Chapitre 47

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     Maman laissa, avant son départ, quelques paquets sous le sapin artificiel que je m'empressai de ranger dans un placard. Trois pour être exact. Elle m'embrassa tendrement la joue lorsque je la suivis jusqu'en bas de l'immeuble où le taxi l'attendait. Elle refusait que je les accompagne jusqu'à l'aéroport, jugeant cela inutile et trop protocolaire. De fait, elle n'aimait pas les départs solennels, et c'était peut-être d'ailleurs l'une des seules choses en commun que nous partagions, elle et moi.

— Attends Noël pour ouvrir les cadeaux ! lança-t-elle en s'engouffrant dans la voiture. Maman t'aime, Amore mio.

— Oui, moi aussi. Embrasse la famille de ma part.

Céleste me fit un câlin.

— Et toi, ne vomis pas dans l'avion, hein, lui lançai-je, en référence à des souvenirs houleux de vacances.

     Comme je pouvais m'y attendre, elle s'empressa d'aller protester dans les jupons de Maman. Cependant, à l'évidence parce qu'elle ne désirait pas me réprimander alors que nous nous séparions plusieurs jours, cette dernière ne m'en tint pas rigueur et lui pria de monter dans la voiture. Elle s'exécuta et il ne fallut pas bien longtemps avant que la berline bleu foncé ne démarre et s'insère dans la circulation. Ma conscience voulait que je reste jusqu'à la disparition totale du véhicule de mon champ de vision.

     La première chose que je fis fut d'allumer ma Play. S'ensuivirent trois heures de jeu ininterrompues, à l'exception de deux pauses que je m'octroyai pour fumer et répondre aux textos d'Ezra et du reste du groupe.

     Deux jours avant les vacances, lorsque Papa m'avait annoncé qu'il ne pouvait finalement pas me recevoir pour le réveillon, il m'avait imploré de ne pas en informer Maman. Il ignorait que je n'aurais rien répété, de toute façon. Son discours, je le connaissais d'avance. Elle n'aurait pas cherché à concevoir qu'il puisse avoir une justification à cela. Moi, je l'avais compris. Il était payé double s'il travaillait le soir du vingt-quatre et il ne pouvait se permettre de passer à côté d'une opportunité comme celle-ci. Il valait donc mieux ne rien dire. J'ignorais ce qu'elle aurait été capable de proférer sous la colère, puisqu'elle ne manquait jamais une occasion de le réprimander sur sa manière de faire ou d'agir avec nous.

     En revanche, je n'avais pas hésité à le dire à Ezra, sans en préciser la raison. Pour toute réponse, il m'avait informé qu'il ne fêtait pas Noël (il avait une autre fête, à la place) et qu'il pouvait venir le vingt-quatre au lieu du vingt-six, si je le souhaitais.

     À partir de cet instant, la pensée même de sa toute prochaine venue amorçait les idées noires qui me submergeaient de temps à autre. Parce que, il m'arrivait parfois de penser que j'aurais plutôt mérité de me retrouver seul pour Noël. Là encore, ce serait ma punition pour avoir quitté Ivanie.

     À ce sujet, il me fallait à tout prix chasser de mon esprit la rupture, tant les émotions associées m'étaient désagréables. La pire étant la culpabilité. C'était selon toute apparence le poids de cette dernière qui me poussa, la veille de l'arrivée d'Ezra, à envoyer un message à Ivanie.

« Joyeux Noël, profite bien de ta famille. »

     Peut-être désirais-je la consoler, aussi, et lui demander ce qu'elle avait fait après ce jour. J'espérais qu'elle s'en soit remise, qu'elle ait même déjà un copain.

     Je pourrais ainsi plus aisément lui déclarer la vérité. Parfois, une petite voix me susurrait de lui révéler le prénom d'Ezra. Comme un devoir. Il n'y avait pourtant pas de loi qui stipulait qu'il fallait dévoiler l'identité de la personne que nous aimions, mais j'avais comme la sensation de m'acquitter d'une dette envers elle, si je le faisais.

Ezra et Gabriel - TOME 1 (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant