(Nils )
Fabien semble autant surpris que moi du départ plutôt brusque du directeur.
— Il est évident que ma présence lui donne de l’urticaire ! grommelé-je.
—Je ne saurais te dire si c’est à cause de toi. S'il voulait t’éviter, Nils, il lui suffisait de me faire venir dans son bureau. Je vais aller traîner du côté de chez Miriam pour tenter d’obtenir des infos.
— Il se renseigne sûrement pour une de ses relations, tu ne crois pas ?
— C’est exactement à ce sujet que je vais tenter d'obtenir des informations. Que cela ne t’empêche pas de contacter cet ami, surtout !
Après le moment repas allégé pour cette journée de reprise, je m’isole dans un coin de notre salle pour contacter Yael.
— Salut Nils. Ne te tracasse pas si tu n’arrives pas à joindre Hugo. Il était distrait ce matin et son portable est resté ici. Simon vient de partir lui poser.
—Il devait être soucieux pour en arriver là. Tu sais quelque chose ?
—Pas la peine de lancer le mode gestapo, je ne sais rien. Ce travail est plus exigeant, c’est tout. Il se donne donc à fond, tu le connais !
—Il rêve depuis si longtemps de sortir de la spirale ménage que l’on semblait s’acharner à lui proposer. Pour être honnête, mon appel vous concernait, toi ou Simon. Le directeur de l’IME cherche une nounou ou un baby sitter.
— Celui qui n’aime pas ton look ? J’suis pas trop sûr de supporter ce genre de type. Mes partiels approchent, ils sont ma priorité. J’en parle à Simon dès qu'il rentre, il a des frais à prévoir sur son scooter, il sera sûrement intéressé.
Sa phrase à peine finie, il raccroche. Yael est le plus hyperactif des trois frères. Son cursus scolaire est affolant au point que Hugo se demande s'il s’arrêtera un jour. Dès ma première rencontre avec Hugo, j’ai réalisé à quel point nos deux mondes étaient différents. Ma première immersion chez eux restait gravée à vie dans ma mémoire. Après m’avoir trouvé en larmes dans la cour de l’école où il venait récupérer Simon, Hugo m’avait pris sous son aile. L’expression exacte formulée par Yael était : Tu es le nouvel oisillon de mon frère, il ne te lâchera pas. Et ce n’était pas un mensonge.
(Gaëtan)
Suis- je idiot ? Il faut croire puisque je n’ai pas réussi à aller jusqu’au bout de ma démarche. En quoi est-ce difficile de dire la vérité ? En quoi expliquer que dorénavant une petite fille de presque 7 ans va vivre avec moi est un problème ? Ma démarche rapide alerte Miriam qui lève illico la tête.
—Vous avez l’air très fâché.
— Après moi seulement, Miriam. Rassurez-vous, je n’ai crié ni insulté personne cette fois.
—Allez dans votre bureau, je nous apporte deux cafés, et vous m’expliquerez.
Oui, j’en suis arrivé là. La tension est si forte que j’ai la sensation de ne plus être capable de rien du tout. Je me demande s'il ne serait pas plus raisonnable de poser un long arrêt maladie afin de me consacrer exclusivement à Sophie.
—Arrêtez vous, Gaëtan ! Venez vous asseoir. Je ne sais pas si boire un café est une bonne idée.
— Je vais malgré tout le boire, dis-je en me posant à côté d’elle, face à mon bureau. J’ai suivi votre conseil en discutant avec Fabien. Celui-ci ne connait personne qui pourrait éventuellement garder Sophie quelques heures.
—Avez-vous réellement cru que cette situation allait se régler en quelques claquements de doigts ? Tous les parents galèrent pour trouver “ la perle rare “ qui gardera sa progéniture. Je suis persuadée que même s'il ne connaît personne, Fabien va en discuter autour de lui. Il en sera de même pour Lise et pour Nils. Vous lui avez demandé aussi, j'espère ?
— En fait, c’est Fabien qui l’a fait…
—Il a été plus rapide ou est-ce que vous avez été très lent ?
— Je… Croyez-vous que ce me soit facile de lui demander un service après l’autre jour ?
— Sûrement pas, en effet. Il me semblait que l’affaire était close, que les excuses avaient été acceptées, non ?
— Oui. Cela ne m’empêche pas d’être mal à l’aise. Après tout, il semblerait logique qu'il garde ses distances avec une personne aussi désobligeante que moi, non ?
— Désobligeante ? Vos mots ont été vexants, et il aurait pu les considérer comme une remarque homophobe.
— Quoi ? Mais pas du tout ! Je n’ai jamais pensé que porter une chemise fuchsia implique être homosexuel ! Ça m’a juste surpris, cette tâche vive au milieu des classiques bleu et noir. Il aurait dû m’en parler, me crier dessus, il en aurait eu le droit !
—Vous pensez que cela lui aurait été facile d’agresser, même verbalement, le directeur ? demande une personne que je ne m’attendais pas à trouver dans mon bureau.
—Je n’en sais rien, Fabien. Vous avez ressenti cela aussi ?
— Non et je ne suis pas certain que Nils y ait pensé non plus. Mettez-vous un instant à sa place, vous auriez été à l’aise ?
—Non. Et je trouve que sa petite remarque était largement méritée, piquante à souhait pour un idiot de mon espèce.
— Si vous le dites… Puisque nous en sommes aux aveux, je tiens à vous préciser que Lise et moi, lui avons exprimé notre stupeur quant à ce qu'il s’ est passé. Cette réflexion particulièrement vexante ne vous ressemble pas.
— Pouvez-vous m’accorder un peu de votre temps pour vous expliquer la situation ?
— Pas dans l'immédiat. Lise n’est pas là de la journée et je ne peux décemment pas laisser Nils tout seul. Je finis à 16h30. Êtes- vous disponible à 17 h ?
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Percuté par le soleil
RomanceAprès un long arrêt maladie, Gaetan revient au travail. Son poste de directeur adjoint à l'IME l'attend. Costume sombre, chemise blanche, cravate, rien dans son apparence n'inspire la joie de vivre. Suite à un entretien avec la direction, Nils a dé...