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(Simon )

La confiance de Gaëtan est rassurante. Après tout, comme je l'ai si souvent entendu, je suis jeune.  Le feeling passe plutôt bien entre lui et moi. Sophie est une adorable petite puce pleine de vie. Son mutisme ne l’empêche en rien de se faire comprendre. Sa débrouillardise m’impressionne. En me parlant d'un père omniprésent et très aisé financièrement, je redoutais de me trouver face à une petite fille capricieuse. Or Sophie est tout l’opposé de cela. Très intelligente, elle n’aura aucune difficulté, je crois, à rattraper le retard quand le mutisme ne sera plus d’actualité. 

—Sophie, je crois qu'il y a une personne pour toi, annonce la douce voix de mon frère alors que j’entre dans la salle d’accueil.

Un boulet de canon en salopette mauve galope vers moi et s’accroche à mes jambes.

–Et bien, ça c’est de l’accueil ! Je vais faire une crise de jalousie, moi, blague Hugo.

—Bonjour Sophie. J’avais peur que tu ne te rappelles pas que je venais te chercher.

—Il faudrait qu’elle ait un gros souci de mémoire. Gaëtan a dû lui répéter trois ou quatre fois sur le quart d’heure où il a été là.  

—Ne te moque pas, il était stressé. Mets-toi à sa place, aussi.

—Non merci, petit frère. Je vais encore attendre un peu avant de songer à fonder une famille. Je suis fier de toi, ce boulot te convient tout à fait. 

—Je reconnais que les journées avec Sophie sont très sympas. 

—Je n’en doute pas un instant. Tout le monde l’adore ici mais elle sera mieux à l’IME. Plus adapté, ici elle va très vite s’ennuyer.

—C’est fort probable, oui. Tu me montres où sont tes affaires, Sophie ? 

Elle me prend la main, et avance vers le couloir pour s’arrêter devant le portemanteau où son prénom est écrit. En deux temps trois mouvements, elle décroche la veste bleue qu’elle enfile. Je récupère le petit sac et le porte. 

—Tu dis au revoir à Hugo ? 

Deux pas rapides et elle est face à lui. Enfin, accrochée à ses jambes. 

—Bonne fin de journée Sophie. 

La distance entre l’hôpital de jour et l’IME est un peu trop grande pour les petites jambes de Sophie. Nous allons prendre le bus. Pour rassurer Gaëtan qui n’a pas l’air d’être un adepte de cette méthode, j’ai anticipé. Avec son accord, et en sa compagnie, nous avons fait quelques essais. Sophie apprécie beaucoup plus que lui !  

Sa main ne lâche pas la mienne dans le bus. Je ne pense pas qu’elle soit effrayée. Rien dans sa posture l’indique en tous les cas. 

— Le prochain arrêt est le nôtre. Tu te rappelles comment faire ou je redonne la consigne ? 

Oui, parfois il semble impossible de ne pas poser une question directe. Alors j’ai mis en place ma propre méthode. De son pouce, elle indique le chiffre 1.

— Parfait. 

Aucune insouciance de ma part, encore moins une trop grande confiance dans un petit bout de fille. La méthode a été révisée, testée tant de fois que penser qu’elle ne l’a pas assimilée serait une insulte. Il n’y a toujours que deux choix possibles. Il ne lui reste qu’à m’indiquer le chiffre. Quand le bus arrive à l’arrêt, sa main bien ancrée dans la mienne, elle descend les marches tranquillement et attend que je lui donne l’accord pour descendre à son tour la dernière marche. À notre premier essai, je n’avais pas anticipé une trop grande énergie de sa part. Gaëtan m’a avoué que ma méthode lui facilitait la vie. 

—Il y a un peu plus de monde, ici, expliqué-je après avoir ressenti une légère crispation dans sa main. Des grands et des petits comme toi. Nous n’allons pas voir Gaëtan de suite, il nous rejoindra. 

Au moment où je m’inquiète de l’absence de Nils, je m’aperçois qui se dirige vers nous. 

—Voilà celui que je voulais te présenter, continué-je, en m’accroupissant pour pouvoir chuchoter dans son oreille. Il s’appelle Nils et c’est le meilleur ami d’Hugo.

—Bonjour Simon. Un petit contretemps, désolé, s’excuse Nils, qui sans plus s’occuper de moi, se met à la hauteur de la petite fille. Bonjour Sophie. Je m'appelle Nils. En attendant l'arrivée de Gaëtan, que dirais- tu  que je vous montre les locaux à Simon et toi ?

Sophie ne réagit pas. Pas le hochement de tête habituel. Ai-je présumé de ses forces ? Ou est-ce une forme de timidité ? Je décide d’intervenir avant que Nils envisage qu'il est responsable de ce manque de réaction.

—C’est un peu intimidant tous ces nouveaux lieux, hein.? Et si tu venais dans mes bras ? Nils va nous guider, ok ?

L’éternel hochement de tête me donnerait presque envie de crier de joie ! Le soulagement se voit aussi sur le visage de Nils. 

Nous le suivons alors qu'il décrit rapidement les lieux. Sophie, installée dans le creux de mon bras droit, est très attentive. Au bout d'un moment relativement court, elle commence à gigoter. Sans rien expliquer, je me stoppe et tout naturellement, elle se laisse glisser au sol. 

— On continue main dans la main ? 

Son mouvement de négation est très clair. Nous suivons Nils profitant l’un comme l’autre de la visite. 

—Nils ?  Le père de Martin vient d’appeler. Sa voiture est en panne. Il fait son maximum pour arriver au plus vite. 

—Je peux te laisser un instant, Simon ? Je dois le rappeler pour pouvoir rassurer Martin, m’explique-t-il en me montrant de la tête, un jeune garçon.

—Vas-y. Sophie et moi allons lui tenir compagnie en attendant. 

J’avance doucement vers la table où le jeune garçon est installé. Différentes pièces de couleur étalées attirent immédiatement l’attention de Sophie. Les puzzles, elle adore ! Sans aucune timidité, elle s'installe sur la chaise à ses côtés et le regarde faire.

—Tu veux m’aider ? lui demande-t-il avec un  large sourire. Mon papa est en retard.

—Nils vient de nous le dire. Sophie ne parle pas mais elle va t’aider volontiers.

Percuté par le soleil Où les histoires vivent. Découvrez maintenant