Balade à cheval

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Quand j'avais dit qu'il passerait les pires vacances de sa vie, je ne pensais pas ça. Finalement, je pense que c'est moi qui passe les pires vacances de ma vie.
Mes grands-parents l'adoraient. Depuis deux semaines et demie, nous travaillions jusqu'à midi puis il restait manger et l'après-midi, nous avions « quartier libre ».
Les après-midi se passaient pour le plus souvent selon une suggestion de ma grand-mère telle que « Vous devriez aller vous promener dans la forêt ! » et de là, elle nous préparait un goûter.

Une fois, nous étions aller à la plage de Tanabe en bus. J'étais allée me baigner pendant que Sakusa m'avait attendu, assis sur sa serviette de plage.
Même de loin, je voyais qu'il n'était pas à l'aise. Le sable, le soleil, le monde autour et plus encore, le fait d'être en maillot de bain, semblaient le déranger. Prise d'un sentiment de culpabilité en me rendant compte du calvaire que je devais sans doute lui faire subir, je l'avais rejoint et nous avions quitté la plage. Sur le chemin, je nous avais acheté des glaces et il m'avait remercié. Son remerciement était empreint de tant de sincérité que je venais a me demander s'il me remerciait pour la glace ou bien pour la plage.
« Salut », « Merci », « Au revoir », c'étaient les seuls mots que l'on s'échangeait.

Je digérais actuellement mon repas dans un des champs de la ferme, celui des chevaux, allongée sous un des grands arbres. J'avais de justesse réussi à échapper au dragon des activités en prétextant devoir aller chercher quelque chose dans ma chambre.
J'entendis des pas à côté de moi. Je me redressais et m'apprêtais à faire face à ma grand-mère quand j'aperçus Sakusa.
Il vérifia le sol puis s'assit à côté de moi.

- Ta grand-mère te cherche.
- Lui dit pas que je suis là, s'il te plaît.

Il ne répondit pas. Si il avait une chose qui ne me dérangeait pas chez lui, c'était bien son silence. Ayame et Yui (enfin surtout Ayame), mes parents, ma sœur, tout mon entourage en fait, avaient tendance à être bruyants. Sa présence était calme et presque reposante.

- Ça t'ennui pas d'être ici ?
- Non.
- Tes amis te manquent pas ?
- Non.

Je réfléchis puis me dis qu'en fait, je ne savais même pas s'il avait des amis. Je l'avais vu quelque fois avec un autre garçon mais il n'était pas dans notre classe.

- T'es en train de te demander si j'ai des amis, vu que je suis un mec coincé, me demanda-t-il, toujours de son ton neutre.

Je rougis de gêne et avant de bafouiller :

- Tu te souviens de ça ? Je suis désolée pour ce que j'ai dit ce jour-là, j'étais énervé et t'as toujours des bonnes notes... Je me doute que t'as des amis, d'ailleurs, je te vois souvent avec un élève d'une autre classe.
- C'est mon cousin.
- Ah.

Ah oui. Il était donc ami avec son cousin.

- Tes amies te manquent, toi ?

Je le regardai. C'était la première fois qu'il semblait s'intéresser à ma vie.

- Oui, un peu. Enfin, c'est appréciable d'être au calme parfois. Yui et Ayame ont tendance à être assez bavardes.
- Agitées, bruyantes, termina-t-il, enfin surtout Ando. Quand elle parle, sa voix stridente résonne dans ma tête et me donne des migraines.

Je le regardai, abasourdie. Quel franc-parler. Je l'encourageai à continuer.

- Lizuna-san est plus calme. Elle est une bonne manageur pour le club.

Je n'osais pas lui demander ce qu'il pensait de moi, de peur de me prendre une vague de franchise et mes quatre vérités en pleine face.

Je me relavai et m'approchai d'un des chevaux du champ. J'entendis Sakusa me rejoindre. Il s'arrêta à une certaine distance qu'on pouvait qualifier de « distance de sécurité ». D'ailleurs, depuis qu'il était ici, je ne l'avais pas vu une fois porter son masque.
Alors que j'allais lui demander s'il était déjà monter à cheval, me doutant de sa réponse, mon grand-père, qui se trouvait derrière la clôture, nous interrompit.

- Natsuki, tu devrais montrer à Kiyoomi comment monter à cheval, comme ça vous pourriez partir tous les deux en balade !

Je montai à cheval depuis toute petite. C'était mon grand-père qui m'avait appris. Je montai assez approximativement mais cela suffisait pour apprécier des balades.
Je jetai un coup d'œil au brun qui n'avait pas l'air emballé par l'idée.

- Il y a des mouches sur cet animal.

Je soupirai. C'était pas gagné.

- Les mouches ne te feront rien. Le cheval non plus. Arrête de le regarder comme s'il allait se jeter sur toi.

Il ne répondit pas et commença à me regarder en plissant les yeux.

- Fais comme tu veux mais moi, je vais me promener.

Je partis récupérer des brosses, une selle, des tapis et un filet dans la remise qui me servait aussi de sellerie quand l'occasion s'y présentait.

Je commençai à le brosser, sous les commentaires de mon très cher camarade.

- Arrête de m'envoyer de la poussière. Ton animal me regarde mal. J'aime pas sa couleur.

Quand j'eus fini, je me prépara à monter. Une fois dessus, j'ordonnai à Sakusa :

- Décale-toi, s'il te plaît.
- Si tu tombes, compte pas sur moi pour t'aider ou m'approcher de ta bestiole.

Finalement, je préférais quand il était silencieux.
Je fis quelques foulées pour me réhabituer.
Je captai le regard envieux de Sakusa.

- Tu veux essayer ?

Je l'entendis baragouiner dans son coin.

Je descendis et lui tendis les rênes. Il me regardait, immobile. Je sortis des gants que j'avais récupéré précédemment dans la remise.

-  C'est mes gants. Comme ça tu n'as pas à toucher directement les rênes ou le cheval.
- Mes mains sont trop grandes.
- Va dans la remise en prendre d'autres.

Il revint cinq minutes plus tard, une paire de gants sur ses mains.

- Il y a plein de trucs rouillés là-dedans. Si je me coupe et que je les touche, j'attraperai le tétanos.
- Les touche pas alors. Et puis de toute façon, t'es pas vacciné ?
- Si.

Vacances de rêve. Je soupirai une fois de plus.

- Tu mets ton pied là, je désignais l'étrier, tu prends appui dessus et tu passes ton autre jambe par dessus le cheval.
- Il est trop grand.
- Tu fais 1 mètre 90, ça devrait pas être un problème.

Il prit une grande inspiration avant d'exécuter les mouvements que je lui avais expliqué.

- C'est bien. Maintenant, tiens-toi droit et laisse toi guider.

Je passai les rênes par dessus la tête du cheval, les ordi et le et guidai, commençant simplement par marcher puis à trottiner.
Je jetai de temps à autre des regards au visage crispé du brun.

- Détends-toi, si t'as peur, le cheval le sentira.

Je l'entendis marmonner. On continua un moment avant que je lui laisse les rênes. Il se débrouillait étonnamment bien. Il passa au trot puis ralentit avant de s'arrêter complètement devant moi.
Il descendit du cheval, me tendit les rênes et me dit :

« À demain. »

Vraiment étrange comme garçon.

The quiet boy (Sakusa Kiyoomi x oc) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant