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GABRIELLA
Août 2022

– Joyeux aaaanniversaiiiire, joyeux anniiiiveeeersaiiiiiire, joyeux aaaanniiiiiveeeeersaaaaiiiire Gabiiiiii, joy...

– Matt, arrête ça de suite, je grommelle en émergeant difficilement de mon état léthargique duquel mon meilleur ami me tire bien trop énergiquement.

Je parviens à faire taire la grosse tête pleine de boucles brunes qui s'approche dangereusement de moi. Entre ses mains, je devine un muffin aux myrtilles où trône fièrement une bougie rose bonbon.

Je jette un œil furtif à mon téléphone. On est bien le 27 août.

J'ai officiellement vingt-six ans.

Vingt-six ans, putain.

Hier soir, je me suis endormie sur le canapé, entièrement habillée. À la suite de ma nuit presque blanche de la veille, je n'ai pas tenu dix minutes et lorsque je suis rentrée, mes yeux se sont immédiatement clos. J'en paye le prix fort au réveil puisque mon cou me tire affreusement, témoin d'une mauvaise position pour dormir.

C'est donc ça d'avoir vingt-six ans ? Se réveiller avec le dos en vrac ?

Je me relève un peu du canapé, mais prise d'un vertige, je m'y repose à nouveau. Mon t-shirt blanc me colle à la peau, j'ai beaucoup transpiré cette nuit encore bercée par trop de mauvais rêves. Je me sens extrêmement sale et encore dans le coltar, comme si mes songes ne s'étaient pas encore apaisés en dépit des hurlements inharmonieux de Matthew. La chaleur estivale et les canapés en cuir font rarement bon ménage.

Je me sens plus en forme que la veille, mais pas assez pour affronter Matthew et sa joie de vivre déroutante de bon matin. Je le maudis de m'avoir réveillée si tôt, alors que j'aurais pu dormir davantage.

– Matt putain, on est samedi. Je bosse comme une acharnée toute la semaine, tu ne pouvais pas attendre au moins dix heures du matin avant de venir me réveiller ? Mais quelle idée j'ai eu de te filer un double des clés ! je me lamente, enfouissant mon visage dans un coussin en velours pour profiter davantage d'un peu de douceur.

– Moi aussi je suis ravi de te voir ma Gabi chérie.

Matthew rit de toutes ses dents, et sort un briquet de sa poche de jean afin de rallumer la bougie qui s'est éteinte en attendant désespérément que je daigne souffler dessus. Derrière la flamme, je vois briller ses yeux marrons, tout enjoués. Pour lui faire plaisir –et surtout pour qu'il me lâche –, j'éteins cette bougie en un mélange de souffle et de postillons disgracieux qui aspergent le gâteau.

– Gabi ! vocifère-t-il. Franchement ! Tu crois que je ne te connais pas ? Cracher sur ton gâteau pour que je n'en mange pas... Tu penses vraiment que quelques postillons vont m'empêcher de partager ce muffin en deux ? Dois-je te rappeler que ce qu'on a partagé tous les deux dépasser largement quelques malheureuses gouttelettes de salive ?

Je lui souris tendrement en chassant les terribles images. Matthew est mon plus vieil ami, mon meilleur ami, et surtout, mon seul ami. Je le connais depuis ma plus tendre enfance.

On a tout fait ensemble.

On a perdu notre première dent de lait ensemble.

On a passé nos premières heures de colle ensemble.

On a fumé nos premières cigarettes ensemble.

Et on a même baisé pour la première fois ensemble, avant de se rendre compte que deux amis comme nous ne seraient jamais amoureux – et surtout, avant que Matthew ne réalise que finalement, il n'était pas très branché vagins.

La MeuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant