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NATE
Août 2022

Le soleil n'est pas encore couché, mais le jour tombe progressivement lorsque je franchis le seuil de mon appartement, soulagé d'être enfin libre et de retour à la maison. La route jusqu'à Staten Island a été calme, me permettant de réfléchir aux évènements de ces derniers jours.

Il n'y a pas à dire, je suis heureux de retrouver mon cocon loin de La Tanière, loin de La Meute, loin d'Il Luppo et surtout loin ce commissariat où j'ai passé les deux derniers jours.

Loin de Gabriella.

Enfin seul, je relâche la pression et rallume mon téléphone tombé en panne de batterie. Les notifications s'accumulent sur l'écran d'accueil. Paul s'est inquiété, Il Luppo m'a envoyé quelques mails et ma mère des mots d'amour, ne se doutant pas d'un brin de la merde noire dans laquelle son fils chéri s'était foutu.

J'enlève mes chaussures, ma chemise blanche parsemée de traces noires et mon jean qui tient presque debout depuis le temps que je le porte. Après deux jours passés dans ces maudis vêtements, je suis à deux doigts de les foutre au feu.

Je n'ai qu'une hâte : me doucher et me coucher.

J'allume l'eau et la laisse couler pour trouver la bonne température avant de m'introduire dans la cabine de douche. En attendant, j'ose m'observer dans le miroir et je ne suis pas fier de ce que j'y vois. Manifestement, la prison ne me réussit pas. Ma mine est déconfite, mes cheveux sont en bataille et mon teint terne est aussi gris que les nuages de New-York qui chatouillent les toits des buildings. Ces deux jours en garde à vue m'ont paru être une éternité, si bien qu'en regardant de plus près, j'ai l'impression d'avoir pris des rides entre temps.

J'ai déjà commis quelques délits, été arrêté par les gendarmes, mais jamais je n'avais passé deux nuits consécutives dans cet endroit morbide qu'était le commissariat. Silencieusement, je prie pour ne plus jamais connaître l'insalubrité des lieux mêlé à la peur ambiante dans les yeux des détenus et l'antipathie des policiers, blasés de leur métier peu reluisant ces derniers temps.

Je pénètre finalement dans la douche, soupirant d'aise dès que l'eau chaude entre en contact avec mon corps froid. La sensation me fait ardemment frémir, et peu à peu, chacun de mes muscles se détend. Je repasse en boucle les événements et ces derniers jours, et mes retrouvailles glaciales avec Gabriella.

Gabriella...

Gabriella toujours aussi belle, qui se tenait fièrement à côté de moi durant toute l'audition, raide comme la justice qu'elle représentait en cet instant.

Gabriella et ses poignets remplis de bracelets, ses ongles parfaitement manucurés et son regard aux teintes ambrées perçant mon cœur et mon âme.

Gabriella et son odeur mi vanille mi Marlboro, fidèle à celle qu'elle était quand on se connaissait encore.

Gabriella et son corps de rêve qui s'agitait dans son body blanc et son costume bleu marine, sous sa robe d'avocat qui la rendait encore plus désirable encore qu'à l'époque –si cela était possible.

Nos retrouvailles me plongent dans une nostalgie profonde que je ne m'autorise habituellement plus à ressentir. Je suis parti pour une bonne raison, m'évaporant de sa vie si fort qu'elle en est peut-être même venue à douter de mon existence. Il fallait rompre cette relation à ce moment-là et de manière brutale, pour qu'elle me haïsse plus que tout et qu'elle ne tente jamais de me retrouver. Il n'a pas été facile pour moi de disparaître ainsi, mais cela a été nécessaire, vital.

Le feu qui brûlait entre nous nous aurait consumé à la longue.

Gabriella est aujourd'hui encore mon seul amour. Elle n'a pas été ma seule conquête, mais elle a été la seule à qui j'ai ouvert mon cœur, lui laissant une place de choix à l'intérieur de mon palpitant.

La MeuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant