

—Cela me semble être un comportement normal. Je ne connais pas suffisamment Sophie mais j’ai croisé des situations similaires. Lorsque son esprit sera prêt, même sans parler, vous comprendez que c’est le moment. 

Percuté par le soleil Où les histoires vivent. Découvrez maintenant