— Qu'est-ce qu'il t'arrive ? répondis-je tout en dissimulant mon état de choc.
— Beh, rien, j'ai froid, quoi !
La fenêtre, Gabriel. Il parle de la fenêtre.
— Ah... Non, désolé, je peux pas, sinon il y aura une odeur de fumée dans le salon. Même après une semaine, ma mère est capable de la sentir et tu sais bien qu'elle m'interdit de fumer dedans.
— Elle a raison.
— Tu seras un père aussi chiant qu'elle, je suis sûr, plaisantai-je.
— Arrête de mal parler de ta mère, rétorqua-t-il, et le sourire qui se dessinait à ce moment-là sur ses lèvres ne paraissait pas avoir d'autre fonction que de minimiser le ton autoritaire dont il venait de faire preuve.
Je ne rêvais pas. Il n'était pas dans son état normal depuis quelques minutes. D'abord le fou rire inexplicable, bien loin de son habituelle maîtrise des émotions, et maintenant, ce ton ferme, au point de frôler le malentendu... Pourtant, n'était-il pas arrivé enjoué ? Peut-être regrettait-il d'être venu. Trouvait-il ma démarche étrange ? Commençait-il à se douter de quelque chose ? Avais-je eu un geste, une parole qui aurait pu me trahir ?
— Je parle comme je veux de ma mère, répliquai-je.
— D'accord.
Là-dessus, il prit soin de déposer délicatement Miss Tea sur le canapé avant de se lever et s'avancer vers moi. Arrivé à ma hauteur, il attrapa la cigarette que je tenais dans ma main et la glissa dans sa bouche. Il me fallut un temps avant de comprendre que, cette fois, il ne simulait pas, comme il avait pu le faire précédemment, mais qu'il en inhalait véritablement la fumée.
Je le regardai faire, hypnotisé par ses faits et gestes ; rassuré, aussi, qu'il ne soit pas rebuté par moi au point de ne pas vouloir mêler sa salive à la mienne.
Il grimaça et commença à tousser, puis, sans une once d'hésitation, lança la cigarette par la fenêtre. Son comportement me désarçonna tant qu'aucun mot ne sortit de la bouche.
Visiblement, mon expression le fit rire, ce qui lui provoqua une nouvelle quinte de toux.
— Comment on peut aimer ça ? me demanda-t-il enfin.
— Tu aimerais que j'arrête ?
— Tu fais ce que tu veux, dit-il en haussant les épaules.
J'aurais préféré une tout autre réponse.
— J'arrêterai quand j'aurai des enfants, déclarai-je. Ce qui veut dire jamais.
— T'en veux pas ?
— Nan.
— Mais pourquoi ? C'est une bénédiction, les enfants.
Je le regardai en fronçant les sourcils, tant cette réflexion me laissait dubitatif.
— Quoi ? Me dis pas que tu fais partie de ces gens qui ne les aiment pas ! s'exclama-t-il.
— Si, si, je les aime... C'est justement pour ça que je n'en veux pas.
— Comment ça ?
— J'aime trop mes futurs non-existants enfants pour leur faire subir la vie...
Il éclata de rire.
— Décidément, sur ce sujet, tu dis toujours des choses bizarres, répondit-il avant de s'installer sur le canapé. Mais je retiens que tu les aimes et ça me va.
![](https://img.wattpad.com/cover/340209167-288-k692267.jpg)
VOUS LISEZ
Ezra et Gabriel - TOME 1 (BxB)
Novela JuvenilGabriel a tout pour être heureux : il est populaire, a un fidèle groupe d'amis, sans oublier sa petite amie Ivanie. Pourtant, ce bonheur manifeste, ce garçon de seize ans peine à l'atteindre : il déteste la ville où il habite et se rendre au lycée e...