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GABRIELLA

Septembre 2022, New-York

Giovanni me tient la jambe depuis trente minutes. Ce n'est pourtant pas dans ses habitudes de rester au téléphone trop longtemps avec sa famille. Il préfère les longs rendez-vous téléphoniques avec ses clients. Il sait qu'à la clé de chacun d'entre eux, se trouve une montagne d'argent.

Je croise mes jambes sur mon bureau et m'affale davantage dans ma chaise lorsque l'appel prend fin. Par la fenêtre, le ciel menace à tout instant de s'effondrer sur la ville. L'air est lourd, et malgré l'invisibilité du soleil, la chaleur pèse sur les New-Yorkais.

Nate est supposé arriver d'une minute à l'autre pour commencer à parler de sa défense. Le dossier regorge d'informations, tant et si bien que je ne sais même pas par où commencer. Je compte sur Nate pour me donner l'impulsion nécessaire, ou au moins m'informer sur ce que Finwick lui a dit lorsqu'il l'a convoqué, afin que je choisisse mon angle d'attaque.

Je devine son arrivée à son odeur avant même de l'apercevoir. Il apparaît finalement dans l'encadrement de mon bureau, et alors que je l'invite à entrer, il ferme la porte derrière lui. Sans que je ne lui propose de siège, il s'installe sur l'une des chaises qui me fait face de l'autre côté de mon bureau, scrutant curieusement les quatre coins de la pièce.

Il est tout à son aise alors que je ne sais pas où me mettre. En cet instant, je préfèrerais être une petite souris pour me terrer dans un trou plutôt que subir ses regards ensorcelants dont la ferveur me brûle l'épiderme.

Ses yeux se posent finalement sur moi, croisant les miens. Sa nonchalance me transperce et me fait presque tourner la tête, mais il se fout de ce qu'il dégage.

Nate se fout de tout.

Le silence n'est pas pesant même s'il me semble infini. Toujours sans un bruit, j'ouvre le dossier posé devant moi, faisant fi de son regard lourdement posé sur moi.

— Bon, commençons, dis-je finalement, sans même le saluer. Je ne sais même pas dans quel sens prendre ce dossier. J'ai obtenu du tribunal différentes accusations et différentes plaintes à l'encontre de plusieurs membres supposés de ton... groupe.

Il s'approche de moi afin de jeter un œil aux documents en ma possession et son odeur enivrante me fait tourner la tête. J'hume discrètement la fragrance qui parfume mes narines et met tous mes sens en ébullition. Je m'accroche désespérément au rebord de mon bureau pour m'ancrer à la réalité, obligée de rassembler toutes mes forces pour reprendre mes esprits.

— Comme prévu, trafic de stupéfiants, conduite en état d'ébriété, vol, recel, trafic d'armes, corruption administrative, outrage à agent, délit de fuite... rien de bien étonnant.

Je me tais pour l'observer. Il ne semble pas le moins du monde décontenancé et arbore presque un rictus arrogant, toutefois, il ne décroche pas un mot Il ne semble pas gêné non plus, mais ne me regarde pas pour autant. Ses yeux oscillent entre les papiers et la fenêtre, comme si la brûlure de mon jugement pouvait lui calciner les membres à tout instant.

Je réprime un sourire en me rappelant que Nate adore l'orage. Le bruit l'apaise, l'ambiance le calme. À l'inverse, je suis effrayée par le bruit assourdissant du tonnerre et aveuglée par les flashs de l'éclair. J'ai comme une impression d'apocalypse lorsque le temps est orageux.

Seul Nate savait appréhender cette peur à l'époque. Lorsqu'il pleuvait, on se réfugiait chez nous, sous un plaid, dans le noir. On fermait les volets et les rideaux et on allumait la télévision à fond. Les mélodies enivrantes de Hans Zimmer dans Gladiator couvraient toujours les bruits déchirants de l'orage.

LA MEUTEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant