La fête d'anniversaire se trouvait dans le onzième arrondissement. C'était là où vivait son ami Divya, un garçon extravagant aux cheveux mi-long qui n'hésitait pas à se peindre les ongles et à mettre des talons quand l'envie lui prenait. Bien que cela m'avait surpris la première fois que je l'avais croisé, j'étais bien vite passé outre ces détails superficiels. Il me filait gracieusement du cannabis dès que nous nous croisions en soirée, mais surtout, il était objectivement très drôle et plein de vie : il aimait me surnommer Falcone, en référence à Carmine Falcone, le personnage fictif de DC Comics. L'explication restait floue, mais elle était probablement liée à mes origines italiennes et au fait que, d'après ses dires, j'avais une allure de hors-la-loi. Je m'habillais pourtant de manière tout à fait conventionnelle, mais peut-être pas aux yeux de ceux qui avaient grandi dans les milieux huppés de Paris. Paris même.
Quoi qu'il en soit, accéder à ce petit monde grâce à Ivanie était toujours un plaisir, la vie semblait un peu plus joyeuse là-bas, minimisant la sensation d'être reclus dans une bulle bétonnée. Les immeubles haussmanniens, les bars chics et animés, les gens joyeux vêtus de chemises aux manches retroussées, les grands éclats de rire de quadragénaires qui s'élevaient parmi la foule de buveurs condensés autour des tables hautes d'un bar.
Un plaisir, oui. Même si... Paradoxalement, la joie était mêlée à l'appréhension. Je n'exclus pas l'hypothèse que la soirée qui m'attendait pouvait être la source de mon humeur oscillante ces derniers jours. Il y avait une crainte qui ne consentait pas à quitter le creux de mon estomac : et si la joie que je ressentais à l'idée de retrouver Ivanie ne résultait que de ma propre persuasion que nos retrouvailles étaient source de bonheur ?
Lorsqu'elle me retrouva à notre point de rendez-vous, Ivanie était vêtue d'une robe rouge satinée dont les bretelles étaient dissimulées sous un manteau noir en fausse fourrure, simplement déposé sur ses épaules. Face à son apparence si soignée, et sous son injonction quelques heures avant, je n'eus d'autre choix que de troquer mes joggings et sweats habituels pour une chemise bleu clair, un jean et une veste convenables. À en lire son regard, après avoir épluché les moindres détails de ma tenue, elle sembla satisfaite de mes efforts et passa son bras sous le mien.
J'espérais qu'elle reste accrochée à moi pour longtemps. Je ne connaissais personne d'autre, excepté Divya qui serait certainement occupé. Toutefois, mon espérance fut bien vite dissoute lorsque, à peine étions-nous arrivés dans l'appartement, Ivanie se précipita dans les bras de ses amies et me planta au milieu de la pièce parmi les autres invités.
Ce qui me retenait de me boucher les oreilles était la crainte de paraître tout à fait idiot, sinon quoi, ce n'était pas l'envie qui manquait, tant le son émis par l'enceinte vibrante au fond de la salle était élevé.
Trop. Élevé.
Naturellement, les voix désespérées de se faire entendre ne faisaient que contribuer à la cacophonie générale, et il était impossible de distinguer celle d'Ivanie. Par volonté de la retrouver – si tant la faible lumière émise par la boule à facettes me le permettait – je me dirigeai vers le buffet au fond de la salle avant de zieuter les trois canapés placés en U où s'entassait une dizaine de personnes.
La recherche demeurant vaine, j'aperçus au fond de la pièce ce qui allait mettre un terme à cet instant gênant de solitude ; une porte ouverte donnant sur un balcon. Lorsque je m'y glissai, et découvris par la même occasion sa petitesse – peut-être un mètre de longueur pour la moitié de largeur – je pris soin de fermer la porte derrière moi, laissant un entrebâillement de quelques millimètres.
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Ezra et Gabriel - TOME 1 (BxB)
Fiksi RemajaGabriel a tout pour être heureux : il est populaire, a un fidèle groupe d'amis, sans oublier sa petite amie Ivanie. Pourtant, ce bonheur manifeste, ce garçon de seize ans peine à l'atteindre : il déteste la ville où il habite et se rendre au lycée e...