La peur au ventre (2)

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Je vire vers cette ombre qui s'est échouée sur le sol et reconnait aussitôt mon frère qui glisse curieusement par terre. Je ne réfléchis pas, je vais à sa rescousse. J'attrape son bras pour l'asseoir sur les fesses puis je lui crie :

—    Putain, mais t'étais passé où, mec ?! Je t'ai cherché partout !

Son regard est complètement défaillant. Raffael m'observe sans réellement me voir et tangue encore un peu alors que je le soutiens fermement contre moi. Je l'adosse alors contre le mur pour l'immobiliser et éviter qu'il tombe de nouveau.

—    Lumière, chuchote-t-il, émerveillé. Beau...

Il essaie d'attraper les jets de lumière qui s'échappent de la pièce à vivre. Je roule des yeux en le voyant faire.

C'est quoi encore ce délire ?

C'est la première fois qu'il est autant dans le gaz. De toutes les fois où je l'ai vu bourré, il ne m'a jamais épié de cette façon. Comme s'il était ailleurs, quelque part dans cette planète, très loin de moi, alors que je le tiens dans mes bras. Une boule d'angoisse remonte dans ma gorge alors que je l'interroge :

—    Tu as bu combien de verres, mon vieux ?

Il ne me répond pas, il ne fait que répéter les mêmes mots, complètement fasciné par la lueur qui se diffuse dans le couloir. Je pousse un rire surpris, malgré mes inquiétudes. Je ne sais pas ce qu'il a pris, peut-être qu'il a bu un peu trop de bloody mary, mais quoi qu'il en soit, je dois vérifier s'il est capable de rester assis sans une quelconque assistance. Je le relâche, le sourcil arqué, mais ce con glisse rapidement jusqu'à s'écrouler complètement sur le ventre.

Il éclate de rire alors qu'il vient de se manger le sol.

—    Putain, t'es vraiment déchiré, Ralf !

Pas de doute possible, mon frère est éclaté. Je ne sais pas du tout ce qu'il a foutu ces dernières heures, cependant son état actuel me fait bien rire. Je le relève encore et cette fois-ci, je ne le lâche plus, seulement cet abruti me reconnait et se penche pour me serrer contre lui. Je le repousse en lui gueulant dessus, j'avais presque oublié sa manie d'être aussi collant qu'un chewing-gum quand il est pété.

Il retire ma perruque en voulant m'attraper la tête et pense aussitôt qu'il a arraché mes cheveux. Je le remets vite sur terre en lui faisant comprendre que c'est faux et cet imbécile explose de rire à nouveau. Puis il jette un regard désorienté autour de lui.

—    On est dans quel bateau ?

Je me fige soudainement alors qu'un flash me ramène vers pépé Michel, assis sur son propre bateau de pêche. Je ferme les yeux en secouant la tête alors que je discerne encore ses mots résonner dans mes songes.

« Regarde l'horizon, vois comment notre monde est si grand. Nous pouvons faire tellement de choses dans notre vie, comme voyager. Pourtant, on reste assis à attendre qu'on choisisse pour nous. Mais je vais te dire une chose, fiston : ne laisse jamais les autres décider à ta place. Tu es maître de ton destin. »

Non...non...pas maintenant...

Je presse mes mains autour des épaules de mon meilleur ami, me sortant inopinément de ce souvenir incongru. Je hurle intérieurement pour garder la tête hors de l'eau et me ramène de force au présent :

—    Mais qu'est-ce que tu racontes ? Non, on n'est pas dans un bateau, on est chez Lily !

—    Lily habite dans un bateau ? s'étonne-t-il sans comprendre.

Bordel, il part loin dans son délire, celui-là !

—    Non putain ! T'es vraiment con ! Je viens de te dire qu'on est chez Kelly !

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