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NATE
Septembre 2022

J'ai cru mourir. Littéralement, mourir.

Sans savoir précisément qui a tenté de faire du mal à Gabriella, j'en ai une petite idée, et si c'est bien ceux à qui je pense, la guerre est déclarée pour de bon.

La voir allongée sur le carrelage de la salle de bain avec cette brute épaisse au-dessus d'elle a presque failli me faire vomir, mais l'appel de la vengeance et mon professionnalisme à toute épreuve m'ont sorti de ma torpeur pour agir rapidement.

Je n'aurais pas supporté qu'il fasse davantage de mal à Gabriella. Je m'en serais voulu toute ma vie. Je m'en serais détesté plus encore.

Si tant est que ce soit possible.

Je n'ai pas été étonné qu'elle accepte que je passe la nuit ici. J'ai lu dans son regard qu'elle était terrorisée et elle a enfin compris le sérieux de la situation.

Savourer un verre de vin avec Gab à mes côtés me replonge des années en arrière et je n'arrive pas à déterminer si ça me fait un bien fou ou un mal de chien.

Les yeux dans le vide, elle est silencieuse. J'aimerais m'infiltrer dans les moindres recoins de sa tête pour deviner ce à quoi elle pense après la soirée riche en émotions que nous venions de vivre.

Est-ce qu'elle pense à mes mains sur mon corps ? Ou mes lèvres sur sa bouche ?

À moins que ces doux souvenirs n'aient été balayés par la tournure dramatique qu'a pris la soirée. Dans ce cas-là, elle ne pense plus qu'à mon glock sur la tempe de ce colosse. Le bruit assourdissant qui en a suivi.

Boum. Silence. Ménage.

Et la vie continue.

Le vin prolonge les effets de la bouteille ingurgitée au bureau de Gabriella, avant que tout dérape.

Ma tête tourne lorsque je la jette en arrière pour regarder le plafond. Les cheveux blonds de Gabriella remontés en un chignon approximatif laissent apparaître son tatouage sous l'oreille qui date de l'université. Je souris en le regardant, prenant alors conscience qu'à l'époque, j'étais heureux malgré ce que je pouvais en penser.

Elle tourne ses yeux marrons vers moi et je n'y décèle plus aucune crainte. Ma présence semble la rassurer et ce constat m'émeut.

– Merci Nate.

Son ton timide rend sa voix presque inaudible, aussi discret qu'un murmure, mais j'ai l'ouïe fine.

Nos regards s'entrechoquent et la flamme qui nous animait en début de soirée reprend du poil de la bête. Cette fois-ci, je ne fais rien, attendant qu'elle m'y incite. Je refuse de la brusquer après l'agression qu'elle a subi.

– Gab, c'est la moindre des choses. C'est probablement de ma faute si tu es en danger.

– C'est sans aucun doute ta faute, tu veux plutôt dire !

Elle rit doucement pour dédramatiser la situation. Son rire camoufle son envie de fondre en larmes.

Sa vie change, encore et tout est de ma faute, encore.

La soirée se déroule sans encombre. Nous discutons aisément, tout en évitant soigneusement les sujets qui fâchent : mon départ, mon boulot, ma vie. Nos voix sont de plus en plus pâteuses à mesure que les verres de vin s'enchaînent. Nous buvons probablement trop, surtout lorsque nous sommes ensemble, mais nos sentiments mitigés à l'idée de se retrouver obstruent notre bienséance pour nous transformer en puits de craintes que les vapeurs d'alcool écartent.

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