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GABRIELLA
Août 2022

La sonnerie de mon réveil me file des envies de meurtre ce matin. Tout comme hier en fait. Et probablement comme demain aussi.

Mon cerveau – du moins, ce qu'il en reste – tambourine de part et d'autre de mes tempes trempées de sueur. Mon cœur bat dans ma boîte crânienne et chaque bruit amplifie ce vacarme assourdissant.

Pitié, qu'on me coupe la tête afin que je cesse de souffrir ainsi.

Visiblement, j'ai abusé des gin tonic, tant et si bien que je me rappelle à peine la veille.

Je revois Matt et moi nous déhancher sur la piste de danse, les verres trinquent à ma santé, un garçon très beau mais trop collant nous aborde... Toutefois, rien de bien précis qui permette de retracer fidèlement la soirée.

Un bref coup d'œil sur ma droite me confirme qu'aucun homme ne dort dans mon lit. Je lâche un long soupir de soulagement et esquisse un sourire de fierté. Je n'ai certainement pas besoin d'un coup d'un soir en ce moment, ma santé mentale est si instable que je serais capable de m'attacher à lui.

Prise d'un sursaut, je me rappelle pourquoi mon réveil sonne si tôt un dimanche alors que je me suis couchée à l'aube. Hier soir, Eddy m'a appelée pour m'informer que j'avais été nommée dans une affaire et que j'étais attendue en garde à vue ce matin.

S'il n'avait pas deux fois mon âge, Eddy aurait été un petit ami parfait. Du haut de son mètre quatre-vingt-cinq sa carrure imposante le rend très viril et sa peau hâlée contraste délicatement avec ses yeux bleu océan qui ensorcellent quiconque se risque à les regarder de trop près. Ses cheveux coupés courts et partiellement argentés encadrent son visage épais et bien défini dont les contours rugueux ne sont pas pour autant disgracieux.

D'une gentillesse comme on n'en fait plus, il est galant et attendrissant, poli et courtois. La différence d'âge entre nous équivalente à presque trente ans limite tout soupçon d'attirance que je pourrais éprouver pour lui et si la réciproque est également vraie, je remarque bien les regards que lui portent les autres femmes qu'il ignore pourtant éhontément, n'ayant de yeux que pour sa femme, Emily.

Après une brève toilette, un citrate de bétaïne, un doliprane et un double expresso au lait d'avoine, je suis prête à affronter le monde.

Enfin, peut-être pas le monde, mais je suis au moins prête à affronter ma matinée d'interrogatoire qui s'annonce musclée.

Le chef Finwick n'est pas tendre malgré son physique fluet, alors je me presse un peu pour ne pas récolter les foudres de cet homme que j'exècre. Je ne suis pas encore en retard, mais mon pas alourdi par l'alcool risque de me ralentir sur la route.

Jeremiah Finwick n'est pas très grand, plutôt trapu et surtout très bête. Peut-être se sent-il obligé de compenser ses déficiences par une dureté sans relâche pour se faire respecter des bandits, ou peut-être n'est-il qu'un idiot fini, toujours est-il qu'il est ce genre de personne aigrie qui se pense au-dessus des lois, au-dessus des autres.

Mais il n'en est rien. Les rumeurs disent de lui qu'il est corrompu jusqu'à l'os, racontars de tribunaux qu'Eddy n'a cependant jamais voulus ni confirmer, ni infirmer. Sa queue de cheval grisonnante n'ajoute aucun charisme à l'ensemble du tableau et au contraire, elle le rend encore plus laid et misérable.

Le corps juridique se demande souvent comment un homme si bête a bien pu finir à la tête de la brigade criminelle de New-York. Il est la définition même du mauvais flic, du ripou corrompu qui, à défaut de protéger le peuple, attise sa haine. Quand je le vois, je comprends pourquoi la police a une si mauvaise réputation. Il est tout ce que les citoyens détestent : raciste, violent, sexiste, imbécile et enragé.

La MeuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant