(Hugo)
Gaëtan aide Sophie à accrocher son manteau et main dans la main, ils entrent dans la salle. C’est la troisième semaine que la petite fille vient. Elle ne parle toujours pas mais n’a aucune difficulté pour se faire comprendre. Certains contacts sont un peu plus compliqués notamment avec Angelina. Nous nous efforçons d’éviter des activités où elles sont toutes les deux.
—Bonjour, me salue Gaetan. Je ne peux pas récupérer Sophie demain soir. Le babysitter viendra à ma place. Je suppose qu'il y a des papiers à remplir.
Nous y voilà. Le moment est arrivé. J'espère qu'il va bien le prendre.
—Je vous donne cela de suite, et il doit normalement me ramener ce papier rempli demain.
— Ce sera fait. Malgré sa jeunesse, il est très sérieux.
Je sais, pensé-je très fort et alors que j’envisageais de dévoiler la vérité, je décide de rien en faire pour l’instant. J’en discuterai d’abord avec Nils et Simon.
—Simon, c’est son prénom, va en profiter pour déposer Sophie à l’IME. La réunion qui m’empêche de la récupérer sera finie et j’en profiterai pour lui faire visiter les lieux.
— Parfait. Le passage à l’IME semble se confirmer si je comprends bien.
— Oui. Mais il est préférable qu’elle conserve pour le moment les deux possibilités. Plus le jeune Simon à la maison avec qui cela se passe très bien.
( Nils )
En pleine discussion avec Martin, curieux de tout, je remarque le directeur à l’entrée de la pièce. Fabien et Lise sont occupés dans leurs salles respectives.
—Je te laisse quelques minutes, Martin. Je dois aller discuter avec le monsieur. L’exercice va te sembler facile mais amuse-toi à recopier ces mots sur ton cahier. Prends ton temps, ce n’est pas une course.
—Pardonnez-moi de vous déranger, monsieur Favre.
—Martin est quasi autonome, il peut se passer de ma présence quelques minutes. En quoi puis-je vous être utile ?
— Demain soir, j’ai une réunion ici qui m’empêchera de récupérer Sophie à l’hôpital de jour. Simon va s’en charger et la déposera ici. Comme je l'espérais, l’intégration à l’hôpital de jour a été rapide et malgré son mutisme toujours présent, cela se passe bien. La prochaine étape sera ici dans l’IME tout en maintenant l’hôpital de jour. Je lui ai déjà parlé des locaux puisqu’elle sait que j’y travaille. C’est une bonne occasion de le faire, me semble-t-il ! Serez-vous là demain ?
— Oui jusqu'à 18 heures mais je peux rester un peu plus longtemps si vous le désirez. Le fait que Simon et moi, nous nous connaissions facilitera peut-être les choses. Puis-je me permettre une remarque ? Ici, tous les élèves nous appellent par nos prénoms. Peut-être est-ce pareil à l’hôpital de jour ?
—Cela ne vous dérange pas que je vous appelle Nils ?
— C'est ce que font les autres parents. Même si Sophie ne parle pas, privilégier le même code pour tous est plus “ pratique”. Après, votre situation est un peu particulière puisque vous avez la double casquette parent/ directeur. Je ne fais qu’une proposition…
—Aucun souci, Nils. Cela ne me dérange en rien. Je ne pense pas que Sophie ait connaissance de mon nom de famille, il a rarement été prononcé. Lorsque Simon ou Hugo doivent me nommer devant elle, ils disent Gaëtan. Il faut que je vous confie quelque chose, dit-il en se rapprochant de moi. Miriam est très souvent mon aide-mémoire concernant les noms. Hugo et Simon m’ont obligatoirement, l’un comme l’autre, donné les leurs, je les ai déjà zappés.
— Il est fort possible que, par manque d’habitude, j’oublie de le faire, moi même.
—Je vous le rappellerai, aucune importance. Tant que j’y pense, je vais veiller à ne pas être intrusif. Je ne débarquerais pas ici sous n’importe quel prétexte.
—Je l’espère. Il m’est arrivé parfois de devoir insister pour faire sortir des parents mais aucun n’étaient mon supérieur !
—Nous allons éviter cette situation, c’est promis Nils, dit-il mort de rire. Bonne fin de matinée.
Cet homme est de plus en plus étonnant. Non. Déroutant. Et le sourire franc que je viens de découvrir me plait énormément ! Largement plus agréable que son air pincé de notre premier face à face.
—J’ai l’impression que vos contacts sont moins tendus ou je me trompe ? remarque Fabien qui vient d’arriver.
— Cela fait un petit moment mais je crois que l’arrivée de Sophie y est pour beaucoup.
— Sophie ? On dirait que tu la connais déjà.
—En fait, mon meilleur ami, Hugo, s’occupe d’elle à l'hôpital de jour. Simon, le babysitter, est son jeune frère, expliqué- je en tortillant mes doigts.
—Tu sembles en être gêné. C’est toi qui as donné ses références, non ? Il est donc logique que tu le connaisses.
—Je n’ai pas précisé qu'ils étaient frères.
—Et ? Je ne vois pas où est le souci, Nils. Tu n’es pas, que je sache, en train de préparer un complot ! As-tu le pouvoir de décider qui gère la petite à l’hôpital de jour ?
—Dès que le directeur m’a parlé d’Hugo, j’aurai dû lui préciser leur lien de parenté.
—Cela aurait été plus simple, c’est vrai. Ma question est la suivante. Pourquoi ne l'as-tu pas fait ? Ne vas pas me dire que tu redoutes un reproche ? Sans ce jeune, Gaëtan aurait dû se mettre en arrêt maladie pour s’occuper d’elle. Alors je doute qu'il te grogne dessus.
— Simon, malgré qu'il soit jeune, est compétent, je le sais.
—Il doit l’être vu l’enthousiasme de Gaëtan à chaque fois qu'il le nomme. J'aimerais que tu fasses quelque chose, Nils. Même s’il t’a blessé à la rentrée, ne le juge pas que sur cet acte. Cela peut ressembler à une insulte homophobe, c’est vrai. Tu en as souvent fait les frais, j’imagine et je le regrette. Ma vision est différente car jamais Gaëtan n’a eu ce genre de propos.
—Peut-être n’a-t-il pas été confronté à une telle situation en ta présence ? osé-je dire d'une petite voix.
— C’est possible, j’en conviens. Et son homophobie aurait pris fin en te connaissant mieux ? Et d’ailleurs, est-ce qu’à l’instant je ne suis pas moi-même en train de dépasser les bornes ? Puisque j’assimile le fait que tu aimes les vêtements de couleurs vives à une probable homosexualité ? Que je sache, tu ne l’as jamais dit.
—Tes arguments se tiennent parfaitement. En effet, j’ai souvent dû subir des remarques, quelques bousculades et un rejet familial. L’aide et le soutien de la famille d’Hugo m’a permis de ne pas perdre pied. Je ne sais pas si monsieur Vernet est homophobe. Je ne le pense pas honnêtement mais nos contacts sont encore relativement tendus. Je n’ai pas cette force qu'ont certains pour crier haut et fort ce que je suis
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Percuté par le soleil
RomanceAprès un long arrêt maladie, Gaetan revient au travail. Son poste de directeur adjoint à l'IME l'attend. Costume sombre, chemise blanche, cravate, rien dans son apparence n'inspire la joie de vivre. Suite à un entretien avec la direction, Nils a dé...