(Gaëtan )
La remarque de Miriam est méritée, j’en conviens. D’autant plus que j’ai parfaitement conscience que ce jeune éducateur est très compétent. Il est évident qu’en plus, il est volontaire ce qui n’est hélas pas aussi fréquent. Je n’ai pas les capacités pour juger son travail mais j’ai une entière confiance en Lise et Fabien. Celui-ci est très enthousiaste concernant l’implication de monsieur Favre. Que dire du fait qu'il arrive en avance pour préparer la salle afin de ne pas interférer sur le temps consacré aux élèves ? Autre point très important, il ne fait a priori pas partie de ces gens qui font des promesses et ne les tiennent pas. Passer déposer les références des personnes susceptibles de garder Sophie au bureau de Miriam est une façon d’agir qui me plait bien.
Ma remarque du premier jour, très éloignée de mes opinions, me met dans une situation vis-à-vis de lui qui devient délicate à gérer. Comme m’aurait dit Arnaud : Quand on dit ou fait une connerie, y a pas trente-six options. Ou tu l’admets et tu t’excuses pour repartir sur de bonnes bases. Ou tu continues bêtement à t’enfoncer. Personnellement, je préfère l'option excuse. Elle m’a permis de rencontrer des gens bien.
Monsieur Favre et moi, avons en quelque sorte mis en place un arrangement oral. Lui convient-il ? La question est bonne à poser. Pour ma part, petit détail que j’ai omis de préciser à Miriam il y a un instant. J'ai assisté, de ma voiture, à l’arrivée de l’éducateur. Sa tenue ne m’a en rien choquée. Elle épouse parfaitement ses formes. Sa démarche légèrement sautillante m’a plus amusé que ennuyé. Je vais m’abstenir de le déranger pour le remercier. Mais si je trouve une occasion je le ferais.
(Nils)
Après avoir déplacé les tables, sorti quelques jeux adaptés pour le moment d’accueil, je vérifie visuellement pour m’assurer de ne rien avoir oublié. Le son d'un message résonne sur le bureau, là où j'ai posé mon téléphone.
— Salut Nils. Lise vient te rejoindre en milieu de matinée, elle a eu un désistement. Elle restera dans le bureau, prête à te seconder si besoin. N’hésite pas à lui dire. Bonne journée. Fabien.
Ce petit message et gentille intention me font plaisir. Ils me laissent faire tout en m’offrant une possibilité de soutien. C’est une première pour moi, ce genre de responsabilité. Dans les différents centres aérés où j’ai travaillés, je recevais des consignes et les appliquais au mieux. Là, après discussion et concertation avec Fabien et Lise, je mets en place mes propres idées pour motiver les enfants qui nous sont confiés. Les premiers bruits dans le couloirs se font entendre. Toutes les structures ne fonctionnent pas de la même manière. Ici, dans la partie où les élèves nécessitent le plus de soutien physique, ce sont les parents ou les accompagnants qui nous amènent les enfants jusqu'aux classes. Il est nécessaire que ce lien reste présent, tous les détails sur la fatigue, les troubles, les peurs même passagers peuvent avoir une incidence sur la manière dont l'enfant réagira. Notre travail consiste à stimuler des zones physiques, psychiques ou cognitives qui ont été mises à mal hors des circuits hospitaliers.
Le père de Martin apparaît à la porte, main dans la main avec son fils. Quelque chose me marque immédiatement, le visage chiffonné du jeune garçon.
—Bonjour. Martin a un peu de mal ce matin. Sa nuit a été mauvaise et ni moi ni sa mère ne pouvions éventuellement le garder à la maison.
Je me suis accroupi afin de me mettre au même niveau que Martin.
— Bonjour Martin. Ce matin, vous ne serez pas nombreux. Si tu as besoin de te reposer un peu, peut-être que tu pourras t’installer un peu au coin repos. Et si cela ne va vraiment pas, nous appellerons papa ou maman. Que penses-tu de cela ?
—J’ai le droit de dormir à l’école ?
—Ici c’est une école légèrement différente. Parfois, les enfants sont un peu fatigués. Les laisser se reposer un peu est plus important que le reste. A l'hôpital, je suppose que cela a dû t' arriver ?
—Oui. Je restais dans ma chambre, c’était pas drôle.
— Je veux bien te croire. Peut-être qu’en restant un peu au calme, tu pourras jouer tout à l’heure ?
—Nils me préviendra si tu veux que je vienne te chercher, d’accord ? Après presque deux ans, les employeurs sont moins compréhensifs mais s'il le faut l’un de nous deux trouvera une solution.
—Allez à votre rendez- vous. Martin apprécie le coin lecture. Les deux autres enfants doivent faire des exercices nécessitant ma présence. J’avais prévu d’y intégrer votre fils qui est très éveillé. Si vous vous en souvenez, le coin calme est juste là et les autres enfants et moi, nous serons à cette table. Suffisamment près pour que je puisse garder un oeil sur lui.
Fabien comme moi, avons repéré que le papa est le plus angoissé du couple. S'il part un peu rassuré, Martin le sera lui aussi. Le laisser gérer l’installation avec son enfant va tranquilliser les deux. Le nombre d’élèves limité permet, dans la plupart des structures, de pouvoir moduler les activités au plus proche des capacités des enfants. Lorsque les deux autres élèves arrivent à leur tour, Martin allongé sur la petite banquette est endormi.
Iris et David n’ont pas de soucis pour parler, par contre la coordination de leurs mouvements est maladroite. L’activité d’aujourd’hui consiste à attraper des objets posés sur la table. Iris est la moins malhabile des deux mais régulièrement David se met en colère quand ses mains n’arrivent plus à lui obéir. Mon rôle est de m’interposer le moins possible afin qu'ils apprennent l’un comme l’autre à interagir.
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Percuté par le soleil
RomanceAprès un long arrêt maladie, Gaetan revient au travail. Son poste de directeur adjoint à l'IME l'attend. Costume sombre, chemise blanche, cravate, rien dans son apparence n'inspire la joie de vivre. Suite à un entretien avec la direction, Nils a dé...