Chapitre 13

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     Comme si le destin refusait délibérément que nous nous rapprochions, les jours qui suivirent, Ezra fut absent. Les deux premiers jours, j'avais supposé qu'il était malade. Le troisième jour, des interrogations avaient commencé à naître dans ma tête. Le quatrième, Sancier n'avait même pas pris la peine de prononcer son nom durant l'appel. La journée avait été bien pénible, sans parler de la soirée durant laquelle j'avais passé des heures à cogiter (avait-il changé de lycée, lui était-il arrivé un accident ?)

     Finalement, ce fameux vendredi, il était de retour.

     Dans un effort colossal pour ralentir mes pas, je me précipitai sur lui pour m'enquérir de son état. Mais, la consolation fut de courte durée : il sembla de nouveau ne porter aucun intérêt à notre égard. Tantôt il nous suivait mais restait silencieux, tantôt il quittait la salle de classe sans nous prêter un regard, que ce soit pendant la récré ou durant la pause du déjeuner. Était-ce par timidité ? Préférait-il certainement la compagnie d'Anthony, avec qui il paraissait tenir des conversations passionnées durant les cours de maths ? Se souvenait-il de notre échange au parc ? Mais, surtout, depuis quand Thalia et lui étaient-ils si proches ?


      Ces interrogations me brûlaient les lèvres. Pourtant, plutôt que de lui parler par texto, je décidai d'attendre patiemment notre soirée ensemble, chez elle.

     Lorsque ce fameux moment arriva, pour ne pas paraître indiscret, je jugeai plutôt bon de commencer par une question banale après qu'elle m'eut fait signe de m'installer auprès d'elle sur son lit.

     « Du coup, les mecs ? »

     Question à laquelle elle me répondit par un regard de travers. 

     Oh. Venait-elle de connaître une rupture ? Finalement, elle pouvait avoir un copain sans que nul le sache. Réalisant ma maladresse, je décidai de tourner la discussion autour du lycée, et lorsqu'elle me parla spontanément d'Ezra – ou plutôt, de ses cils si longs qu'elle mourrait d'envie de lui mettre du mascara, je sautai sur l'occasion.

— Mais, d'ailleurs, en parlant de lui, vous êtes potes, non ?

— Ouais, on peut dire ça comme ça. J'ai juste voulu arranger le coup avec Chloé, et petit à petit, on a fait connaissance.

— Ah, je comprends mieux. Et du coup, ça se passe comment entre eux ?

— Elle me dit qu'il n'est pas très bavard par texto.

— Ah, ben ça change pas d'en face à face, du coup.

Elle gloussa.

— Je crois qu'il n'est pas très à l'aise avec nous, rajoutai-je afin de nuancer.

— En même temps...

     J'observai sa chambre de couleur jacinthe, qui lui convenait tout à fait bien. Au coin de la pièce, une coiffeuse sur laquelle étaient déposés tant de produits de beauté que l'on ne pouvait en distinguer la couleur, et sur sa commode, je comptais une vingtaine de parfums différents, ainsi que des brumes Victoria's Secrets. Je voyais d'ici la Coconut passion, la préférée d'Ivanie.

Ivanie.

     Penser à elle me fit plaisir. J'éprouvais de temps à autre la sensation de ne pas penser à ma copine autant qu'il le fallait. Pourtant, lorsqu'elle m'avait annoncé son départ, l'idée même de son absence m'avait semblée insurmontable...

— En même temps quoi ?

— Ben Léandro...

— Quoi ?

— Il est gênant, parfois.

— Ah bon ?

— Roh, tu t'en rends même pas compte...

— Peut-être. Mais de toute façon, je ne pense pas que ce soit ça. Je pense qu'on est simplement... trop bruyants ou agités pour lui. Il... Il est calme, tu vois ? Et sérieux.

— Ah ouais, c'est un mec pas drôle, quoi, c'est ça ?

— Euh... hésitai-je.

Elle me regardait avec intensité, comme attentive à ce que je pourrais répondre.

— Moi, je te trouve grave drôle, par exemple, dit-elle.

— Ah, ouais ? gloussai-je, gêné, mais l'égo satisfait toutefois. Ben, merci.

— Mais du coup tu ne m'as pas répondu, tu le trouves drôle ou pas ?

— Je peux pas vraiment juger, affirmai-je. Je ne le connais pas trop. Peut-être qu'il a un excellent sens de l'humour une fois qu'il est à l'aise. Ça m'a tout l'air d'être de la timidité, plutôt.

D'un hochement de tête, elle acquiesça en souriant.

— Bon, sinon, tu m'expliques pourquoi t'es pas intéressée par Charlie ? Il parle tout le temps de toi.

    Elle pouffa bruyamment tandis qu'elle attrapa son téléphone et tapota furtivement sur son clavier.

— C'est pas mon style, répondit-elle sans lever les yeux de son écran, je lui ai fait comprendre que j'étais pas intéressée, mais visiblement mes désirs sont en option puisqu'il continue à me dragouiller tous les soirs.

— Ah merde. Mais du coup, c'est pas trop chiant au quotidien ?

— Non parce qu'il tente rien non plus. Et puis, il y a des bénéfices secondaires : il me paye à manger sans que je ne lui demande rien.

— Ah ouais, c'est économique !

    Nous rîmes, mais je fus bien vite rattrapé par la réalité : qu'attendait-elle de moi, exactement, depuis ce début de rentrée, où nous avions commencé notre échange quotidien sans aller plus loin ? Tout ceci n'avait pas vraiment de sens. Un garçon en couple et une fille dans une même pièce, pour les plus puritains, cela constituait déjà une tromperie. En ce qui me concernait, je savais qu'Ivanie tolérait puisqu'elle n'avait de cesse de répéter qu'une relation se fondait sur la confiance, et qu'elle-même, se rendait parfois chez des garçons.

— J'ai une meuf, déclarai-je, d'un seul coup.

Elle leva les sourcils.

— Je sais, pourquoi tu me dis ça ?

Je haussai les épaules, me sentant idiot.

— J'ai fait de l'équitation avec Ivanie, d'ailleurs, m'indiqua-t-elle.


Ezra et Gabriel - TOME 1 (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant