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GABRIELLA
Septembre 2022

– Oui, papa.

Giovanni me tient la jambe depuis trente minutes. Ce n'est pourtant pas dans ses habitudes de rester au téléphone trop longtemps avec sa famille. Il préfère les longs rendez-vous téléphoniques avec ses clients. Il sait qu'à la clé de chacun d'entre eux, se trouve une montagne d'argent.

Raison pour laquelle il me tient la jambe, en y réfléchissant. Doubler mes honoraires pour l'affaire Il Luppo a été une excellente décision. Grâce à cela, je n'ai plus besoin d'exercer pour la clinique d'aide juridictionnelle.

Je peux désormais choisir mes affaires et pratiquer pour la passion et non pour manger à la fin du mois.

– Oui papa, tu avais raison.

Je croise mes jambes sur mon bureau et m'affale davantage dans ma chaise. Pitié, pourquoi Giovanni n'a-t-il pas un double appel, un rendez-vous client ou toute autre chose à faire qui m'éviterait de l'écouter se pavaner encore et encore, en boucle dans mes oreilles ?

Même lorsque je décroche une grande affaire, mon père s'en attribue les mérites. Depuis une demie heure, il ne manque pas de me rappeler qu'il m'a conseillée d'accepter, que si j'en suis là c'est grâce à son soutien indéfectible et sa sévérité excessive destinée à me forger.

Laisse-moi rire, Giovanni.

Je prétexte l'arrivée soudaine d'un client pour raccrocher hâtivement dès que mon père entame le sujet du repas du dimanche en famille.

Qu'on m'épargne un bal des hypocrites supplémentaire !

Par la fenêtre, le ciel menace à tout instant de s'effondrer sur la ville. L'air est lourd, et malgré l'invisibilité du soleil, la chaleur pèse sur les New-Yorkais.

Mon mensonge à mon père n'en est qu'un demi. Nate est supposé arriver d'une minute à l'autre pour commencer à parler de sa défense. Le dossier regorge d'informations, tant et si bien que je ne sais même pas par où commencer. Je compte sur Nate pour me donner l'impulsion nécessaire, ou au moins m'informer sur ce que Finwick lui a dit lorsqu'il l'a convoqué, afin que je choisisse mon angle d'attaque.

Je devine son arrivée à son odeur avant même de l'apercevoir. Il apparaît finalement dans l'encadrement de mon bureau, et alors que je l'invite à entrer, il ferme la porte derrière lui. Sans que je ne lui propose de siège, il s'installe sur l'une des chaises qui me fait face de l'autre côté de mon bureau. Il croise ses jambes et lorgne les recoins de mon bureau. Il est tout à son aise alors que je ne sais pas où me mettre. En cet instant, je préfèrerais être une petite souris pour me terrer dans un trou plutôt que de subir ses regards ensorcelants dont la ferveur me brûle l'épiderme.

Des cernes noirâtres assombrissent le doux visage de Nate. D'habitude, son teint pêche lui donne bonne mine sans trop d'efforts, mais pas aujourd'hui. Je devine sans peine qu'il a passé une nuit tumultueuse.

Je continue de l'observer alors qu'il scrute la décoration de mon bureau, tentant de capter chaque information. Ses yeux bleus scannent les quatre coins de la pièce en long, en large et en travers, à la recherche de je ne sais quoi, avant de finalement se poser sur moi. Sa nonchalance me transperce et me fait presque tourner la tête, mais il se fout de ce qu'il dégage. Nate se fout de tout.

Le silence n'est pas pesant même s'il me semble infini. Toujours sans un bruit, j'ouvre le dossier posé devant moi, faisant fi de son regard lourdement posé sur moi. Sa nonchalance laisse place à de la gêne. Du coin de l'œil, je l'observe se triturer les doigts, les tordre, se frotter les mains l'une contre l'autre.

La MeuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant