Notre Forteresse

Chapitre 29

Lo'ak souffrait d'avoir fait honte à son frère, lui qui était un exemple pour lui. Il avait fallu que cet odieux metkayina lui dit un mot de travers pour qu'il laisse sa colère lui échapper.

Il voulait exceller à ses côtés, être aussi respecté que lui. Être le fils parfait, qui ne décevrait jamais son père.
Pourtant, il devait se rendre à l'évidence, il ne sera jamais comme lui et ne sera donc jamais autant aimé. Ses parents ont toujours eu un grand attachement pour son aîné, c'est celui à qui on confie toute les tâches les yeux bandés. C'est celui qui obéit au doigt et à l'œil sans broncher, en réussissant à chaque fois ses missions.

A mesure qu'il retournait encore et encore ses pensées dans sa tête, Lo'ak finit par ressentir un profond malaise pour lui-même.
Se battre une nouvelle fois contre Ao'nung était la fois de trop. Il était blessé et avait mal, mais c'était de sa faute. Peut-être que s'il n'avait pas cherché les histoires avec lui depuis leur arrivée sur l'île, peut-être qu'il ne se serait pas passé tout cela. Pour lui, c'était de sa faute s'ils en étaient tous là. Finalement, quoi qu'il fasse, il n'aura que des échecs.

Cherchant dans le panier de soins de secours qu'avait confectionné sa mère, Lo'ak dénicha quelques bandes de lin. Il en détacha quelques-unes qu'il vint appliquer sur son nez pour arrêter le saignement.
D'un petit regard furtif, il jeta un coup d'œil dehors pour regarder ce que faisaient les autres. Ils étaient encore regroupés ensemble, et Neteyam discutait avec Myhona et Rotxo. La discussion ne semblait pas lui plaire car l'aîné ne faisait que broncher.

Plus loin, il remarqua qu'Ao'nung lui aussi s'était éloigné, mais à l'opposé de lui. En effet, il serait dommage d'envenimer la situation.

Lo'ak savait que lorsque son père reviendrait, il remarquerait tout de suite l'incident. Il se préparait donc psychologiquement à subir ses habituelles remontrances.

Une fois le saignement de nez quasiment fini, il saisit la bandelette végétale de sa main libre pour venir l'appliquer sur la plaie ouverte au niveau de son ventre, ce qui le fit grimacer légèrement.
Cette dernière était déjà en train de former un ecchymose, qui allait lui faire mal dans les jours à venir, il le sentait.
Lo'ak pesta pour lui-même. Très concentré dans sa tâche, il ne s'aperçut pas que Kiri venait d'entrer dans l'abri. Juste derrière lui, elle restait là à le fixer, les bras croisés.

- Franchement Lo'ak... pourquoi tu ne peux pas t'empêcher de faire n'importe quoi.. dit-elle dans un soupir.

Ce dernier sursauta à et laissa tomber les bandelettes.

- Oh Kiri, ne fais plus jamais ça !

- C'est pas drôle Lo'ak, qu'est ce qu'il te prend ?! s'écria-t-elle.

- Et tu crois que je fais exprès peut-être ?! Pourquoi vous trouvez tous normal qu'il soit aussi méchant avec nous ?! T'as oublié peut-être ce qu'il s'est passé l'autre jour, qui fait qu'on est paumé ici ?! protesta le cadet en laissant libre cours à sa colère.

Ce à quoi, Kiri eut un mouvement de recul, ne s'attendant pas à ce qu'il réagisse de cette manière, habituée au fait qu'il ne disait jamais rien quand on le réprimandait.

- Excuse-moi de ne pas être comme Neteyam ! Moi je peux pas le laisser parler sans rien faire ! continua-t-il en emportant à la hâte les outils médicinaux dont il avait besoin.

Furieux, il quitta la cabane et tomba nez-à-nez avec Neteyam qui avait été alerté par leurs voix.
Il le regardait avec une expression abasourdie et eut l'air de s'inquiéter pour lui . Il parut vouloir dire quelques mots mais Lo'ak ne prit pas la peine de l'écouter.