Chapitre 65

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     Dans le salon, le fauteuil. Sur le fauteuil, Maman. Vivante.

     Dans ses mains, le Sudoku. Sur son visage, un sourire. Un sourire, comme si ces deux derniers jours n'avaient été qu'un rêve fiévreux.

     Je m'approchai, soulagé et silencieux, afin de me stopper à quelques centimètres d'elle. Et, parce que j'en ressentis le besoin, je m'accroupis et posai ma tête sur ses genoux. J'étais heureux qu'elle ne s'en étonne pas ; qu'elle se contente de passer ses doigts dans mes cheveux. Je savourais ce moment, les yeux clos.

     Durant le trajet entre le lycée et la maison, je m'étais imaginé toutes les phrases que j'aurais pu lui proférer pour qu'elle sache combien je m'étais senti abandonné. Mais, dorénavant en sa présence, je me contentai d'imaginer ses réponses attestant qu'elle ne comprenait pas, et moi, rétorquant avec véhémence. En somme, une énième dispute stérile... et destructrice.

     Il s'agissait désormais de faire profil bas, et à la moindre crise, penser à la liberté qui s'offrirait à moi dans les prochaines semaines, comme nous l'avions convenu la nuit précédente avec Ezra. Une nuit blanche qui nous avait valu un réveil difficile et un quasi endormissement en cours d'anglais.

— Pourquoi cet air si sérieux, mon chéri ?

      Je haussai les épaules.

— La fatigue.

— Tu te coucheras tôt ce soir. Ça s'est bien passé chez ton père ?

— Oui.

— Ah, ben, voilà ! Je suis ravie. Ça te fait du bien, je suis sûr, Gabriel, de changer un peu d'environnement. Tu sais bien qu'on a tendance à se crêper le chignon. Parfois, il vaut mieux couper un petit peu pour repartir sur de bonnes bases. Tu ne crois pas ?

— C'est vrai.

     J'aurais pu d'ores et déjà me réfugier dans ma chambre, mais je me sentais bien, malgré ma nuque endolorie par ma posture. 

— Est-ce que je peux inviter Ezra à dormir à la maison un de ces jours ?

— Bien sûr, répondit-elle.

— OK, cool. Tu vas voir, tu vas le kiffer ! Ça sera le tout premier pote à moi que tu apprécieras.

— Qu'est-ce que tu sous-entends ?

— T'aimes pas Victor et Léandro.

— Ce n'est pas que je ne les aime pas. Je m'inquiète de leur influence sur toi, c'est tout. Mais, ce n'est pas le sujet. Parle-moi de ce nouveau copain, alors. Ezra. Le nouveau de cette année, c'est bien ça ?

     Un sourire irrépressible se dessina sur mes lèvres. Enfin. Enfin elle avait saisi à quel point il était important pour moi.

— Oui, c'est bien lui ! Du coup... Il vient d'Aix-en-Provence. Il aime la musculation et manger, surtout les fruits. Il a de bonnes notes. Mais ça, rien d'étonnant vu qu'il est studieux. D'ailleurs, il m'aide beaucoup pour les devoirs. Parfois il me les envoie quand j'ai la flemme de les faire – elle soupira – trop sympa, t'as vu. Quoi d'autre... Ah, oui. Petit, il faisait des élevages d'escargot. Je crois qu'il aime les animaux. Il a cinq grands frères. Ses parents sont gentils. Il m'écoute toujours. Parfois j'ai l'impression qu'il n'est pas trop d'accord avec moi mais, bizarrement, ça ne me gêne pas du tout. Aussi, à d'autres moments, je sens qu'il fait semblant d'aller dans mon sens juste parce qu'il sent que c'est ce dont j'ai besoin. Mais, il sait être objectif aussi, ne crois pas ! Il essaye de me raisonner, de me partager sa vision de la chose, sans jamais me juger. Ou alors il me juge dans sa tête. Là encore, je ne lui en veux pas. Moi aussi je me juge.

Ezra et Gabriel - TOME 1 (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant