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GABRIELLA
Août 2022

Il est neuf heures lorsque j'entre en trombe dans le bureau de Ludmila Parker, responsable de l'aide juridictionnelle. Cet endroit est à son image : pompeux, surfait et prétentieux.

Elle lève ses yeux noirs de son dossier et m'adresse un regard interloqué qui se devine à son sourcil haussé qui lui aussi me nargue. Sa moue m'indique que ce n'est pas le moment de l'embêter, pourtant, je m'obstine et je ferme la porte derrière moi avant de m'avancer dans le bureau de Ludmila, d'un pas décidé.

– Que me vaut ce plaisir de si bon matin Gab ? m'interroge-t-elle.

En m'asseyant sur le fauteuil situé devant elle, je sens l'odeur de son parfum nauséabond. De tout temps, Ludmila a porté ce parfum insoutenable qui la suit partout.

A l'université, alors que je travaillais au sein de sa clinique d'aide juridictionnelle, son odeur embaumait déjà tous les couloirs du bureau lugubre qui lui servait de lieu de travail. En plus de son attitude désobligeante envers le « petit personnel » comme elle me considérait, elle sentait mauvais. Le petit bureau lugubre s'était transformé en bureau raisonnable et avait migré de Brooklyn au Queens, mais l'odeur de Ludmila était toujours aussi horripilante et son air suffisant n'arrangeait rien.

Ludmila était de celles qui détestaient les personnes inférieures à elle, le problème étant qu'elle se sentait supérieure à tout le monde.

Pour résumer, Ludmila détestait tout le monde.

Malgré mes ressentiments à son égard, elle était exemplaire dans son travail et son arrivée à la tête du service d'aide juridictionnelle avait provoqué bien des changements positifs. J'avais beaucoup appris à ses côtés. Elle était une formatrice hors pair et une pointure du monde juridique, car si Ludmila détestait les gens inférieurs à elle, elle méprisait davantage la médiocrité.

Ma présence dans ces locaux est simple et mon dossier est monté minutieusement. J'ai passé la nuit à parachever les dernier détails, étayant mes propos par une seule et unique motivation, mais pas des moindres : je ne veux pas m'occuper de l'affaire de Nate car il y a conflit d'intérêt. Je suis son ex petite amie, je ne peux pas être impartiale.

Il n'était pas dans ma nature de refuser des affaires, même lorsque celles-ci me semblaient particulièrement inintéressantes je m'en occupais sans broncher.

Jamais il ne m'est arrivé de demander un tel service à Ludmila, alors je me rassure comme je peux, me répétant d'oser, que je ne rencontrerais pas trop d'embûches puisque c'était la première fois et que mes raisons étaient valables.

Toutefois, il ne fallait pas crier victoire trop vite : Ludmila était imprévisible et surtout intransigeante.

La peur au ventre d'essuyer un refus, je me lance pourtant :

– Je suis désolée, mais je vais devoir refuser le dossier que tu m'as confié.

– Tu es au courant qu'il faut un motif valable pour refuser une affaire en tant qu'avocat commis d'office ?

– J'en ai un : implication émotionnelle. Cœur brisé. Je ne peux pas défendre ce client car nous avons un passif commun.

– Ce n'est pas suffisant Gabriella, tu le sais bien.

– Ludmila, c'est toi la responsable. Tu fais ce que tu veux. Tu peux bien aider une consœur que tu as autrefois formé qui plus est ! Ma loyauté et mon sens de l'honneur ne sont plus à prouver. Tu sais que je te le rendrai au centuple !

– Je suis surveillée ces derniers temps. Je ne suis pas maître de mes décisions. Je suis au regret de devoir te refuser cette faveur, m'informe Ludmila, reportant son attention sur les papiers qu'elle tenait entre ses mains.

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