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GABRIELLA
Septembre 2022

Comment a-t-il pu me faire ça ?

J'ai cru défaillir quand Nate a posé ses lèvres sur mon front et s'est installé à mes côtés avec son aisance décomplexée qui m'a explosé au visage comme une grenade dégoupillée. Son audace a nettement dépassé tout ce que j'avais pu imaginer.

Lorsque j'ai reçu le message d'Agatha nous invitant à boire un verre, j'étais certaine qu'elle n'obtiendrait pas le numéro de Nate, raison pour laquelle j'ai décliné pour lui, prétextant une audience bien trop importante pour pouvoir se libérer.

Je n'ai pas imaginé une seule seconde qu'elle réussirait à le contacter. Encore moins qu'il accepterait et viendrait jouer le jeu. Connaissant Nate comme ma poche, je sais qu'il est venu juste pour se moquer de moi. Pour me tester. Pour se venger de ma piètre performance lors de son audition de police.

Les frissons ne cessent de croître sur ma peau, provoqués par le contact que Nate a établi entre nous. Incapable de me concentrer sur autre chose, je ne participe même pas à la conversation, trop occupée à essayer d'oublier que son bras enserre mes épaules comme s'il ne les avait jamais quittés. Sa peau est toujours aussi douce, chaude comme avant.

Retrouver la sensation de son épiderme contre le mien des années après, dans cette situation précise me fout la nausée. Me sentir importante simplement car son bras trône sur mes épaules me rend pathétique.

La rancœur ne parvient visiblement pas à effacer le sentiment de sécurité qu'il me procure.

Nate, c'est un peu comme la maison, comme le voyageur qui rentre au bercail après un long périple. Il a hâte de retrouver son cocon, sa famille, ses habitudes. Mais surtout, Nate c'est rassurant.

C'est rassurant de connaître tout de cet endroit, de savoir que les murs sont solides et résistent aux tempêtes, que le sol ne se dérobe pas sous mes pas, que le lit est confortable et la lumière agréable.

Je tourne la tête vers l'homme à mes côtés et j'ai l'impression de retomber amoureuse de lui. La sensation est aussi grisante que terrifiante.

Quelle idiote ! scande mon cerveau sans répit.

Ses lèvres se retroussent légèrement lorsqu'il sourit et laissent entrevoir ses dents alignées, résultat de longues années d'appareil dentaire. Quelques ridules sont apparues au coin de ses yeux avec les années, mais son regard intensément bleu lui donne un air innocent, presque juvénile. Ses cheveux bruns arborent des reflets châtains en plein soleil et le désordre qui règne sur sa tête le rend cruellement mignon. Ses mimiques non plus n'ont pas changé. Il penche toujours un peu la tête sur la droite lorsqu'il écoute attentivement quelqu'un, passant sa langue sur ses dents alignées.

Je me déteste de le trouver aussi beau. Je reporte mon attention sur Agatha et tente d'entrer dans la conversation, mais je remarque qu'elle est sur le départ, ce qui signifie que dans quelques instants, je serai seule avec Nate.

Et cette idée ne me plait pas du tout.

– Nate, Gab, ça a été un plaisir, mais je dois filer, j'ai un rendez-vous chez le psy. J'ai beau être soignée, je ne suis pas encore guérie. Le chemin de la rédemption est long et parsemé d'embûches, mais que serait une victoire sans obstacles qui entretiennent farouchement le mérite ?

Nate sourit à Agatha et je ne parviens pas à savoir s'il la trouve folle à lier ou attendrissante.

– Gab, la prochaine fois, tâche de retrouver ta langue, plaisante Agatha.

Agatha à peine partie, je saisis mon sac, prête à m'enfuir à toute jambe, après avoir laissé un billet sur la table pour régler ma consommation. Nate me retient et ce nouveau contact entre nous glace mes sens. Sa poigne m'oblige à me rassoir, et son regard intense me perfore de part et d'autre de la poitrine. Un raz-de-marée de sentiments contradictoires me submerge, je tente difficilement de les réprimer du plus fort que je peux. Je refuse de ressentir quoi que ce soit de positif à l'égard de Nate.

La MeuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant