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 (Gaëtan )

Plusieurs fois, le plus discrètement possible, j’ai jeté un œil sur l’heure. Cette satanée réunion devait se terminer vers 17 heures. Les principaux sujets qui devaient être abordés l’ont été de façon tout à fait satisfaisante. Rien des projets d’agrandissement proposés n’a été rejeté. En fait, je devrais être pleinement satisfait. Sauf que l’heure file et dans ma tête se construit des images d’une Sophie angoissée, d'un Simon empêché de rejoindre un rendez-vous et d'un Nils bien trop poli pour oser partir. Alors, je siffle la fin du match.

—C’était une réunion passionnante. Je pense que nous sommes tous satisfaits des décisions prises. J’aimerais prendre encore du temps avec vous pour échanger mais hélas, d’autres obligations m’attendent.

Aucune remarque, ni regards emplis de doute en retour et les uns après les autres, ramassent leurs affaires et se dirigent vers la sortie où Miriam les attend. Son petit signe de la tête me donne le feu vert. 

Deux trois papiers glissés dans mon sac, nous passerons le récupérer en partant, et je me dirige d'un pas rapide vers le secteur de Nils. Je remonte le large couloir vide. Quelques heures à peine avant, il devait être bruyant de voix d’enfants, encombré par un ou deux fauteuils roulants, ou des béquilles, indispensables pour quelques-uns de nos élèves. Le secteur psychomotricité est pour beaucoup un passage obligé où Fabien s’active. Un petit groupe autour d'une des grandes tables ovales où je reconnais Simon et Nils en pleine discussion, et en train de jouer Sophie et un autre enfant. L'œil attentif de Simon me repère et le jeune homme se penche vers Sophie pour lui parler à l’oreille. Trois secondes après, sans aucune exagération de ma part, elle descend de sa chaise et galope jusqu'à moi pour me ceinturer les jambes. Je me penche à mon tour et la lève jusqu'à mon visage pour lui faire deux gros bisous sonores sur les joues. 

—Bonjour, petit lutin. La journée s’est bien passée ?

Un grand hochement de tête affirmatif et elle part en courant vers la table alors que je la suis.

—Je suis vraiment désolé, m’excusé-je auprès des deux hommes. Cette réunion n’en finissait pas. J’espère que je n’ai retardé ni l’un ni l’autre. 

—J’en profitais pour discuter avec Nils, réplique Simon. Nous ne nous étions pas croisés depuis un petit moment. Et puis Sophie en a profité pour jouer un peu avec Martin. 

—Son papa a eu un petit souci de voiture, il est en chemin, m’explique Nils. 

—Nous n’allons pas laisser Martin seul, dis-je en m’installant moi aussi autour de la table.

—Gaëtan, intervient Simon. Est-ce que cela pose un problème si je profite de la visite ? 

— Je ne pense pas. Nils, c’est possible ? 

—Il n’y a plus que ces deux enfants donc cela ne perturbera personne. Ah, voici ton père, Martin.

Un homme d'une trentaine d’années traverse le hall à grands pas énergiques, Martin se lève et court à sa rencontre. Le papa se baisse à sa hauteur et le serre dans ses bras.

—Désolé de t’avoir inquiété, Martin. Ma voiture a calé et impossible de la faire repartir. Pardon pour le retard, Nils.

— Cela arrive hélas. Aucun souci me concernant, j'attendais monsieur Vernet et Sophie, une future copine de classe de Martin. Ils ont fait des puzzles en attendant. 

—Je ne sais pas comment nous allons nous débrouiller les deux prochaines semaines. Je ne peux pas abandonner cette formation, je perdrais mon poste. Sandrine vient de reprendre, elle ne pourra pas poser de congés. 

—Tranquillement ce soir, envoyez-nous un mail avec les journées où cela va poser des problèmes, propose Nils. Certains parents pourront peut-être vous dépanner. Nous allons tout faire pour ne pas pénaliser Martin. 

—J’allais le dire. Nils a raison, essayons de trouver des solutions. Rentrez chez vous, préparez-nous ce mail. 

— Je m'excuse d'intervenir mais je suis le babysitter de cette petite demoiselle. Selon les horaires de Martin je peux peut-être vous dépanner. Nils vous fournira mes références si cela vous intéresse. 

(Simon )

Le silence suit mes mots. Je réalise que je me suis proposé sans même en parler avec Gaëtan. 

—Décidément, je vais finir par bénir l’assistante maternelle qui m’a fait faux bond. Ta maturité, Simon est incroyable et pleine de bienveillance. Et en effet, les jours où Martin vient ici, à condition que vous me le déposiez à mon domicile, je pourrais le prendre avec moi. Cela pourra dépanner le temps que votre véhicule soit de nouveau en état.

J’avoue que sa réaction me rassure. Le sourire du père de Martin est presque aussi lumineux que celui de Nils. Sophie est très attentive une grande partie de la visite. Quand elle s’accroche à la main de Gaëtan, il semble évident pour tout le monde qu’elle est épuisée.

—Je pense que la principale intéressée a découvert l’essentiel. Nous allons rentrer à la maison. Bonne soirée. Simon, tu  veux  que je te dépose ?

—C’est gentil mais inutile. Ma ligne de bus se trouve juste au croisement. A demain.

Ma nuit a été plus que brève. Les compliments de Gaëtan ont défilé dans ma mémoire. Je devrais en être fier. Pourtant c’est très loin d’être le cas. Quasiment dès notre première rencontre, il m’a offert un cadeau inestimable : sa confiance. Sans être prétentieux, je suis conscient d’être plutôt un bon babysitter, on me l’a assez souvent dit. Même si c’est tout récent concernant Sophie, il est évident qu’elle se sent en confiance avec moi. Malgré son impossibilité de parler, son intelligence lui permet de très vite se faire comprendre. Les conseils de Nils et Hugo m’aident aussi car seul, mon bon sens n’aurait pas été suffisant. Même si cela stoppe tout, ma décision est prise.  




Percuté par le soleil Où les histoires vivent. Découvrez maintenant