Loin de chez moi (1)

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Maxim

Mercredi 10 avril 2019

Paris (France), à l'approche d'un somptueux restaurant.

Trois jours ont passé. Un peu trop lentement à mon goût. Soixante-douze heures de manque infiniment intense qui n'ont cessé de plomber mon moral et m'ont enfoncé un peu plus profondément dans une obscurité sans fin. Et ce soir, alors qu'on nous emmène à un repas professionnel, je crois que je n'ai jamais été aussi désespéré de ma vie. Parce que même si je l'ai vue à la gare aux côtés de ses amies et qu'elle nous a accompagnés jusqu'à notre quai, je n'ai pas pu la tenir dans mes bras comme un amoureux transi. Je n'ai pas pu non plus l'embrasser comme si ma vie en dépendait. Et je n'ai surtout pas pu me résoudre à la regarder, de peur qu'on ne perçoit les quelques indices que je m'efforce de dissimuler.

Non. Je n'ai rien pu faire de tout cela.

Parce que je lui ai promis de la laisser tranquille. Et parce que nos proches sont loin d'être au courant de ce qui nous lie. A part Chrys, bien évidemment.

Quand je suis rentré dans mon appartement avec la boule au ventre, dimanche après-midi. Elle n'a cessé de me poignarder avec son regard noir tandis que j'essayais de faire bonne figure devant mon meilleur ami. Je l'ai gâté, et même un peu trop. Mon cadeau d'anniversaire n'était pas censé expier mes fautes, quelles qu'elles soient, pourtant vu son œillade sévère qui en disait long, elle avait l'air de croire le contraire. Pendant près d'une année, je lui ai acheté tout un tas de babioles que j'ai entassées les unes après les autres dans un énorme carton. Découvrant ses nouveaux jouets, surprise par surprise, Ralf a pratiquement oublié mon absence d'une bonne partie de la soirée. Et surtout, il a fini par me pardonner après avoir lu les paroles d'une chanson d'amour que j'ai écrite, une semaine plus tôt. Et comme si ça ne suffisait pas, Chrystal a tenté de me soutirer des informations dès que mon frère avait le dos tourné.

Mais je ne lui ai jamais répondu. J'ai profité qu'Owen rentrait avec sa copine pour m'enfermer dans ma chambre. Parce que je sais qu'elle le sait, et qu'elle n'approuve pas du tout. Seulement, je n'ai pas besoin de connaître son avis sur la question, et Chrystal n'a pas besoin de tout savoir sur ce qui se passe entre Em et moi. Parce qu'elle n'est pas nous et qu'elle ne nous comprendra jamais. Dans tous les cas, ce n'est pas avec moi qu'elle aura vent de la fin de l'histoire...

— Max, m'appelle Ralf sur ma gauche. On arrive.

Je lui jette un regard latent tandis qu'il se gigote, prêt à se dégourdir les jambes. Habillé d'une chemise blanche à la coupe cintrée et d'un jeans assez sombre, mon meilleur ami semble préparé à se confronter à ce dîner d'affaire, où tout un tas de types avec un balai dans le cul nous attendent de pieds fermes pour discuter de l'album en question. Moi-même, j'ai dû me dégotter d'une tenue chic pour l'occasion après la demande explicite de Samuel, notre ancien guide et chauffeur, et surtout notre nouveau manager.

Et selon Fred, notre producteur super cool, personne ne peut mieux nous conseiller et nous diriger que ce fameux Samuel Evrard. Mouais...ça reste à prouver, parce qu'il me met franchement mal à l'aise depuis que nous sommes arrivés.

— Je sens qu'on va bien se faire chier, marmonné-je entre mes dents.

Enzo claque sa langue contre son palais et se tourne vers moi pour me fixer d'un air désapprobateur, avec les sourcils froncés en prime. Avec sa cravate, son beau costume et ses cheveux fraichement coupés, j'ai l'air d'un gangster à côté de lui...

Ce n'est pas ma chemine basanée, ni mon jeans troué et mes cheveux tirés en arrière que je vais soigner mon apparence de « bad boy ». Et d'après le regard que m'a lancé Sam sur mon nouveau tatouage situé à la base de ma nuque jusqu'en haut de mon cou, encore protégé sous un pansement en film transparent, ça n'avait pas l'air de lui plaire.

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