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( Gaëtan )

Deux petits coups à la porte me signifient que Nils est arrivé. Il entre et je n’ai qu'une envie c’est de le serrer contre moi. Il semble ressentir la même chose car il ferme la porte.

— Personne n’entrera, Miriam fait le guet, dit-il d'un ton autoritaire en se dirigeant vers moi. Il me manque quelques bisous pour pouvoir bien débuter cette journée.

Son visage épanoui m’enchante.

— Je ne m’opposerai pas à quelques bisous. Sophie a signalé ta présence ce matin.

— Simon était déjà au courant, nous nous sommes croisés sur le pas de la porte. Comment allait-elle ? 

— Bien. Simon a pour consigne de m’appeler au moindre souci. Le rendez-vous avec François va m’aider, j'espère,  à avancer sans blesser Sophie. 

— Nous aider. Nous sommes une équipe. Je dois y aller. Je n'ai pas de surveillance ce midi, veux-tu que nous mangions ensemble !? 

— Cela me semble une très bonne idée. Je te tiens informé s'il y a du changement. 

— D'accord. J'y vais, je n'ai pas encore mis en place mes activités de ce matin. Un petit bisou ? 

A peine Nils sorti du bureau que Miriam y rentre.

—Tu guettais réellement ?

—Il ne faut pas exagérer. Je veillais à ce que personne ne soit choqué en entrant !

— Ben voyons ! Sophie a fait un cauchemar impressionnant cette nuit. Si elle n’est pas bien, Simon a pour consigne de m’appeler. Il n’y a rien dans mon emploi du temps qui puisse être délicat si je n’y suis pas, j'espère. 

— Pas à ma connaissance. 

Après une bonne heure consacrée à gérer différents papiers purement administratifs, mon portable vibre. Je jette un oeil par curiosité et le nom de Simon me saute aux yeux. 

— Un petit instant, Miriam. J’ai un message de Simon. 

Après la lecture de celui-ci, aucune hésitation possible. Je récupère mon blouson et en route pour la maison. En pleine matinée, Nils est rarement disponible. Je lui envoie un message pour lui dire que je rentre à la maison suite à un message alarmant de Simon. 

J’avoue avoir forcé un peu plus que d’habitude sur le champignon mais je suis réellement inquiet. 

La voiture à peine stationnée, je me précipite à l’intérieur. Le silence dans la maison me perturbe encore plus. Depuis l’arrivée de Sophie, c’est rarement le cas. Même muette, elle appréciait entendre la musique. 

— Nous sommes ici, m’interpelle Simon. 

Sa voix sort du salon. Sophie est allongée sur le canapé, sa tête sur les genoux de Simon, son pouce dans la bouche. Au sol, l’album en cuir marron. Je me précipite pour les rejoindre, la soulève pour la tenir contre moi.

—Je veux mon papa, gémit-elle.

—Oh mon petit lutin, chuchoté-je au bord des larmes. J’aimerais pouvoir faire cela, il me manque à moi aussi. Mais je te l’ai expliqué, ce n’est pas possible. Je n’aurais pas dû te laisser ce matin. Nous aurions pu être ensemble,  Simon et moi, pour te tenir compagnie. 

Elle me pousse de la paume de la main, descend de mes genoux et file vers sa chambre. 

— Que c’est-il passé ? 

— À l’instant, je n’en sais rien. Elle a voulu dessiner mais elle grognait, soupirait fort alors je suis intervenu. Elle n’arrivait pas à dessiner son papa. Elle ne pleurait pas sinon je t’aurais appelé immédiatement.

—Je ne te reproche rien, Simon. J’ai besoin de comprendre son cheminement de pensées.

—Je lui ai présenté comme un jeu. Nous utilisions cette méthode avec Martin pour éviter que l’un ou l’autre se retrouve en difficultés. J’ai fait tout à fait exprès de mal dessiner pour qu'elle puisse y arriver. Son bonhomme était plutôt réussi mais …

—Il ne ressemblait pas à Arnaud. 

—Je l’ai trouvé ici, en boule, sur le canapé,  l’album tel qu'il est là au sol. Je savais que tu allais venir, je l’ai juste gardée contre moi, elle ne pleurait pas. 

—Rien n’est de ta faute, Simon. J’aurais agit de la même manière. Le lendemain de la mort d’Arnaud, elle ne pleurait pas, elle était en colère, fracassant au sol  tous les objets appartenant à son père. Là c’est autre chose et je ne sais pas comment le gérer. Je la rejoins. Peux- tu appeler Hugo pour lui dire que l’on arrive.

Personne dans le lit, mais deux jambes sortent du tippee. Il est très loin d’avoir la taille confortable de celui de l’hôpital de jour.

—Si je rentre avec toi là-dessous ou je vais t’écraser ou je vais l’abimer. S'il te plait, Sophie, sort. Nous allons retrouver Hugo et François. 

—Hugo est là mais François a des rendez-vous toute la matinée m’explique Simon devant la porte.

—As-tu entendu, petit lutin ? Tu es d’accord pour aller voir Hugo ?

(Hugo)

François m’a parlé de l’appel de Gaëtan. Il était prévu que je reste ce soir, moi aussi. Sortir du mutisme pour Sophie équivaut à replonger dans la situation qui l’a provoqué. Ce que vient de me raconter mon frère en est la preuve. Même si François ne pourra pas intervenir ce matin, miser sur le bien être qu’offre le lieu à Sophie est une bonne idée. 

Mes deux enfants de ce matin sont avec la psychothérapeute, je peux donc les accueillir moi-même. 

Sophie, la main solidement accrochée à celle de Gaëtan, me sourit à l’instant où elle m’aperçoit. Elle fonce comme à son habitude vers moi et enserre mes mollets.

— Bonjour Petit lutin, dis-je en la soulevant. Je n’ai pas droit à un bisou ce matin ? 

Aucune réponse.

—Venez tous les trois, nous allons nous asseoir par ici. Les deux copains sont avec Cynthia, expliqué-je à Sophie. 

Tout en discutant, Gaëtan a ôté le blouson de Sophie qui se laisse faire. 

—Tu n’arrives plus à faire cela toute seule, mini-princesse ? dis-je en montrant le vêtement dans les bras de Gaëtan. 

Un seul regard vers moi et les larmes humidifient ses joues.

—Viens donc par ici, petite demoiselle. Que se passe-t-il ? Ma main stoppe Gaëtan qui allait répondre à sa place.

—J’veux mon papa, gémit- elle à nouveau. 

— Gaëtan comme Simon ont dû te donner la même réponse. Personne ne peut te le rendre. Gaëtan m’a parlé d'un album où il y a des photos de lui, de toi. Gaëtan pourra t’aider à te rappeler de certains moments que tu as pu oublier. J'ai une idée. Peut-être que vous pourriez aller, Gaëtan et toi et peut-être Nils aussi dans la maison où vous viviez ? 


 

Percuté par le soleil Où les histoires vivent. Découvrez maintenant