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( Nils )

Qu’ai-je provoqué ? Mon but était de lui changer les idées le temps de rentrer à pied chez eux. Comment pouvais- je deviner que cette comptine était une des préférées d’Arnaud ?

Dans les bras de Gaëtan, les sanglots diminuent. Sans même se poser de questions, celui-ci a entamé le retour. Sophie, blottie dans ses bras, ne dit pas un mot. Quand nous arrivons à la maison, il dépose la petite au sol.

—Veux-tu que j’appelle Hugo ?

—Tu peux lui en parler, oui. J’avoue ne pas trop savoir quoi faire, là.

Sophie lui attrape  la main et l’entraîne vers le salon. Curieux, je les suis.

—Que veux tu, petit lutin ? Explique-moi ou montre-moi ce qui te tracasse.

De son index, elle montre un livre marron que Gaëtan s’empresse d’attraper. Il le lui tend mais elle ne l’attrape pas.

—Avec Nils et toi, précise-t-elle. S’il te plait.

—D’accord. Sur le canapé ?

Elle ne répond pas mais file s’asseoir sur la banquette.

— Ce sera plus facile si nous nous installons autour d’elle. C’est leur album photo. A chaque fois que je lui ai proposé de le feuilleter, elle s’y est opposée.

—A priori, elle y est décidée à présent. Juste une suggestion. Si tu as une application d’enregistrement sur ton téléphone, mets- là en route discrètement. Cela pourrait être utile.

Sophie tourne les pages, en silence. Aucun commentaire. Gaëtan n’intervient pas non plus. Est-ce normal ? Aucune idée. Mes parents n’étaient pas du style à photographier les événements familiaux donc aucun album à feuilleter. Là, Sophie est celle qui demande ce moment.

—Sophie ? Tu veux bien me montrer une photo de ton papa ?

Elle lève la tête vers moi, et du bout du doigt me montre une photo. 

—Et si on repartait au début ? Il y a des photos de toi toute petite ? De Gaëtan ?

À chaque question, son sourire s’agrandit et celui de Gaëtan aussi. Petit à petit, sa voix commente les photos et pour d’autres Gaëtan prend le relais. La fatigue reprend le dessus.

—Viens, petit lutin, on va prendre la douche.

—Et moi, je m’occupe du repas.

Fouiller dans les placards n’est pas mon genre, pourtant je trouve vite ce qu'il me faut pour cuisiner et me lancer dans la préparation.

(Gaëtan )

La toilette n’a jamais été source de soucis avec Sophie. Arnaud a toujours privilégié les douches au bain. Aucun calcul écolo dans ce choix, plutôt logique.  Père et fille descendaient  souvent dans des hôtels qui ne disposaient pas toujours de baignoire.  Arnaud a toujours été  bavard et discuter avec sa fille tout en lui faisant la toilette leur convenait à tous les deux. Il n’était même pas question d'un gain de temps mais d'un vrai moment père-fille. Sans même le réaliser, Sophie apprenait par mimétisme les gestes d’hygiène, racontait ses journées à Arnaud qui en faisait de même. Il m'est arrivé quelquefois de remplacer le père sans que cela ne pose de souci. Et heureusement, cela avait grandement facilité ma vie quand Sophie m’avait rejoint de façon définitive après le décès d’Arnaud.

—Petit lutin ? Tu as vu que Nils et moi, on se faisait des bisous ?

—Ben oui. C’est ton amoureux.

—D'où tu connais ce mot, petite demoiselle ?

—Papa, des fois, il en avait.

Première nouvelle mais rien de réellement surprenant. Ni dans le fait qu’Arnaud ait des copines ni dans le fait qu'il ne le cache pas à sa fille.

—Et donc, cela ne te dérange pas si Nils vient à la maison ?

— Non. Il est gentil, Nils. Simon, aussi il vient ?

—Bien sûr. Simon va venir te garder ici.

—Je vais à ton école, moi, affirme-t-elle, les bras croisés sur la poitrine.

— Oui. Et un peu dans celle d’Hugo aussi. Allez, viens par ici que je te sèche. On va aller voir ce que Nils a préparé pour manger. 

La cuisine embaume. Face à la gazinière, Nils officie. Je pose ma tête sur son épaule pour découvrir ce qu'il est en train de cuisiner.

—Du pain perdu ? Cela fait si longtemps que je n'en ai pas mangé.

—Je ne savais pas quoi faire en dessert et ton frigo est très loin d’être rempli.

—Je dois préparer une commande drive ce soir. Nous la ferons ensemble.

—J’ai vu que tu avais des pâtes chinoises, du thon et des tomates. Sophie ne semble pas être difficile à nourrir.

—Arnaud adorait cuisiner et il lui faisait goûter les différentes saveurs.

—Et je suis certain que tu continues.

—Dans les hôtels pour les petits déjeuners, elle a eu l’habitude de choisir. Vu qu’elle ne parlait pas, le fait qu’elle puisse me montrer facilitait la vie.

Le repas se passe en effet sans difficultés. Sophie mange avec appétit. Les larmes de tout à l’heure semblent oubliées. Hugo n’était pas disponible ce soir. Il va en discuter avec François demain matin pour avoir un avis sur la démarche à suivre.

Après une petite lecture, un bisou, je rejoins Nils dans le salon.

—Elle a sombré très vite, dis-je en m’installant sur le canapé à côté de lui. Tu es officiellement mon amoureux.

—Très désuet, j'adore !

—C’est Sophie qui l'a donné. Paraît-il que Arnaud en avait.

—Et cela m’offre quel genre d’avantages !?

—Des bisous non dissimulés, la possibilité de se faire un câlin…

—Rien de très extraordinaire. J’avoue être un peu déçu, minaude-t-il.

—Peut-être puis- je ajouter, de façon tout à fait exceptionnelle, quelques câlins ici sur ce canapé ! Qu’en dis-tu ?

—Il me semble avoir déjà bénéficié de cet avantage, non ?

—Hum. J’ai à faire avec  un subtil négociateur. As-tu remarqué la distance entre ma chambre et celle de Sophie ?

—Non. A vrai dire, tu ne m’as jamais ouvert cette porte.

Il éclate de rire, se lève et me tire vers lui pour m’aider, sans grande difficulté, à me lever moi aussi. Remonter le couloir vers la chambre nous demande pas mal d’arrêts.

Percuté par le soleil Où les histoires vivent. Découvrez maintenant