Le réveil (2)

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Le lendemain, je suis réveillée aux aurores par une infirmière. Elle vérifie mon état de santé et me pose tout un tas de questions pour refaire travailler ma mémoire. Mais rien à faire : je ne me souviens que de la scène à la gare. Elle laisse par la suite la place à une aide-soignante qui fait ma toilette et je crois aussi qu'elle change ma poche d'urine. En temps normal, je me serais sentie gênée, seulement mon corps complètement ankylosé et mon esprit affaibli me confortent dans l'idée de me faire assister, même à mon jeune âge.

Il faut dire qu'avec ma jambe cassée et mon bras qui est dorénavant plié et en écharpe contre mon buste, je ne peux pas me laver seule, encore moins me déplacer jusqu'aux toilettes. Même manger mon petit-déjeuner n'est pas une mince affaire avec ma main gauche. J'ai réussi à renverser mon verre de jus d'orange sur mon plateau, et j'ai mis un bon dix minutes pour mettre de la confiture sur ma tartine. Résultat des courses, j'ai les doigts sales et très collants.

Lorsqu'une personne emporte mon plateau, j'examine la pendule près de la porte, en plissant les yeux. Neuf heures dix. Je souris en constatant que mes amis peuvent me rendre visite et me languis d'avance de voir Maxim. Je patiente, tout en lançant une série Netflix que ma mère a bien voulu m'installer sur la télévision qui se trouve dans ma chambre. Le bras articulé fixé derrière l'écran me permet d'y voir aisément sans une paire de lunettes.

Au bout de dix minutes de visionnage, on toque à ma porte. Mon cœur bondit joyeusement dans ma poitrine au moment où j'autorise mon premier visiteur à entrer. Sauf qu'il dégringole à la seconde où je vois Matthieu s'introduire dans ma chambre, un bouquet de roses à la main.

Oh, non pas lui.

Je l'avais presque oublié. Et si ma mémoire ne me joue pas des tours, je n'ai toujours pas rompu avec lui. Nous avons seulement convenu de faire un break pendant les vacances de Pâques, parce que notre couple battait de l'aile et il y a bien une raison à cela : je ne l'aime pas. Enfin...pas comme lui semble m'apprécier. Je crois que j'avais fait le point de mon côté durant cette pause, et le résultat restait constamment le même : celui que je veux, c'est Maxim.

— Bonjour, Emie ! me dit-il, heureux de me voir.

J'avale difficilement ma salive et grimace à la douleur que ça me provoque.

— Salut...

Son sourire s'agrandit, le mien s'étiole. Il pose son bouquet de fleurs près des autres et s'apprête à m'embrasser sur la bouche pour me saluer. Je tourne la tête, le cœur serré. Il se fige à mon mouvement, mais dépose tout de même un baiser sur ma joue. Il se soulève, me jette un regard décontenancé avant de me demander :

— Comment est-ce que tu vas ?

J'ignore réellement si je vais bien ou non, alors je me contente de lui donner cette réponse :

— A ton avis ? Je viens de me réveiller après trois semaines de coma, je ne peux pas me déplacer avec ma jambe cassée, ni manger correctement avec mon bras. Et aussi, je n'ai aucun souvenir de mon accident. Seul mon corps douloureux et ma tête...fatiguée me le rappellent constamment.

Matthieu cligne des yeux à la fin de ma tirade, je crois qu'il ne s'attendait pas ça. Il baisse la tête, attristé par mon état, et expulse un soupir.

— C'est vrai. C'était idiot de te demander comment tu allais, je suis vraiment désolé.

Il tire une chaise derrière lui pour s'asseoir sur ma gauche.

— Tu...tu nous as vraiment fait peur, tu le sais ?

— Je sais que j'ai frôlé la mort, oui.

Mes réponses sont sèches, et totalement acerbes. Je ne devrais pas lui parler sur ce ton, mais c'est plus fort que moi. Je n'ai pas la moindre envie qu'il s'imagine que notre couple puisse repartir sur de bonnes bases et qu'on soit de nouveau ensemble. Je suis incapable de souhaiter un seul instant un futur avec lui alors que mon cœur bat clairement pour Maxim.

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