Lorsque je franchis la porte et trouvai Maman assise sur son fauteuil habituel, je me rappelai soudain du mot inscrit dans mon carnet. Je n'avais pas d'autre issue que de le lui montrer. Sancier prenait toujours soin d'envoyer un mail pour prévenir qu'il y avait quelque chose à signer. Cela avait déjà dû être fait. D'ailleurs, il ne fallut pas bien longtemps avant que Maman, le regard sombre, pose son Sudoku sur la petite table située à sa droite et se précipite vers moi d'un pas lourd.
— Gabriel, qu'est-ce que c'est que cette histoire, encore ? Tu as manqué de respect à un professeur ? Déjà ?
Je me retins de rire du mieux que je pus, mais un léger rictus qui se forma malgré moi me trahit presque instantanément. Sa réaction était tant disproportionnée à côté de l'insignifiant jeu de mots que j'avais déclaré à Sancier quelques heures plus tôt, que cela rendait la situation comique.
— Et en plus, ça te fait rire ! dit-elle en haussant le ton.
Bien qu'ayant conscience que la tentative était vaine, j'entrepris tout de même de me diriger vers ma chambre afin de fuir la tornade qui s'apprêtait à s'abattre sur moi, mais Maman s'agrippa à ma veste.
— Tu restes ici. Et tu m'expliques ce que tu as fait. Gabriel ! Je te préviens, tu ne vas pas commencer l'année comme ça. Est-ce que c'est clair ?
— C'était juste une blague, dis-je d'une voix douce en espérant l'apaiser, une blague que n'importe qui aurait bien pris. C'est juste que les profs n'ont pas d'hum...
— Chut. Tais-toi. Je ne veux pas t'entendre.
— Mais vas-y, là, rétorquai-je, tu m'as demandé de te raconter, il faut savoir !
— Ça suffit, avec cette façon de parler ! On dirait un voyou ! maugréa-t-elle.
Excédé par cette réflexion en trop, je partis dans ma chambre et claquai la porte avant de m'allonger sur mon lit, sans prendre la peine d'enlever ma veste. Puis, après une brève hésitation, j'attrapai mon téléphone et décidai d'aller droit au but en envoyant un texto à Thalia :
« Salut Thalia, je vais pas passer par quatre chemins : Victor dit que tu me kiffes, est-ce que c'est vrai ? »
Je repensai aux propos d'Abel : la plupart des garçons du lycée, du moins ceux qui pouvaient espérer la conquérir, l'avaient convoitée. Étaient-ils dans une sorte de compétition malsaine, de qui aurait le privilège de sortir avec elle en premier ?
Quelle était la raison de ce rejet quasi systématique ? Je réalisai que je ne la connaissais pas tellement et que je n'étais pas contre de creuser davantage dans la vie de mon amie.
Sa réponse ne se fit pas attendre.
« Mais mdr, il a craqué lui. »
« Alors pourquoi il a pensé ça ? »
« J'en sais rien, moi. Sinon, qu'est-ce que tu racontes de beau ? Ça se passe bien de ton côté, le lycée ? »
Il s'agissait là de ne pas sembler pathétique : faire comprendre que le lycée était tout sauf une source d'épanouissement, sans être trop dans la plainte afin de préserver ma dignité. À l'issue de mon message composé de six lignes, je m'attendais à une réponse élaborée, mais celle-ci fut succincte :
« Je comprends, les profs me saoulent aussi, parfois. Au fait, pourquoi le nouveau ne traine plus avec vous ? »
Il n'était pas nécessaire de chercher bien loin quant à la raison de cette question : son amie Chloé désirait le connaître davantage. Hélas, je n'avais pas la capacité de lui offrir des informations exclusives.
« Ezra ? Aucune idée. Finalement il ne nous a quasiment pas parlé depuis le début de l'année. Il préfère trainer avec Anthony. »
« Peut-être qu'il ne vous aime pas. »
Je m'esclaffai tout seul devant mon écran face au manque de tact dont elle venait de faire preuve, mais pour être honnête avec moi-même, cette idée ne me réjouissait pas.
« Peut-être... Bon, allez, avoue, c'est Chloé qui t'envoie en mission ? »
« Haha... »
« Ouais, voilà, je suis pas bête, tu vois. »
« Pas bête du tout, même. Pour fêter ta grande intelligence, je te propose de passer chez moi un de ces quatre, t'en penses quoi ? »
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Ezra et Gabriel - TOME 1 (BxB)
Novela JuvenilGabriel a tout pour être heureux : il est populaire, a un fidèle groupe d'amis, sans oublier sa petite amie Ivanie. Pourtant, ce bonheur manifeste, ce garçon de seize ans peine à l'atteindre : il déteste la ville où il habite et se rendre au lycée e...